|
Heureux
les pauvres en esprit :
le Royaume des cieux est à eux
PAR YVES GUILLEMETTE
| heureux | pauvres | doux | affligés | justice |
| miséricordieux | coeurs
purs | artisans | persécutés | bonheur |
La première béatitude se retrouve dans
les évangiles selon saint Matthieu et saint Luc, avec cependant
une différence appréciable qui nous oblige à une
double interprétation. En effet, que veut signifier Matthieu en
ajoutant le déterminatif « en esprit »? Mais
voyons tout d'abord qui sont les pauvres dont parle la Bible.
Dans la langue hébraïque, le
mot qui désigne les pauvres est 'anawim. Il évoque
ceux qui sont « courbés, prostrés, opprimés »,
incapables de résister ou de se défendre contre les puissants.
Ce sont des gens qui constamment « mordent la poussière ».
On pense à la célèbre histoire de Naboth qui fut
faussement accusé par des gens soudoyés par le roi Akkab
parce qu'il n'avait pas voulu lui céder sa vigne (lire 1
Rois 21). Dans les évangiles, les pauvres ne sont jamais mentionnés
seuls, mais en compagnie des boiteux, des aveugles, des sourds: toutes
gens ayant leur lot quotidien de misère. Jésus se fait proche
de ces gens pour leur manifester la réalité du règne
de Dieu. C'est sans doute à ces personnes que Luc destine la béatitude
Heureux vous les pauvres. Jésus les déclare heureux,
non pas à cause de leurs mérites ou de leur valeur morale,
mais en raison de Dieu lui-même et de sa justice. Dieu envoie son
Fils pour avantager ceux que les circonstances de la vie ne rend pas heureux.
Pour Jésus, la pauvreté avec son cortège de misères
est un mal dont il faut éradiquer les causes, dont plusieurs ont
leur siège dans le coeur humain. Il ne saurait en être autrement
pour ses disciples qui, saisis par la Bonne Nouvelle, sont appelés
à travailler à la croissance du Règne de Dieu, en
permettant à tous de mener une vie décente et épanouissante.
Cette idée n'est pas non plus absente de la pensée de Matthieu,
si on pense à la scène du jugement dernier (MtĀ 25,31-46).
Le déterminatif « en esprit »
ajouté par Matthieu nous apprend qu'il ne s'agit plus de la pauvreté
au sens d'indigence, mais d'une disposition spirituelle. Les 'anawim
en esprit, sont des gens qui se courbent intérieurement, qui
ne se révoltent pas. L'esprit de pauvreté est en fait une
attitude spirituelle d'humilité et de patience. L'addition de Matthieu
prend son sens quand on se rappelle que, dans son Évangile, il
rapporte souvent les paroles de Jésus qui reproche aux Pharisiens
leur orgueil et leur suffisance qui les rend sourds à la révélation
de Dieu contenue dans la Bonne Nouvelle. Même les disciples sont
mis en garde contre un tel danger. Par contre, ce sont les humbles qui
se montrent plus réceptifs.
On peut donc conclure que l'esprit de pauvreté
est une disposition intérieure que l'on trouve chez les gens qui
ont conscience de leur fragilité humaine et qui, en conséquence,
sont accueillants au sens de l'existence que Jésus leur révèle,
en fonction du projet de salut de Dieu.
Source : Le Feuillet biblique 1511 (1993).
Article suivant
:
Heureux
les doux
Article précédent
:
Plus
ou moins Parole de Dieu?
|