On a souvent taxé les Béatitudes d'être
un appel à la résignation ou une utopie qui permet de rêver
à un monde meilleur, en attendant que passe ce monde marqué
par le mal. C'est se méprendre sur le message des Béatitudes;
peut-être même que ce message a été mal compris
et utilisé à des fins pour lesquelles il n'était
pas destiné. Placées par saint Matthieu au tout début
du discours inaugural de Jésus, les Béatitudes sont les
premières paroles de Jésus. Par elles, Jésus ouvre
un chemin d'avenir pour tout être humain qui reconnaît sa
pauvreté devant Dieu et veut changer quelque chose à sa
vie, ou qui veut trouver en Dieu le sens de sa vie. Les Béatitudes
sont une proclamation de bonheur dont la plénitude n'est peut-être
pas pour aujourd'hui, mais qui commence à être accessible
maintenant. Dans le texte qui suit, le bénédictin Jacques
Dupont nous aide à saisir le message des Béatitudes.
Porteuses d'un message théologique
et christologique, enseignement qui appelle une transformation de nos
manières de penser et d'agir, les béatitudes sont d'abord
une proclamation de bonheur. On ne doit pas l'oublier.
Proclamation de bonheur, et
pas seulement promesse de bonheur. Les béatitudes déclarent
heureux ceux dont elles parlent. Les pauvres, ou les pauvres en esprit,
sont heureux; ils le sont effectivement au moment où on le leur
dit. Tout au plus ont-ils à en prendre conscience. Les béatitudes
ne sont ni une promesse ni un souhait, mais une formule de félicitation.
De toute évidence cependant,
le bonheur proclamé dans le premier membre de chaque béatitude
ne se comprendrait pas sans la promesse énoncée dans le
second. Considérée en elle-même, la situation présente
des pauvres (ou des pauvres en esprit) ne pourrait pas être appelée
heureuse. Elle n'apparaît telle que si on la considère dans
le rapport qui l'unit à un avenir. La pauvreté des pauvres,
ou l'humilité des pauvres en esprit, est porteuse d'avenir, gage
de bonheur futur. C'est par là qu'elle-même peut être
appelée heureuse.
Appuyée sur une promesse,
la religion des béatitudes ne peut-être qu'une religion d'espérance.
Mais l'enracinement de la promesse dans une situation actuelle préserve
cette espérance de la tentation de s'évader hors du réel.
Le présent tire son sens de l'avenir dont il porte la promesse.
Les contraintes et les exigences du moment présent sont précisément
les points d'où jaillit la joyeuse espérance qui transfigure
l'existence du croyant.
Le message des Béatitudes, Cahiers Évangile 24, Paris, Cerf, 1978, p. 62.