JÉSUS À L'ÉCRAN (4/6)
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Jésus à l'écran : d'hier à aujourd'hui Première partie : Un défi pour les cinéastes PAR JEAN-FRANÇOIS PERREAULT
Le document que nous proposons ici présente
les oeuvres cinématographiques majeures portant sur la vie du Christ.
Pour chaque entrée, une appréciation générale
est donnée. Bien que non exhaustive, cette liste peut tout de même
servir de guide à tous ceux et celles intéressés
par le genre christique au cinéma. De la Crèche à la Croix Il s'agit d'une des premières grandes
productions portant sur la vie de Jésus de Nazareth. Filmée
en Palestine et en Égypte et s'inspirant visuellement des illustrations
bibliques de l'artiste français Tissot, cette oeuvre, assez impressionnante
pour les standards de l'époque du cinéma muet, présente
un Jésus (joué par Robert Henderson-Bland) très conforme
à l'imagerie populaire de l'époque. Comme son titre l'indique,
ce film dépeint la vie du Christ de la nativité à
la crucifixion. Assez curieusement, le film se clôt par la mort
de Jésus, l'illustration de l'expérience pascale de la résurrection
étant totalement oblitérée. Le Roi des Rois Ce film muet a été réalisé
par l'un des plus grands cinéastes de l'histoire du cinéma
populaire américain, celui-là même qui a livré
les « méga-spectacles » Samson et Dalila
(1949) et Les Dix Commandements (1956). On retrouve dans Le
Roi des Rois les éléments qui caractérisent son
cinéma, notamment le sens du spectacle, un certain penchant pour
le mélodrame et un intérêt particulier pour l'archétype
de la « femme fatale ». Somptueusement produit, ce
film a aussi donné le ton au genre biblique du cinéma et
a profondément influencé beaucoup de réalisateurs
qui ont traité par la suite du même sujet. Désireux
de modifier l'image un peu « eau de rose » associée
à Jésus par certains catéchismes pour enfants, DeMille
avouera avoir conçu le héros de son film comme un « vrai »
homme, très « viril » et très autoritaire,
autrement dit selon les stéréotypes que la tradition prête
à une masculinité accomplie. Cette façon de concevoir
le Christ se perçoit très nettement dans le choix de DeMille
concernant l'interprète du rôle principal. H.B. Warner, un
acteur de talent qui fit sa marque autant au théâtre qu'au
cinéma, était âgé de plus de 50 ans lorsqu'il
incarna le Christ. Avec son physique costaud et son regard impérieux,
Warner donne à son personnage un aspect très « patriarcal ».
Bien qu'il exhibe à l'occasion une certaine compassion, il se révèle
toutefois assez détaché et distant. Pour ce qui est des
autres éléments du film, ceux-ci sont sensationnels, surtout
pour l'époque. Le segment sur la crucifixion est particulièrement
spectaculaire (peut-être même un peu trop
) et l'épisode
de la résurrection, qui conclut le film, a été tourné
en couleur, ce qui lui confère un caractère très
saisissant par rapport au traitement en noir et blanc du reste de la production. Golgotha Tournée en noir et blanc, cette
ambitieuse production française est l'adaptation du roman de Joseph
Reymond et porte sur les derniers jours de la vie du Christ. Il s'agit
en fait du premier film « parlant » sur ce sujet.
Robert Le Vigan y incarne un Jésus un peu fade, avec son visage
pâle et émacié (l'acteur se serait fait extraire deux
molaires pour donner plus d'impact photographique à son personnage)
et son interprétation alanguie. La source visuelle de ce film semble
avoir été surtout les catéchismes en images de l'époque,
qui fondaient l'imaginaire populaire d'alors. Le Roi des Rois Luxueuse super-production hollywoodienne
tournée à l'apogée du genre « péplum »,
cette version du Roi des Rois est très différente
de celle de DeMille. Avec son style accéléré et mouvementé,
ce film semble plus près du cinéma d'action et d'aventure
que du genre biblique. Bien qu'impressionnantes, les batailles épiques
entres Romains et Zélotes deviennent toutefois répétitives
et détournent l'attention du sujet principal. Interprété
par Jeffrey Hunter, un acteur connu surtout pour ses succès auprès
du jeune public, Jésus a certes une beauté très « iconique »
mais manque un peu de consistance. L'illustration exagérée
du caractère oblatif de Jésus finit par donner à
ce dernier une allure doucereuse, presque mièvre. Le réalisateur
fait néanmoins preuve de créativité et d'imagination
dans la composition photographique et beaucoup de passages sont visuellement
fort réussis, tels que l'entrée de Pompée à
Jérusalem, le Sermon sur la montagne (voir la photo plus haut)
et la dernière Cène. L'Évangile selon saint Matthieu Le cinéaste marxiste Pasolini a
créé une oeuvre biblique intimiste, aux antipodes du style
souvent pompeux des productions hollywoodiennes. Tournée dans les
villages pauvres des campagnes du sud de l'Italie, d'un aspect sobre et
dépouillé, cette production cinématographique sur
la vie du Christ est considérée par plusieurs comme étant
la meilleure à ce jour. L'histoire du film et le scénario
sont fidèlement basés sur l'évangile de Matthieu.
Tous les personnages sont interprétés par des acteurs non-professionnels
et le rôle de Jésus est incarné par un jeune étudiant
espagnol, Enrique Irazoqui. Avec ses décors délabrés,
ses costumes parfois grotesques (les chapeaux des Pharisiens, inspirés
des peintures médiévales, font penser à des abats-jour)
et ses figurants enrôlés parmi les paysans des villages,
le film s'avère visuellement plutôt déconcertant.
La simplicité de la composition visuelle a toutefois l'avantage
de faire porter l'intérêt sur le texte et sur le jeu du protagoniste,
ce qui sert nettement le propos du film. Enrique Irazoqui interprète
le personnage de Jésus avec une vitalité et un aplomb assez
impressionnants pour un jeune acteur à son premier rôle.
Tel que présenté par Pasolini, Jésus semble plus
près d'un activiste subversif que d'une figure mythique et angélique,
ce qui ajoute encore plus d'originalité à l'entreprise.
Ce long métrage, dédié au pape Jean XXIII, a été
couronné de succès et fut récipiendaire de nombreux
prix, dont le Grand Prix de l'Office Catholique du Cinéma. La Plus Grande Histoire Jamais Contée D'un rythme lent et contemplatif, ce film magnifique réussit, mieux que bien d'autres, à présenter la dimension intérieure de la foi chrétienne. L'acteur choisi pour incarner le Christ, le suédois Max Von Sydow, a d'ailleurs mis tout son immense talent pour harmoniser son personnage avec le ton méditatif du film. Le scénario, inspiré du roman de Fulton Ousler, a été écrit en partie par le poète Carl Sandburg. L'aspect poétique et lyrique qui se dégage du film confère à ce dernier un côté légèrement surréaliste, qui sied peut-être mieux au genre littéraire des évangiles que le style « docudrame » de plusieurs autres versions de la vie du Christ. Ce qui est intéressant avec ce film, c'est que le scénario, grâce à son importance poétique, est loin d'être seulement une structure narrative séquentielle. Il constitue, avant tout, un outil pour organiser les différents éléments du film et leur donner une cohésion systémique, d'où l'utilisation intelligente et subtile des éclairages, de la musique, des couleurs, des accessoires et des décors, à la fois sobres et majestueux. L'interprétation, toute en retenue, est d'une grande qualité et donne beaucoup de solidité à l'oeuvre. Malgré certains passages d'une solennité qui tombe dans une théâtralité un peu poussée, cette fresque biblique s'avère exceptionnelle et fait très bonne figure dans la filmographie christique. Article
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