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La résurrection
Le discours à l’Aréopage d’Athènes s’est terminé abruptement lorsque Paul a esquissé la promesse de résurrection des morts en solidarité avec celle du Christ. Si la résurrection est la pierre d’assise de la foi chrétienne, elle apparaît comme une pierre d’achoppement pour les Grecs.
Une question d’anthropologie
La formulation de la foi en la résurrection de la chair ou en la résurrection des morts repose sur des conceptions anthropologiques. Mais celles-ci présentent des différences selon que l’on appartienne au monde sémitique ou au monde grec. La conception de l’homme chez les Grecs nous est plus familière car elle a influencé le monde occidental. On retient surtout celle du philosophe Platon : l’âme préexistante est placée dans un corps charnel jusqu’à ce que la mort la libère de cette prison. L’âme et le corps ne constituent pas une union naturelle car tout les oppose : l’âme est spirituelle, incorruptible et immortelle, tandis que le corps est matériel, périssable et mortel. Selon cette conception, la résurrection des morts est une notion aberrante car elle signifie que l’âme serait à la recherche de la chair avec laquelle elle faisait corps, ou que le corps charnel serait en attente de son âme.
Aristote expose une autre conception de l’homme qui n’est pas très éloignée de la conception sémitique, et même de la conception moderne. Pour lui, l’âme ne saurait exister sans un corps à animer ou, en d’autres mots, en dehors d’un corps. Dès qu’il y a un corps vivant, il y a une âme qui l’anime, le fait vivre, sentir et penser. Dans cette optique, on ne saurait dire : J’ai une âme ou j’ai un corps, comme si c’étaient des objets dont je suis propriétaire. Il faut plutôt dire : Je suis un corps animé ou une « âme-corps ».
Enfin, l’anthropologie sémitique est clairement présentée dans le récit de création de Genèse 2. Le Seigneur Dieu prend de la poussière du sol, lui insuffle une haleine de vie et il en résulte un être vivant qui est à la fois chair et âme unies dans un corps. Le corps ne saurait donc s’opposer à l’esprit, car la chair dont il est composé fait partie intégrante de l’être personnel de l’homme. Le concept moderne « d’être personnel » semble être le mieux approprié à la notion biblique de « corps ».
La résurrection des morts
Nous partageons avec les premiers chrétiens la question du « comment » de la résurrection : Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils? Avec quel corps reviennent-ils? (1 Corinthiens 15, 35).
La résurrection, qu’elle soit dite de la chair ou des morts, ne saurait être la réanimation d’un cadavre, ou le retour de l’âme dans le corps qui l’a portée ou la reconstitution du corps à partir de ses molécules dispersées dans l’univers. Ce n’est pas non plus le retour à la vie terrestre dans des conditions optimales de santé, de bonheur et de performance. La résurrection peut être associée à une recréation ou à une transformation inimaginable de l’être humain. Saint Paul, en s’appuyant sur les connaissances de son temps, compare la résurrection à la différence radicale qui existe entre la semence mise en terre et la plante qui en sort (1 Corinthiens 15, 36-53); tout comme Jésus évoque le grain de blé qui doit mourir pour produire l’épi (Jean 12, 24). Paul explique que, comme le grain de blé mis en terre, nous naissons corps mortel voué à la corruption et, comme l’épi de blé qui sort de terre, nous ressuscitons corps spirituel destiné à la vie éternelle. De même qu’il y a continuité d’espèce mais différence de forme entre le grain et l’épi de blé, ainsi y a-t-il continuité dans la vie de notre être personnel et différence au niveau de la modalité de cette existence.
La résurrection apparaît comme le mystère de notre propre pâque, de notre passage de la vie charnelle et limitée à la vie spirituelle et en plénitude. Elle est l’aboutissement d’une histoire d’amour où Dieu nous aime trop pour se passer éternellement de chacun et chacune de nous. Comme dit le psalmiste, tu ne peux laisser ton ami voir la corruption (Psaume 16). Quant à nous, notre foi nous fait dire au Dieu vivant : je t’aime trop pour ne pas t’aimer toujours.
Source: Le Feuillet biblique, no 2190. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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Chronique précédente :
Visage de Paul - La prédication aux Grecs (8/12)
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