LA MATRICE (6/7)
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Quelques réflexions sur le messianisme de Neo et du Christ | introduction
| parcours
| correspondances
| aventure
| PAR PATRICE PERREAULT
Si Neo représente bien une figure messianique rappelant celle du Christ, nous sommes conduits à nous interroger sur l'image messianique dépeinte dans la trilogie. En ce qui concerne le messianisme, disons simplement que le type de messie incarné par Neo correspond davantage à une forme politique semblable à celle représentée par un courant juif du premier siècle de notre ère. Il s'agissait essentiellement d'un messianisme préconisant l'extermination des Romains et le retour de la royauté. Au-delà de cette attente qui galvanisait certaines classes sociales, il existait une attente pour la classe appauvrie et opprimée qui constituait la vaste majorité de la population. Celle-ci correspondait à la conviction qu'un bon roi allait enfin donner le droit et la justice aux sans-voix et aux laissés-pour-compte. Le « messianisme » tel qu'incarné par Jésus de Nazareth correspond essentiellement à ce type de mouvement. Mentionnons en passant que le mouvement représenté par Jésus de Nazareth visait à renouer les relations sociales disloquées, ce qui était davantage à l'image du prophétisme que du messianisme. En effet, les gestes et les actions de Jésus correspondaient davantage à une interprétation prophétique que messianique même si les deux avaient une répercussion politique. Jésus visait à montrer symboliquement comment Dieu agirait lors de la venue de son Règne. C'est pourquoi Jésus n'a jamais cherché à renverser de façon violente et structurée la société mais avait pour objectif la reconstitution des communautés locales (5). C'est essentiellement dans cette conception du messianisme que se situe la différence entre « Neo le messie » et Jésus le Christ. Le personnage de Neo possède également des pouvoirs et aptitudes qui semblent évoquer une certaine façon de concevoir le Christ. Par exemple, Neo est capable de ramener à la vie des personnages décédés et il peut contrôler les éléments de l'univers de la Matrice. Tout cela lui confère une image de « toute-puissance », fréquemment associée au Christ et qui est tributaire d'une conception de Dieu lui-même. Cette manière de concevoir la toute-puissance divine est certes légitime mais on peut se poser la question s'il s'agit bien de cette notion qui est présente dans les évangiles. En effet, de nos jours, on comprend généralement la toute-puissance de Dieu comme étant une toute-puissance d'amour. « Dieu peut tout ce que peut l'amour, mais ne peut rien de ce que ne peut pas l'amour », aimait dire le grand penseur chrétien Maurice Zundel. De toute évidence, ce n'est pas ce type de toute-puissance qu'on retrouve dans la trilogie de La Matrice. Note (5) André Myre, « En travers du cours de la mission, l'embâcle de la religion » dans Kevin Arsenault et al., Une soupe au caillou, Montréal, Paulines, 1997, p. 195. Joseph : le roi des rêves
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