(photo : jw.org)
Les Témoins de Jéhovah
Francis Daoust | 26 novembre 2018
Les Témoins de Jéhovah nous abordent avec la Bible mais les textes auxquels ils se réfèrent et leur manière de les utiliser me rendent toujours mal à l’aise. Doit-on quand même les considérer comme des frères et des sœurs dans la foi? (Florence)
La Bible utilisée par les Témoins de Jéhovah est, au niveau du contenu, la même que celle des chrétiens issus de la Réforme protestante, c’est-à-dire qu’ils reconnaissent comme inspirés les 39 livres de la Bible hébraïque et les 27 livres du Nouveau Testament, mais rejettent les livres deutérocanoniques (Tobie, Judith, Sagesse, Ecclésiastique, Baruch, 1 et 2 Maccabées) qui font partie des Bibles catholiques et orthodoxes. Il n’est donc pas surprenant qu’il y ait plusieurs points communs entre leurs croyances et celles de la majorité des chrétiens. Mais leur manière d’interpréter la Bible fait en sorte qu’ils s’excluent eux-mêmes de la grande famille chrétienne, car cette interprétation est à la fois fondamentaliste et restaurationniste.
Les Témoins de Jéhovah font en effet une lecture fondamentaliste de la Bible, c’est-à-dire qu’ils affirment avoir trouvé la seule et unique bonne interprétation des Écritures et rejettent par conséquent toutes les autres interprétations possibles. Il est donc très difficile d’entrer en dialogue avec eux, puisqu’ils considèrent que tous ceux qui ne soutiennent pas leur interprétation sont dans l’erreur. Ce fondamentalisme mène au restaurationnisme, c’est-à-dire que les Témoins de Jéhovah estiment que l’ensemble du monde chrétien est en état d’apostasie et qu’eux seuls rétablissent la véritable religion souhaitée par Dieu. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme faisant partie de la grande famille des Églises chrétiennes, puisqu’ils rejettent celle-ci.
De plus, la Bible est, selon eux, sans erreur et sans contradiction. Ils s’évertuent alors à expliquer les incohérences de la Bible de diverses manières parfois surprenantes plutôt que d’avoir recours aux solutions beaucoup plus simples de l’exégèse critique. Pour eux, la Bible est pure parole de Dieu, ce qui laisse malheureusement peu de place au pôle humain qui est essentiel dans le processus d’inspiration et de révélation.
Mentionnons aussi que les Témoins de Jéhovah considèrent que la Bible doit s’interpréter par elle-même, c’est-à-dire qu’un passage difficile à comprendre deviendra clair à la lumière d’un autre passage de la Bible. Cette pratique est louable en soi, car il peut en effet être utile de comparer différents passages de la Bible afin de mieux les comprendre. Mais elle devient problématique quand c’est la seule façon d’interpréter la Bible, car les Écritures peuvent également s’interpréter en ayant recours à des outils extérieurs à la Bible : les sciences, l’histoire, l’archéologie, la philosophie, la littérature, etc. Et il faut aussi reconnaître que la Bible n’est pas un tout homogène et que tous les auteurs de la Bible ne tiennent pas les mêmes discours sur les mêmes sujets. Certaines idées ont évolué et la Bible témoigne de ces développements.
Pour conclure, il faut reconnaître que les visées des Témoins de Jéhovah s’enracinent dans une volonté sincère de bien comprendre les Écritures et de participer à la construction d’un monde meilleur. Malheureusement, et paradoxalement, leur considérable révérence pour la Bible fait en sorte que leur vue se limite à celle-ci, conduisant à un rétrécissement d’horizon et à une fermeture sur le monde.
Francis Daoust est bibliste et directeur de la Société catholique de la Bible (SOCABI).