chronique du 5 octobre 2001
|
|||||
Élection
La notion d'« élection » est fondamentale dans la Bible si nous voulons comprendre quelque chose au projet et à la volonté de Dieu sur l'être humain. D'entrée de jeu, il faut nous libérer de la conception que nous avons de l'élection dans nos sociétés modernes. L'expérience que nous avons de l'« élection » est l'exercice démocratique que nous effectuons régulièrement en nous rendant aux bureaux de vote pour choisir nos gouvernements. Dans notre cas, on peut dire que le mouvement s'effectue du peuple vers ses représentants élus. Il en va tout autrement dans l'histoire du peuple de Dieu et des individus qui le composent. Dans la Bible, « l'expérience de l'élection est celle d'un destin différent de celui des autres peuples, d'une condition singulière due non à un concours aveugle de circonstances ou à une série de réussites humaines, mais à une initiative délibérée et souveraine de Yahweh » (« Élection », Vocabulaire de théologie biblique, col. 337). L'élection relève donc de l'initiative de Dieu qui se choisit un peuple ou des individus pour les associer de façon étroite à son projet de salut pour l'humanité. Dans ce cas, le mouvement s'effectue de Dieu vers les êtres humains. Ce choix est gratuit et ne s'explique que par l'amour de Dieu, comme en fait foi ce très beau texte du Deutéronome : « Car tu es un peuple consacré à Yahweh ton Dieu; c'est toi que Yahweh ton Dieu a choisi pour son peuple à lui, parmi toutes les nations qui sont sur la terre. Si Yahweh s'est attaché à vous et vous a choisis, ce n'est pas que vous soyez le plus nombreux d'entre tous les peuples : car vous êtes le moins nombreux d'entre tous les peuples. Mais c'est par amour pour vous et pour garder le serment juré à vos pères, que Yahweh vous a fait sortir à main forte et t'a délivré de la maison de servitude, du pouvoir de Pharaon, roi d'Égypte. » (7, 6-8) La notion théologique de l'élection s'est largement développée au 7è siècle et s'exprime surtout à travers des oeuvres comme le Deutéronome. Même si l'élection est davantage reliée aux événements de l'exode, on relit l'ensemble de l'histoire d'Israël à la lumière de ce choix de Dieu. C'est ainsi que l'on découvre que Dieu avait déjà manifesté ses intentions au temps des patriarches comme Abraham. En considérant l'élection de Dieu à son égard, Israël perçoit la permanence de l'action de Yahweh dans son histoire d'une part, et la continuité dans la réalisation de son projet de salut d'autre part. En tant qu'initiative gratuite de Dieu, l'élection a son origine dans l'amour même de Dieu qui ne regarde pas au mérite. L'élection crée dès lors une relation intime au point d'affirmer qu'Israël est un fils pour Yahweh. L'élection est cependant officialisée par l'acte juridique de l'alliance qui fait d'Israël le peuple qui appartient à Dieu. En respectant les exigences de l'alliance, exprimée dans la synthèse qu'est le Décalogue, Israël s'engage à devenir saint comme Dieu est saint, c'est-à-dire à se laisser habiter totalement par la présence de Dieu. Le but de l'élection apparaît alors un peu plus clairement : Israël est appelé à faire rayonner parmi les peuples la grandeur et la générosité de Dieu. C'est le déploiement de la promesse faite à Abraham d'être une bénédiction pour toutes les familles de la terre. Outre cette dimension collective, l'élection peut être individuelle. Certaines personnes ayant une fonction importante dans le peuple choisi seront elles aussi élues par Dieu. On a parlé du choix d'Abraham, mais il y a aussi celui de Moïse, de David, de la personne du roi, des prêtres. Même un étranger comme Cyrus, qui a autorisé le retour des Juifs déportés, sera considéré comme l'élu de Dieu. La notion d'élection nous montre bien la liberté souveraine de Dieu qui entend prendre tous les moyens pour réaliser son projet d'établir l'humanité dans une relation de communion avec lui. Le Nouveau Testament attribue le titre d'« Élu » à Jésus mais en filigrane de certains événements, comme le baptême, la transfiguration et la crucifixion. On voit se profiler dans ces cas la célèbre figure du Serviteur souffrant contenue dans le livre d'Isaïe. On veut alors affirmer que Jésus mène à son achèvement l'oeuvre de salut que Dieu avait entreprise avec Abraham et Israël : « Il est venu en aide à Israël son serviteur en souvenir de sa bonté, comme il l'avait dit à nos pères, en faveur d'Abraham et de sa descendance pour toujours. » (Lc 1,54-55) La notion d'élection est appliquée également au peupe nouveau rassemblé par Jésus qui se voit attribuer les titres de gloire du peuple de la première alliance : « race choisie, sacerdoce royal, peuple saint, propriété de Dieu. » (1 P 2, 9) Yves Guillemette, ptre Pour lire la Bible sur l'élection... des patriarches : Genèse 12,1-3;
Alliance
|
|||||
|
|||||