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Qui est pur devant Dieu ?

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 14 janvier 2019

Les paroles de Jésus ont dû susciter des remous parmi les personnes présentes. Personne n’aime se voir reprocher des « pratiques religieuses vénérables ». Pour donner à ce qu’il dit, sa force, il évoque, dans les versets suivants (9-12), des situations d’injustice et d’infidélité à la loi divine causées par une fidélité stupide à la tradition. Pour être bien compris, il insiste et explicite sa pensée (v. 14-15) : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. » Ces paroles obligent celui qui veut les entendre, à opérer un retournement complet de sa conception de la pratique religieuse.

Pour la grande majorité des assistants, la fidélité religieuse passe par l’accomplissement de pratiques bien définies : ne pas travailler le jour du sabbat, ne pas manger d’aliments impurs, éviter de toucher une personne ou quelque chose qui risque de rendre impur, ne pas fréquenter celles et ceux qui sont classés parmi les pécheurs… Celui qui veut s’approcher de Dieu estime devoir se garder pur de tout ce qui est susceptible de l’en éloigner. Tel est le cas du pharisien venu dans le Temple pour prier (voir Lc 18,9-14). Il croit pouvoir faire étalage de ses pratiques vertueuses, mais seul le publicain qui implore humblement la miséricorde de Dieu sur lui, est justifié. Sa prière monte du très-fond de son cœur, elle est entendue. Le pharisien n’implore pas la miséricorde de Dieu. Il se montre satisfait de lui-même. Sa prière est vaine. Seul ce qui vient du cœur permet à une personne d’entrer dans une relation d’amour avec Dieu. L’essentiel est là, aux yeux de Jésus.

 Dans le judaïsme de l’époque, les préceptes et les lois sont nombreux. On en compte plus de six cent et les discussions sont nombreuses pour savoir quel commandement est le plus grand. Certains scribes vont jusqu’à les mettre tous à égalité. C’est la raison qui pousse l’un d’entre eux à demander à Jésus lequel est le plus grand, celui qu’il faut observer en priorité (voir Mc 12,28b-34). La réponse est très claire : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là.  Jésus refuse d’entrer dans de vaines discussions théologiques. L’essentiel, pour lui, n’est pas dans la multiplication des préceptes religieux, mais dans la relation d’amour qui s’établit entre Dieu et l’humain et entre les humains eux-mêmes. Le scribe n’hésite pas à dire : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique… L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. » L’essentiel est bien là. « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » rétorque Jésus à son intention, mais aussi de toute personne qui écoute sa parole. Le critère de l’amour doit être au centre de toute discussion sur les lois et traditions religieuses qu’il faut préserver.

Les disciples sont certainement les premiers à être bousculés dans leurs certitudes et leurs habitudes de penser. Ils sont incapables de développer une pensée différente de celle que la tradition éducative leur a inculquée depuis leur jeunesse. Les lois de pureté orientent entièrement leur comportement. Il faudra que l’Esprit de Jésus bouscule fortement Pierre pour qu’il accepte d’entrer dans la maison de Corneille le centurion romain et de s’asseoir à la même table que lui. Manger le même pain, partager le même repas, cela semble évident aujourd’hui alors que cela n’allait pas de soi à l’époque.

Il y a des habitudes culturelles différentes selon les peuples et les traditions religieuses. On peut devoir à les respecter par souci de l’autre. Mais lorsqu’on en vient à les sacraliser sous un prétexte religieux, on s’écarte entièrement du chemin tracé par Jésus. Ce qui sort du cœur, voilà ce qui peut rendre l’homme impur ou le pervertir et le déshumaniser. C’est dans le cœur que se forgent la haine et la violence. L’homme debout est libre par rapport à toutes les traditions. Il ne se laisse guider que par le seul principe de l’amour donné.

Seigneur Jésus, en relisant les nombreuses occasions de polémiques qu’ont pu susciter tes paroles et tes actions, je découvre comment se forme la haine que justifient des prétextes religieux. Ta liberté de parole et de comportement n’a fait qu’exacerber le rejet dont tu es l’objet. Tes adversaires agissent ainsi « pour sauver la religion ou la tradition religieuse » qui est la leur. Comment peut-on en arriver là? Comment peut-on laisser grandir en soi la haine et le rejet du prochain en estimant en plus honorer Dieu? Aujourd’hui encore, des hommes et des femmes sont massacrés parce qu’ils ne sont pas de la « bonne religion » et ne suivent pas des traditions particulières… Prends pitié de nous Seigneur! Libère nos cœurs de tout ce qui les encombre et les empêche de produire les fruits de l’amour et du respect de l’autre.

Prêtre spiritain, Roland Bugnon est l’auteur de Voyage de Marc en Galilée : récit imaginaire et romancé de la naissance d’un livre (Saint-Augustin, 2013).

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La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.