L’apôtre Pierre. Mosaïque du VIe siècle. Presbyterium de la basilique Saint-Vital, Ravenne (Bernard Blanc / Flickr).
1 Pierre : la migration, une résurrection (3/5)
Martin Bellerose | 20 mars 2023
En novembre 2017, il y a un peu plus de cinq ans déjà, je faisais référence à un passage de la Première lettre de Pierre. Dans un texte intitulé « Fondements du baptême et récits de migration », j’abordais en quelques lignes les derniers versets du chapitre 3 de cette lettre. J’écrivais alors :
Le récit sur Noé est utilisé comme référence pour expliquer le baptême chrétien en 1 Pierre 3,20-21. L’auteur y dit : « Aux jours où Noé construisait l’arche, dans laquelle peu de gens, huit personnes, furent sauvés par l’eau. C’était l’image du baptême qui vous sauve maintenant. » L’arche au milieu du déluge y est présentée comme une préfiguration du baptême en Christ. L’expérience de Noé face au déluge est dans son essence une expérience migratoire. Une fois le cataclysme annoncé, Noé doit partir. Le patriarche est le prototype du réfugié climatique, celui qui voit la terre qu’il habite inondée, disparaître sous les flots à cause du péché des êtres humains. Aujourd’hui aussi, des milliers d’insulaires font face à cette possibilité de voir leurs îles submergées sous les océans à cause du péché des humains qui méprisent la Terre et l’exploitent sans le moindre remords dans le but de faire du profit [et] s’enrichir. Noé doit migrer, sans pouvoir même rêver de retourner à sa terre d’origine un jour. Elle est perdue à jamais. Mais, en migrant vers un ailleurs, Noé est aussi appelé à participer à l’édification d’une terre nouvelle, en se l’appropriant.
Comme je l’ai fait dans chaque article de cette série, j’insiste sur le fait que cette lettre s’adresse à des migrants (1 Pierre 1,1). Cette appropriation d’une terre nouvelle dont nous parlons est en soit une résurrection. Cela est particulièrement vrai pour les réfugiés climatiques pour qui demeurer « là où ils sont » signifie mourir car leurs terres sont inondées ou elles deviennent impropres à l’agriculture par dessèchement ou contamination. Cela est aussi vrai pour les réfugiés en général, pour qui demeurer là où on les menace et où on les persécute signifie mourir. Ils migrent pour vivre, ils fuient l’endroit où leur vie est menacée. Trouver refuge, c’est aussi dans ce cas une deuxième opportunité de vivre, de continuer à vivre. Ce dont il est question ici n’est pas une image où une métaphore : en migrant, les réfugiés se donnent la possibilité d’un retour à la vie, d’une vie nouvelle et renouvelée en terre d’accueil.
Même les migrants dit « économiques » trouvent ce renouveau dans leur processus migratoire, un peu à la manière des fils de Noé. Au lieu de vivoter en un lieu où ils ne trouvent plus leur place, ils choisissent d’aller ailleurs, en terres « nouvelles » pour eux, où s’ouvre un monde de possibilités.
La migration, un baptême… une résurrection
La migration en elle-même est un baptême, elle renouvelle la vie du migrant. Si ce dernier est chrétien, il saisira ce renouveau comme un don de Dieu. N’est-ce pas ce que l’on relate sur Noé et ses fils? L’eau du déluge est à la fois ce qui porte l’Arche et ce qui menace de noyade celui qui tombe dedans (l’image est d’autant plus forte qu’aujourd’hui on migre en traversant la Manche, la Méditerranée ou le Rio Grande). « C’était l’image du baptême qui vous sauve maintenant : il n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement envers Dieu d’une bonne conscience ; il vous sauve par la résurrection de Jésus Christ. » (1 P 3,21)
Cette migration est un engagement envers Dieu de saisir l’occasion d’une vie renouvelée. La tentation est grande de voir le fait de se réfugier ailleurs comme un échec, mais l’exemple de Jésus ressuscité est un souffle de vie. Si Christ vainc la mort pour l’éternité, nous pouvons dire par cette expérience relatée par les premiers chrétiens que nous aussi pouvons vaincre la mort, pour l’éternité, mais aussi à l’intérieur de l’histoire, à l’intérieur de notre histoire.
Martin Bellerose est professeur et directeur de l'Institut d'étude et de recherche théologique en interculturalité, migration et mission (IERTIMM) et directeur de la formation en français de l'Église Unie du Canada.