L’apôtre Pierre. Mosaïque du VIe siècle. Presbyterium de la basilique Saint-Vital, Ravenne (Bernard Blanc / Flickr).
1 Pierre : le don de l’hospitalité (4/5)
Martin Bellerose | 17 avril 2023
« Pratiquez l’hospitalité les uns envers les autres, sans murmurer. Mettez-vous, chacun selon le don qu’il a reçu, au service les uns des autres des autres, comme de bons administrateurs de la grâce de Dieu, variée en ses effet. » (1 Pierre 4,9-10)
Plusieurs théologiens évangéliques voient dans ce passage LE référant biblique faisant de l’hospitalité, un des dons de l’Esprit saint. S’il s’agit d’une action de l’Esprit, l’hospitalité ou la praxis de l’amour pour l’étranger, pour l’autre, devient un lieu de sanctification et ce tant dans nos relations interpersonnelles lorsque que nous l’offrons d’individu à individu, mais aussi sur le plan collectif. Les migrations sont ainsi une action/mouvement de sanctification par leur exigence d’une dynamique hospitalière.
La philoxénie
Le terme grec que l’on traduit par « hospitalité », ou dans ce cas-ci « pratiquer l’hospitalité » est « philoxenia » qui veut étymologiquement dire « amour pour l’étranger ». L’hospitalité est ici une praxis amoureuse qui est une extension de l’amour intra-trinitaire qui lie les personnes/hypostases divines. Cet amour est la substance divine. Dans son œuvre sanctificatrice, l’Esprit saint communique cet amour au monde à travers les dons qu’il a « donné » (pardonnez la redondance « donner un don ») aux humains. Ce don d’hospitalité mutuelle crée des relations entre les humains qui prennent leur source dans la communion divine et du coup fait participer ceux qui pratiquent l’hospitalité à laquelle ils sont appelés en tant que chrétien.ne.s, à cette communion avec la Trinité dès maintenant dans l’histoire.
Cette hospitalité est une dynamique relationnelle qui dépasse l’accueil unidirectionnel et mène vers un accueil mutuel. En ce qui nous concerne, et telle qu’elle est présentée dans l’épitre pétrinienne, la praxis hospitalière « exige » une certaine réciprocité non pas parce que « je serai hospitalier à la condition qu’on m’ait préalablement offert l’hospitalité », mais parce qu’on me l’offre – Christ qui m’accueille en son royaume – nait en moi le désir brulant de lui offrir non pas en récompense pour ce que j’ai reçu mais par le désir gratuit que d’autre en bénéficie, car nous offrons l’hospitalité à Christ lorsque nous offrons à manger, à boire aux plus petits d’entre ses frères, et aussi à ces étrangers que nous accueillons, qui sont le Christ Incarné au moment présent de l’histoire.
Après avoir exhorté les chrétien.ne.s du Pont, de Galatie, de Cappadoce, d’Asie et de Bithynie à « pratiquez l’hospitalité les uns envers les autres, sans murmurer » (1 P 4,9), l’auteur de la lettre les invite à pratiquer aussi d’autres dons, soit celui de parler pour transmettre les paroles de Dieu ; soit le don de service avec la force que Dieu accorde (1 P 4,11). Contrairement aux listes des dons de l’Esprit que nous retrouvons dans le corpus paulinien, il s’agit plutôt ici d’une liste générique de dons.
Un idéal ecclésial
Le premier verset de la péricope est parfois très invitant pour en faire une lecture eschatologico-apocalyptique : « La fin de toutes choses est proche ». Cependant, « la fin de toutes chose » ne traduit pas le mot « eschaton » mais plutôt le mot « telos » qui peut vouloir dire la fin de toutes choses mais qui peut aussi vouloir dire « un but », un « objectif » à atteindre. Aussi, nous avons collectivement, sans trop poser de question, assumé qu’il s’agit d’une proximité temporelle. Quelque chose qui est proche temporellement est quelque chose qui n’est pas encore là mais qui arrivera bientôt. Cependant, quelque chose peut aussi être proche spatialement parlant, ainsi cette chose est là, présente, à portée de main.
Sans contorsion aucune, ce bout de phrase peut être lu tout autrement que ce à quoi nous sommes habitués et on pourrait y lire : « Notre but est à portée de main ». D’un seul coup le regard dramatique dissipe tout soupçon de fin du monde et lance plutôt un message d’espérance. En effet, dans les versets qui suivent on y décrit l’idéal d’une communauté ecclésiale. On y dit de montrer de la sagesse et d’être sobre et de prier, de s’aimer les uns les autres, de pratiquer l’hospitalité et de mettre en pratique les dons reçus de l’Esprit saint : celui de parler/enseigner et celui de servir. N’est-ce pas là une église locale idéale? N’est-ce pas là une paroisse idéale?
Ce que nous retenons ici est que la praxis de l’hospitalité est en elle-même une action de l’Esprit saint, action amoureuse et sanctificatrice qui lie les humains et la fait ainsi participer à la communion divine tout comme l’Esprit dont le rôle est d’édifier la communion trinitaire avec le Père et le Fils.
Martin Bellerose est professeur et directeur de l'Institut d'étude et de recherche théologique en interculturalité, migration et mission (IERTIMM) et directeur de la formation en français de l'Église Unie du Canada.