Pains et poissons d'une mosaïque de Tabgha. (photo : Zvonimir Atletic / 123RF)
Le symbolisme chrétien du poisson
Sylvain Campeau | 17 juin 2003
Je
cherche des informations sur la signification du symbole du poisson (ichthus)
ainsi que sur son origine dans la Bible. (Christian B.)
L’origine du symbole dans la Bible ne doit probablement pas être cherchée dans l’Ancien Testament ou l'on parle peu du poisson. C’est le Nouveau Testament et surtout les évangiles qui parlent souvent de poisson, de pêche et de pêcheurs (lire Mt 4,18-20 et passages parallèles; 7,10; 13,47; Lc 24,42; Jn 21,3-14).
En grec, la langue des évangiles, le mot poisson s’écrit « ichthus ». Chacune des cinq lettres grecques est le début d’un titre christologique que l’on traduit : Jésus, Christ, Fils de Dieu, Sauveur. L’interdépendance entre l’idéogramme - ICHTHUS - et la représentation graphique du poisson s’est imposée rapidement chez les premiers chrétiens. Mais dès le début du IIIe siècle, l'origine du symbole était déjà probablement oubliée. Il devient donc plus pertinent de parler de la signification du symbole en proposant deux hypothèses parmi les plus intéressantes.
Le poisson comme symbole eucharistique et baptismal
Les interprétations les plus anciennes
qui nous sont parvenues viennent des Pères de l’Église latine
qui ont associé au poisson un sens lié aux rites sacramentels.
Selon certains historiens, la conception du poisson-Christ serait née
du rite baptismal qui se pratiquait souvent par immersion à cette
époque. Cette interprétation s’accorde très bien
avec un texte célèbre de Tertulien (155-220) : « Nous,
petits poissons, à l'image de notre Ichthys, Jésus-Christ,
nous naissons dans l’eau. » (De baptismo, c. 1)
Parmi les monuments qui nous sont parvenus, le poisson est souvent associé au pain et au vin comme en témoigne l’images ci-dessus. Saint Augustin (354-430) est le premier écrivain ecclésiastique à avoir donné une valeur eucharistique au poisson (voir son Traité sur l'Évangile de Jean, vers 416). De plus, une inscription conservée au Musée du Vatican présente le poisson-Christ comme l’aliment du banquet eucharistique. Mais c’est une exception car le symbole est habituellement associé au pain et au vin qui sont devenus, à la fin du IIe siècle, les seuls symboles de l’eucharistie.
Le symbole comme protestation
En 1898, Robert Mowat proposait une hypothèse fondée sur la numismatique (l’étude des monnaies anciennes). L’épigraphiste remarqua que la formule à laquelle l’idéogramme renvoie se décompose en trois membres de phrase distincts : Jésus Christ - Fils de Dieu - Sauveur. La formule respecte la structure tripartite en usage chez les Romains. La dénomination officielle d’un citoyen romain était composée de ses prénom et nom, de sa filiation paternelle et de son surnom, simple ou complexe. On retrouve ce genre d’agencement dans la légende de certaines têtes de monnaies émises sous le règne de l’empereur Domitien. Nous savons que Domitien était le fils de Vespasien, un empereur divinisé. L’idéogramme serait donc un cri de protestation chrétien contre la prétention impériale : César, fils de Dieu! Il s’agit d’une hypothèse qui tient compte du contexte culturel dans lequel la chrétienté vivait autour de l’an 95.
Tête laurée de
Domitien. CAES DIVI VESP F DOMITIANVS COS VII.
« César fils du divin Vespasien - Domitien Consul pour la septième fois. »
Quelle que soit l’interprétation qu'on en donne - une juxtaposition de titres christologiques agencés sous l’influence du symbole pisciforme, un symbole sacramentel ou un cri de protestation contre la prétention divine de l’empereur - le symbole du poisson est une véritable confession de foi chrétienne. Il n’est donc pas étonnant que la représentation picturale du symbole soit encore utilisée aujourd’hui.
Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est webmestre.