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LES CHIFFRES (5/5)
 

Quel sens donner aux chiffres dans la Bible?

introduction | 1, 2, 3, 4 et 5 | 7, 10 et 12 | autres nombres | sens gématrique |

PAR JÉRÔME MARTINEAU

Le sens gématrique : un alphabet pour compter

     En plus du sens quantitatif et symbolique, le troisième sens qu'un nombre peut avoir dans la Bible est le sens « gématrique ».  Qu'est-ce que cela veut dire? C'est là une particularité des langues hébraïque et grecque. Alors que chez nous on utilise certains signes pour représenter les chiffres (1,2,3) et d'autres signes pour représenter les lettres (a,b,c), l'hébreu et le grec recourent aux lettres mêmes de l'alphabet pour désigner les chiffres. Ainsi, le 1 est la lettre a, le 2 la lettre b, etc.  De sorte qu'avec les lettres d'un mot, quel qu'il soit, on peut toujours former un nombre.  Le nombre ainsi obtenu est qualifié de gématrique.  Cette possibilité qu'offrent les langues bibliques, donne lieu à des jeux ingénieux et des passe-temps originaux, du fait que chaque nombre peut cacher un mot. La Bible fournit maints exemples de ces jeux.

     Ainsi, le chapitre 14 de la Genèse raconte l'invasion de la Palestine par quatre armées puissantes, venues de l'Orient, qui emmenèrent, comme prisonnier, Lot, neveu d'Abraham. Quand le patriarche en fut informé, il rassembla 318 hommes, se mit à la poursuite des ravisseurs et parvint à leur infliger une défaite et à libérer Lot. Fort bien. Mais comment imaginer qu'Abraham, ne disposant que de 318 hommes, ait vraiment pu vaincre les quatre puissantes armées de Mésopotamie? Il faut être naïf pour le croire. À moins que ce nombre n'ait une signification spéciale. Effectivement, nous savons qu'Abraham avait un serviteur nommé Eliézer, qu'il avait constitué héritier de tous ses biens. Si nous prenons les nombres qui correspondent aux lettres hébraïques de ce nom, nous obtenons : e=1 + l=30 + i=10 + e=70 + z=7 + r=200 = 318. Ce qui voudrait dire qu'Abraham partit combattre avec tous ses héritiers, et que ces héritiers, autrement dit les descendants du patriarche, triompheront toujours de leurs ennemis.

     Le livre des Nombres nous fournit un autre exemple. Il nous raconte qu'à l'occasion de l'Exode, on vit sortir d'Egypte 603 550 hommes, sans compter les lévites, les vieillards, les femmes et les enfants. Si cela est vrai, il faudrait évaluer le nombre de ceux qui quittèrent l'Egypte à quelques trois millions de personnes. Un nombre exorbitant et qui probablement ne fut jamais atteint par la population d'Israël, au cours de toute son histoire. Mais si, aux lettres qui composent la phrase « tous les fils d'Israël », nous substituons les valeurs numériques correspondantes, nous obtenons précisément le nombre 603 550. En disant que 603 550 hommes sortirent, l'auteur entend affirmer que « tous les fils d'Israël » quittèrent l'Égypte.

     Saint Matthieu se livre également à cette sorte de jeu. Il répartit les ancêtres de Jésus en trois séries de 14 générations chacune, et il conclut : « Le total des générations est donc : d'Abraham à David, 14 générations ; de David à la déportation de Babylone, 14 générations ; de la déportation de Babylone au Christ, 14 générations ». Voilà qui est impossible. En effet, Matthieu se borne à citer trois noms pour couvrir les 430 ans d'esclavage en Égypte et ne signale que deux ascendants pour combler l'intervalle de trois siècles entre Salomon et Jessé. C'est qu'à dessein, il compose artificiellement ces listes, afin qu'elles se limitent à 14 générations, car 14 est le nombre gématrique du roi David (d=4 + v=6 + d=4 = 14). Et comme on espérait que le Messie serait un descendant de David, l'évangéliste veut démontrer que Jésus est, en quelque sorte, le triple David et donc, le Messie dans sa plénitude, véritable descendant du Roi-Prophète.

     Le jeu biblique de gématrie le plus célèbre est celui que l'on trouve dans l'Apocalypse, concernant le chiffre 666, qui est censé désigner la Bête. L'auteur affirme qu'il s'agit là d'un chiffre d'homme. Celui qui se cache derrière ce chiffre n'est autre que l'empereur Néron. En effet, si nous transcrivons : n=50 + r=200 + w=6 + n=50 + q=100 + s=60 + r=200 = 666.

     Aucun chrétien ne trouve étrange que la Parole de Dieu se soit faite homme en la personne de Jésus. Moins encore s'étonne-t-il de ce que Jésus ait vécu en homme de son temps. Au contraire, il trouve normal de se le représenter vêtu d'une tunique, comme on en portait au Ier siècle, mangeant les aliments communs à cette époque et utilisant les moyens techniques et de déplacement dont on disposait alors. 

     Par contre, beaucoup ont peine à admettre que la Bible, qui est aussi la Parole de Dieu, se soit incarnée, si l'on peut dire, dans la culture et la langue du moment.  Ils s'imaginent qu'elle parle comme nous, avec nos expressions et notre mentalité. En fait, il n'en est rien. De même que le Christ est apparu comme un homme d'il y a 2000 ans, ainsi la Bible s'exprime comme les gens d'il y a 2000 ans. S'il serait ridicule de se représenter un Jésus en veston et cravate, circulant en taxi dans Jérusalem et transmettant ses messages par la radio, il ne l'est pas moins d'interpréter la Bible de manière littérale, selon nos catégories mentales, comme le font bien des gens. Nous devons nous situer dans la mentalité et la culture des Juifs de l'époque.

     En conséquence, lorsque en lisant la Bible, nous nous trouvons en face de chiffres ou de nombres, il convient de nous demander s'ils représentent une quantité, ou s'ils ont une signification symbolique ou gématrique. Cela nous permettra de mieux saisir le sens de la Parole de Dieu et, en même temps, le message qu'elle recèle, et qui peut enrichir notre propre vie.

Jérôme Martineau

 

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Le chandelier, le poisson et le palmier