JÉSUS À L'ÉCRAN (5/6)
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Jésus
à l'écran : d'hier à aujourd'hui
Première partie : Un défi pour les cinéastes PAR JEAN-FRANÇOIS PERREAULT
Jésus Christ, Superstar Cette version cinématographique
de la Passion du Christ est la transposition sur écran d'un opéra
rock conçu en 1971 par Tim Rice et Andrew Lloyd-Webber. Jésus
y est présenté d'amusante façon comme un rebelle
contestataire, à l'image de la jeune génération des
années hippies. L'histoire est racontée selon le point de
vue de Judas l'Iscariote (interprété par Carl Anderson)
et la trame narrative est fondée sur la relation entre lui et Jésus
(incarné par Ted Neely). Cette production ne manque pas d'originalité
et sait susciter une certaine réflexion. Le mélange de costumes
antiques et contemporains ainsi que l'utilisation d'accessoires modernes
(à un moment, Judas est pourchassé par un tank) donnent
au film un cachet tout à fait unique, pour ne pas dire singulier.
La force de ce film réside surtout dans son genre narratif qui,
regroupant en un système cohérent des numéros musicaux
autonomes, rappelle un peu l'organisation littéraire des péricopes
évangéliques. Le Messie Intéressante oeuvre du grand cinéaste
italien Rossellini, ce film représente un premier essai d'illustrer
à l'écran la dimension sociohistorique de la figure du Christ.
Cette production est en tous points conforme au genre néoréaliste
qui caractérise le cinéma de Rossellini. Le ton du film
est donc empreint d'un vérisme assez sec qui tranche sur l'allure
aseptisée de la majorité des oeuvres cinématographiques
inspirées des évangiles. Le réalisateur était
surtout préoccupé de donner autant que possible à
son film une saveur de « neutralité ». C'est
pourquoi l'oeuvre est marquée par une ambiance d'austérité
et un aspect extrêmement dépouillé. On peut toutefois
s'interroger sur la réelle possibilité de concevoir une
oeuvre « neutre » et « objective »
sur la personne de Jésus puisqu'une bonne part de projection est
inévitable lorsqu'on aborde ce sujet. Quoiqu'il en soit, le film
« humaniste » de Rossellini, soucieux de montrer le
renouveau apporté par Jésus dans le rapport à la
question religieuse, constitue une nette percée dans la représentation
du « Jésus historique » au cinéma. Le
personnage de Jésus est cependant interprété sans
grande envergure par l'acteur Pier Maria Rossi et l'ensemble de la production
souffre d'un certain manque de tension dramatique. Jésus de Nazareth Grandiose production télévisée,
cette mini-série a fortement marqué et influencé
les perceptions populaires en ce qui a trait au christianisme. Il faut
reconnaître que l'oeuvre ne manque pas de mérites et se signale
notamment par son souci de la reconstitution historique, qui réussit
à donner un semblant d'authenticité. On peut toutefois formuler
quelques réserves face à cette ambitieuse production. En
effet, par son ton révérencieux, son rigoureux souci de
fidélité aux traditions et son approche calculée,
l'ensemble de la production fait preuve d'un académisme plutôt
froid. Jésus, tel qu'incarné par Robert Powell, a certainement
beaucoup de présence mais apparaît malheureusement comme
un personnage irréel, distant et langoureux. Cela dit, on peut
considérer cette mini-série comme un grand classique du
genre, dont l'impact culturel a été incontestable. La distribution
est impeccable et plusieurs acteurs sont fort convaincants. Parmi ceux-ci,
mentionnons Anne Bancroft, inoubliable dans le rôle de Marie-Madeleine,
Valentina Cortese, sublime dans celui d'Hérodiade, et James Farentino,
très pittoresque en Simon Pierre. Une suite, intitulée A.D. Anno Domini (Stuart Cooper, 1985), aussi soignée et académique que la série de Zeffirelli, a été réalisée par le même producteur, Vincenzo Labella, et couvre la période allant de l'expérience pascale aux persécutions de Néron. De grands noms d'Hollywood ont été associés à l'entreprise, notamment James Mason (dans le rôle de Tibère), Ava Gardner (dans celui d'Agrippine la Jeune) et Susan Sarandon (qui incarne Livilla, belle-fille de Tibère). Le personnage de Jésus est interprété par Michael Wilding, Jr., fils du couple d'acteurs Elizabeth Taylor et Michael Wilding, Sr. Constituant les deuxième et troisième
volets d'une « trilogie biblique » commencée
avec le téléfilm Moïse (Gianfranco De Bosio,
1975), les séries Jésus de Nazareth et A.D. Anno
Domini sont respectivement tirées des romans L'Homme de
Nazareth (1976) et Le Royaume des mécréants (1985),
écrits par l'auteur de L'Orange mécanique, Anthony
Burgess. Ce dernier a d'ailleurs contribué au scénario de
chacune de ces productions. Jésus, le film Pour
voir le film Cette illustration très littérale
de l'évangile de Luc, bien qu'elle se présente comme un
« documentaire » sur Jésus, constitue d'abord
et avant tout un outil de prosélytisme produit par le Campus
Crusade for Christ, International. Rigoureusement fidèle au
texte lucanien et porté par un certain souci du détail,
ce film, au ton très didactique, a l'intérêt d'avoir
été tourné entièrement en Israël. Les
acteurs et figurants sont tous originaires de cette région du globe,
à l'exception de Brian Deacon, acteur anglais incarnant le personnage
de Jésus. Par son irréprochable fidélité aux
sources et par la simplicité de son traitement, ce film peut certainement
servir d'introduction aux évangiles. Cependant, on ne peut dire
qu'il s'agit de la meilleure production sur le sujet à avoir vu
le jour. La réalisation, peu inventive, est plutôt poussive
et l'interprétation manque singulièrement de tonus. Le fait
de transposer le plus littéralement possible le texte biblique
n'a pas non plus été la meilleure idée qui soit puisque
ce faisant, tout le sens du langage métaphorique et symbolique
des évangiles se trouve dilué dans le produit filmique. La Dernière Tentation du Christ Tiré du roman de Nikos Kazantzakis,
ce film se veut « une exploration fictive de l'éternel
conflit spirituel », « impitoyable bataille entre
l'esprit et la chair ». Il s'agit d'une oeuvre à la fois
sensible et insolite, très librement inspirée de la vie
du Christ. Rompant avec les règles établies, le cinéaste
Martin Scorsese a choisi de présenter le Christ comme un être
engagé dans une difficile quête spirituelle. L'histoire est
donc conçue comme une allégorie du cheminement intérieur
de l'être humain. La grande « tentation » qu'éprouve
le Christ et à laquelle le titre fait référence semble
être celle de se trahir lui-même, en choisissant de mener
une existence paisible et tranquille, au lieu de rester fidèle
à son « appel » intérieur. Cette illustration
du tiraillement entre l'ego et le soi profond est particulièrement
intéressante et très bien rendue. Il est toutefois un peu
regrettable que le scénario, s'appuyant sur une anthropologie dualiste
de la personne humaine, reproduise l'éternel cliché opposant
spiritualité et sexualité. Sur le plan cinématographique,
le film est splendide, avec sa photographie soignée, sa musique
envoûtante, sa réalisation alerte et sa distribution exceptionnelle.
L'oeuvre baigne dans une atmosphère onirique qui lui confère
un aspect fascinant et qui excuse certains passages un peu forcés
(comme lorsque le Christ retire son coeur sanglant de sa poitrine). Willem
Dafoe est tour à tour amusant, troublant et pathétique dans
son interprétation du Christ. Cependant, cette version sur écran
de la vie de Jésus, par son côté parfois burlesque
et son approche superficielle du contenu évangélique, ne
propose pas un regard vraiment approfondi de la question chrétienne. Jésus de Montréal Brillante transposition des évangiles dans un contexte contemporain, cette oeuvre, saluée unanimement par la critique, est sans aucun doute l'une des plus marquantes à avoir été tournée sur le sujet. Au moyen de détours assez astucieux (le film porte sur une troupe de jeunes acteurs engagés pour « revitaliser » une pièce sur la Passion du Christ), le cinéaste parvient à réactualiser la figure de Jésus, tout en lui donnant un aspect très « terre à terre ». Ce faisant, il réussit à très bien dépeindre le côté subversif et profondément dérangeant du Jésus historique, ce que fort peu de réalisateurs avaient accompli avant lui. Les parallèles entre les évangiles et le quotidien des acteurs impliqués dans la pièce sont extrêmement intéressants et permettent de mieux saisir l'impact qu'a pu avoir Jésus de Nazareth sur la société de son époque. L'interprétation des comédiens est très convaincante, Lothaire Bluteau (qui incarne Daniel Coulombe, l'acteur choisi pour « jouer » Jésus) se distinguant par son côté sensible et engagé. Le film n'est cependant pas parfait, les données du scénario n'étant pas toutes très rigoureuses sur le plan historico-critique (pour présenter les origines de Jésus, le cinéaste a préféré se baser sur une polémique issue d'anciens écrits rabbiniques plutôt que sur les résultats de la recherche exégétique). Malgré cela, cette oeuvre se démarque avantageusement de la plupart des autres films portant sur Jésus et se révèle un vibrant plaidoyer en faveur de la dignité humaine. Article
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