Mosaïque de la Pentecôte. Basilique de Constantin, Trèves (Holger Schué / Pixabay).
Vivre dans la liberté de l’Esprit
Roland Bugnon, CSSP | 11 novembre 2019
Les dernières pages des différents récits évangéliques présentent tous une structure plus ou moins identique. L’annonce de la résurrection en est le maître-mot avec la proclamation de l’entrée en gloire du Crucifié, considéré comme assis désormais « à la droite de Dieu son Père ». Après quoi vient une dernière apparition et l’envoi en mission des disciples.
Ces derniers ne sont généralement pas prêts à prendre le relais. Une période de transition va suivre, avec les questions et les interrogations que l’on peut imaginer. Désireux d’ouvrir son propre évangile à ces événements, Luc est le seul à lui donner une suite dans un nouveau récit, les Actes des Apôtres, que certains nomment parfois « l’Évangile de l’Esprit ». Ce livre retrace les événements principaux qui ouvrent le temps de l’Église et donnent naissance à un nouveau courant religieux, le Christianisme.
De la peur à la liberté de parole
La rencontre avec le Ressuscité n’a pas résolu, comme par enchantement, tous les problèmes qui se posent aux disciples de Jésus. Ils sont restés à Jérusalem repliés sur eux-mêmes, priant et ne sachant probablement pas trop que faire du message que Jésus leur a confié. Luc place d’emblée un intervalle de quarante jours entre le moment du départ de Jésus et le début du temps de l’Église. Il reprend ici le temps symbolique de germination du chiffre 40, évoquant ainsi les 40 ans du peuple hébreu dans le désert, les quarante jours de marche d’Élie vers le mont Horeb ou les 40 jours de Jésus dans le désert avant son baptême et le début de sa mission. Ce choix littéraire lui permet de placer au jour de la Pentecôte juive, l’événement capital qui inaugure le temps de l’Église : l’effusion de l’Esprit. Le récit en est fait dans le livre des Actes (2,1-11). Ce jour-là, les disciples sont rassemblés dans la chambre haute. Avec l’ensemble de la communauté juive, ils célèbrent l’alliance conclue entre Dieu et Moïse sur le Sinaï. Luc en reprend tous les éléments symboliques : le bruit, le vent, le feu. L’Esprit de Dieu fait irruption dans cette pièce aux portes closes et provoque un immense chambardement. Le texte est explicite :
« Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit. » (Ac 2,2-4)
L’Esprit Saint a été promis par Jésus à ses apôtres, comme une force qui les éclairera et leur permettra d’affronter le monde dans lequel ils vont se retrouver. On ne peut donc le décrire en personne, mais bien le voir à l’œuvre dans celles et ceux qu’il investit de sa présence. Luc décrit la scène. Premier acte, les portes closes sont ouvertes et les disciples projetés à l’extérieur où ils affrontent sans peur la foule qui s’est rassemblée devant eux. L’Esprit les a libérés de la peur ; il libère désormais en eux la Parole. Ils chantent les merveilles de Dieu et chacun les entend dans sa propre langue. L’assistance cherche à comprendre et Pierre qui s’est écrasé lamentablement devant une petite servante avant de renier Jésus chez Caïphe, prend sans crainte la parole pour annoncer la résurrection de Jésus d’entre les morts.
« Hommes d’Israël, écoutez les paroles que voici. Il s’agit de Jésus le Nazaréen, homme que Dieu a accrédité auprès de vous en accomplissant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes. Cet homme, livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l’avez suprimé en le clouant sur le bois par la main des impies. Mais Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n’était pas possible qu’elle le retienne en son pouvoir. » (Ac 2,22-24)
Pour étayer ses affirmations, Pierre cite des passages des Écritures avant de revenir à l’affirmation centrale : « Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité ; nous tous, nous en sommes témoins. Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint qui était promis, et il l’a répandu sur nous, ainsi que vous le voyez et l’entendez. » (Ac 2,32-33)
Désormais, Pierre et ses compagnons occupent le devant de la scène. L’Esprit Saint a libéré en eux la parole et fait d’eux les témoins de la résurrection de Jésus, le Crucifié du Golgotha. Cette annonce commence à Jérusalem ; elle retentira bientôt un peu partout dans l’Empire romain.
Ton Esprit, Dieu notre Père, est présenté comme un souffle puissant ou un feu qui brûle, libérant des énergies nouvelles. Pierre et ses compagnons sont transformés par sa présence en eux et ils osent parler et affirmer l’impensable : ton fils Jésus récemment condamné à mort et rejeté par les autorités du Temple, tu l’as ressuscité d’entre les morts. Il est sorti vainqueur de son combat contre la haine et la mort. Il est vivant et le chemin qu’il a tracé est celui que tu nous invites à prendre. Que ton Esprit, Seigneur, nous libère, nous aussi, de toute peur, et nous chanterons tes merveilles. [Lire la suite]
Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique.