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Symbole biblique
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chronique du 10 février 2006
 

Le poisson, un symbole majeur du christianisme primitif
 

Après sa Résurrection, Jésus, sur les bords du lac de Tibériade, prépare un repas pour les disciples. Sur un feu de braise, il leur apprête du poisson. Déjà lors des multiplications des pains, il avait fait distribuer du poisson aux foules affamées. Pour désigner ces poissons, l’évangile de Jean emploie le mot opsarion, tandis que pour les cent cinquante trois gros poissons de la pêche miraculeuse il a recours au terme ichtys. C’est ce dernier terme qui sera exploité par la tradition chrétienne. L’hébreu connaît également deux mots pour désigner le poisson : nun et dag. Très tôt le poisson deviendra un symbole majeur du christianisme primitif. Dans la basilique byzantine de Bethléem, une mosaïque de la période constantinienne porte l’inscription grecque Ichtys (poisson). De nombreuses lampes à huile byzantines sont décorées avec le symbole du poisson.
 

Lampe au poisson

Poisson-Christ

     C’est le texte de Tertullien qui vient immédiatement à l’esprit lorsqu’on explique le symbole : « Nous autres, petits poissons, comme notre Poisson, le Christ-Jésus, nous naissons dans l’eau et nous ne sommes sauvés qu’en demeurant dans l’eau» (De Baptismo 1) . Les inscriptions d’Aberkios provenant de Hiérapolis en Asie Mineure et celle de Pectorios trouvée à Autun, sans faire explicitement l’équivalence Poisson-Christ, la supposent et témoignent de la diffusion rapide du symbole. Ce n’est pas étonnant que les Pères de l’Église s’attardent à expliquer le symbole du poisson. Origène, dans son Homélie 13,10 sur l’évangile de Matthieu, l’exploite. Enfin l’acrostiche fameux des Oracles sibyllins 8, 217-250 est demeuré célèbre : les lettres du mot Ichtys forment les initiales de la phrase « Jésus-Christ fils de Dieu Sauveur » et supposent l’identification du Christ au poisson sans l’expliquer.

Repas juifs

Poisson et pain eucharistique
Catacombe de Calliste, Rome
(photo : Art Sacré)

     Les hypothèses ne manquent pas pour expliquer le symbole du poisson et sa reprise par les chrétiens. Daniélou, dans son livre sur les symboles chrétiens primitifs, ne retient que le sens baptismal. Eisler avait proposé une autre solution dans son livre Orpheus the Fisher. C’est le repas au poisson du début du sabbat dont le sens eschatologique est clair qui explique la diffusion du symbole. De nombreux textes soulignent cette dimension eschatologique, en particulier 2 Bar 29,4; 4 Esd 6,52 et Sab 118b-119a. Le vendredi est appelé la parasceve dite aussi cena pura. Le choix du poisson pour le repas qui ouvre le sabbat s’explique par son caractère messianique et eschatologique. Selon la tradition juive, Dieu servira aux justes Léviathan comme nourriture à la fin des temps. Le poisson du sabbat préfigure ce repas kasher, car ce poisson a des écailles et des nageoires.

     Le passage de Mt 16,4 voit dans l’épisode de Jonas qui a passé trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson le symbole du Christ qui est demeuré trois jours dans le sein de la terre. La patristique développera cette symbolique.

Jésus et Josué

     Une autre hypothèse de Eisler (1) mérite d’être approfondie : le symbole du poisson appliqué à Jésus renvoie à Josué, fils de Nun. En effet nun signifie poisson en araméen. Les Pères de l’Église avaient déjà fait le rapprochement entre Josué et Jésus. En grec c’est le même mot Iêsous qui est employé pour les deux. Origène, dans ses Homélies sur Josué, exploite ce filon (2). Il est repris par Tertullien dans son Ad. Marc. 3,16 et par Hilaire de Poitiers, dans son Tractatus Mysteriorum 2,6 : « Comme l’un fut chef de la synagogue, l’autre l’est de l’Église. Comme l’un fut guide vers la terre promise, l’autre est le guide vers la terre que nous posséderons en héritage… Comme l’un vint après Moïse, l’autre vint après la loi. Comme l’un reçut l’ordre de renouveler la circoncision… ainsi le Seigneur inaugura la circoncision du coeur. Comme l’un divisa les eaux, l’autre divisa les peuples. Comme l’un dressa en témoignage sur la terre douze pierres qu’il avait tirées du fond du Jourdain… de même l’autre fit sortir de la synagogue la doctrine des Apôtres (3) … ». Il faut noter que la littérature rabbinique avait exploité la signification du nom Josué, fils de Nun : « C’est le fils du ‘Poisson’ qui conduit les fils d’Israël dans la terre promise » affirme GenR 48,16.

     Peut-être une autre hypothèse permet-elle d’enrichir la polyvalence du symbole du poisson. Dans la généalogie de l’évangile de Matthieu, l’auteur divise les générations en trois groupes de quatorze. L’explication habituelle consiste à faire appel à la valeur numérique du mot David dont la valeur numérique est quatorze. L’histoire tend ainsi vers Jésus, le fils de David. Une autre explication se base sur le fait que la quatorzième lettre de l’alphabet hébreu est la lettre Nun (poisson). Jésus est ainsi le nouveau Josué qui fait entrer le peuple dans la terre promise.

     Lorsque l’évangile de Jean souligne que Jésus préparait le poisson (opsarion) pour les disciples qui venaient de prendre les poissons (ichtus), il veut montrer que Jésus est le nouveau Josué, fils de Nun.

« Il monte dans la barque de Pierre. C’est la barque qui selon Matthieu est agitée et qui selon Luc est remplie de poissons. Tu reconnaîtras ainsi à la fois les débuts agités de l’Église et l'Église en plein essor dans la suite, car les poissons représentent ceux qui sont en pleine vie. » (Ambroise, Traité sur l’Évangile de Luc 4,64)

Frédéric Manns, OFM

Source : La Terre Sainte janvier-février 2002, pp. 214-215.

Notes

(1) R. Eisler, Orpheus the Fisher. Comparative Studies in Orphic and Early Christian Cult Symbols, London 1921, 221-225.
(2) SC 71, 94-96 .
(3) SC 19, 148-151.

Lire aussi :
Le poisson
Le symbolisme chrétien du poisson

Le poisson (Art Sacré.net)

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Le symbolisme de la colombe au Proche-Orient ancien