chronique du 10 novembre 2006 |
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Le chandelier, le poisson et le palmierLe symbole juif du chandelier à sept branches, dont les dimensions cosmologiques et anthropologiques sont bien connues, a déjà été traité dans un autre article. Notre intention ici est de prolonger la recherche sur ce symbole judéo-chrétien et dexaminer deux autres symboles parfois associés au chandelier. Cet approfondissement est légitime puisque l'Apocalypse de S. Jean (1,20 et 2,1-5) identifie les sept chandeliers d'or aux sept Églises d'Asie Mineure. Bref, les sources littéraires attestent le fait que le chandelier à sept branches est devenu rapidement un symbole judéo-chrétien qui génère dans l'Église une source de lumière capable d'éclairer l'humanité. Claudine Dauphin a identifié un ensemble de symboles gravés sur des linteaux de porte provenant de Farj dans le Golan oriental (voir Archeologia 297, 1994, pp. 54-64). Quand pullulent et fourmillent les symbolesLinteau de porte à Farj gravé de signes judéo-chrétiens. Sur le linteau que nous retenons figurent, de droite à gauche, les symboles suivants : la menorah transformée en croix-mât de navire; un poisson représenté à gauche entre les rameaux du chandelier; suivent une charrue renversée, une branche de palmier stylisée à neuf palmes, puis une autre petite palme entre deux chandeliers à sept branches. Claudine Dauphin en conclut qu'à Farj une communauté juive coexista jusqu'au IVe s. avec une communauté judéo-chrétienne. Cette conclusion est permise, car le cas de Farj n'est pas unique. En Galilée, les sources littéraires affirment qu'à Capharnaüm et à Séphoris des Minim cohabitaient avec les Juifs dans la même ville. En fait quatre symboles sont associés ici dans la première incision du linteau : celui de la menorah, celui de la croix, celui du poisson et celui de la lettre hébraïque vaw. Le poisson au cur dune pléthore dautres symbolesIl ne s'agit pas d'une représentation du filet qui prend les poissons, puisqu'un seul poisson est figuré sur l'incision. Il ne s'agit pas non plus d'une variante du thème du bateau à côté du phare, thème bien connu des inscriptions funéraires du Musée Pio cristiano. La lettre vaw est associée
à la croix, de façon à former un compas ouvert et
les deux rameaux supérieurs du chandelier forment avec la barre
supérieure de la croix la lettre grecque theta. Il est permis
de rapprocher cette incision de celle de la catacombe de Domitille où
la croix surmontée de la lettre theta (ou phi qui
symbolise le baptême : phôtismos) est transformée
en ancre autour de laquelle deux poissons nagent. Une autre croix-compas
contient également la lettre theta, de sorte que toutes
les lettres de la parole ichtus soient présentes. Ancre, compas et poissons. Catacombe de Domitille, à Rome. Nous avons étudié le symbole du poisson. Rapidement le poisson-ichtus en vint à signifier « Jésus, le Messie, fils de Dieu, Sauveur ». Cette profession de foi fonctionne comme acrostiche du mot ichtus depuis la fin du second siècle. Les Oracles sibyllins 8,217-250, un ouvrage d'origine chrétienne, l'attestent. Probablement le symbole du Poisson-Christ a précédé l'acrostiche. Un graffiti de Saint-Sébastien à Rome et une inscription de Septime Sévère, surmontée d'une ancre et de deux poissons ainsi que le graffiti de la catacombe de Domitille dessinent une ancre-croix et deux poissons. Le symbole du poisson représente ainsi l'homme qui a besoin de salut. Clément d'Alexandrie évoque le fait que les chrétiens portent des anneaux où sont gravés les symboles de leur foi : la colombe, le poisson, le navire, la lyre et l'ancre. Origène, lorsqu'il commente Mt 17,24 qui évoque le poisson pêché par Pierre avec dans sa gueule un statère, affirme que cet épisode signifie le rachat de la Loi. Pour Augustin, le Christ comme le poisson, qui vit dans les profondeurs de la mer, vécut dans l'abîme de la mortalité (La cité de Dieu 18,23). Il n'est pas étonnant que le poisson devienne un symbole baptismal comme c'est le cas dans le traité De Baptismo de Tertullien. Le poisson apparaît dans les inscriptions funéraires dans un graffiti de la catacombe de Priscille et sur une stèle sépulcrale de Licinia Amias avec l'inscription ichtus zôntôn (poisson des vivants). Il devient ainsi le symbole de l'espérance humaine. Le symbole de la palme qui l'accompagne sur le linteau de Farj en vint à signifier la victoire. Le poisson grillé que le Ressuscité mangea est associé à sa mort et à sa résurrection chez Augustin, lorsqu'il commente Jn 21,9. Le poisson eucharistique associé à un panier de pain dans la catacombe de Calixte est bien connu. Une épigraphie funéraire provenant d'Urbino, en Italie, associe les symboles du poisson, du chandelier à sept branches, celui de la maison, de la balance et celui de la résurrection de Lazare. Jésus est défini comme vie et lumière et comme celui qui introduit dans la maison du Père. La ménorahLe chandelier à sept branches qui symbolise la lumière fut transformé rapidement en croix. De nombreux exemples sont connus. Il suffit de rappeler qu'avant la réforme liturgique de Vatican II, sur l'autel autour de la croix centrale, trois chandeliers de chaque côté formaient une ménorah transformée en croix. Multiples analogies de la palme
Mosaïque
de l'église du siège de Marie (Kathisma), près de
Bethléem. La palme est dabord larbre de vie, car elle provient du Paradis. Dans le Livre dHénoch éthiopien 24,3-25,6, le palmier est décrit comme un arbre au parfum exquis qui se trouve au Paradis. 1 Hén 24,4 affirme que le fruit de larbre odoriférant ressemble aux grappes de palmier. La palme est aussi lemblème du jugement et de la victoire. Elle symbolise parfois le juste. Hermas, dans le Pasteur, nhésite pas à présenter les justes couronnés de palmes. Méthode dOlympe, dans son neuvième discours du Banquet, interprète la branche de palmier, qui servait de balai dans lantiquité, comme un symbole dascèse qui purifie lâme. La palme identifiée à larbre de vie en viendra à signifier dans la tradition chrétienne la croix de Jésus. Parmi les témoignages littéraires nous nen citerons que quelques-uns. Une ancienne Homélie pascale attribuée à Hippolyte (SC 27, n. 50) traduit le symbole de la croix comme arbre de vie en ces termes : « Il a montré en sa personne toute la vraie vie pendue à larbre. Toi Israël, tu nas pu en manger; mais nous autres, avec une connaissance spirituelle indestructible, nous en avons mangé et en en mangeant nous ne mourrons pas ». Ignace dAntioche, dans sa lettre aux Tralliens 11,2 avait identifié également la croix à larbre de vie. Justin de Naplouse dans son Dialogue 86,1 compare lui aussi la croix à larbre de vie : « Les Écritures démontrent que le Christ, après sa crucifixion, deviendra glorieux et quil a comme symbole le bois de la vie qui fut planté au Paradis ». Clément dAlexandrie reprend ce symbole en Stromates 5,11,72,2-3 : « Moïse dans son interprétation allégorique de la sagesse la (la croix) appelée arbre de vie planté dans le Paradis ». Baptême et croixLe baptême est ainsi mis en rapport avec la croix, arbre de vie. Ce lien entre le bois de la croix et le baptême est ancien, puisquon le trouve dans la lettre de Barnabé. Aux chapitres 11 et 12 de cet écrit les Testimonia concernant leau et la croix sont rassemblés : « Recherchons si le Seigneur a pris soin de donner à lavance quelque révélation sur leau et la croix ». Le Christ par sa mort apporte la vie et la lumière aux croyants : tel est le message de l'inscription de Farj. Le thème du Christ-lumière trouvera d'innombrables attestations chez les Pères de l'Église.
Source : La Terre Sainte, juillet-août 2002, pp. 219-222.
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