Le livre d'Esther (2/6)
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Des personnages fascinantsL’histoire racontée dans le livre d’Esther se déroule alors que la Judée et Babylone sont intégrées dans l’Empire perse. Le peuple juif apprend des mois à l’avance qu’il sera rayé de la carte. Puis, dans un retournement spectaculaire, les Juifs peuvent trucider leurs opposants. Comme dans tout récit palpitant, des personnages secondaires entrent et sortent de scène, parfois le temps d’une courte réplique. Mais l’ensemble de l’intrigue repose sur quelques personnages principaux, fortement contrastés. Assuérus, roi des PersesLe roi Assuérus est le pivot de toute l’intrigue. Il gouverne 127 provinces, étalées des Indes à l’Éthiopie. À première vue, son travail semble se résumer à relire les chroniques de l’Empire, à organiser des fêtes éblouissantes pour impressionner ses officiers et à consentir à un génocide monstrueux suggéré par son fondé de pouvoir. Prenons garde de ne pas projeter nos critères d’évaluation politique sur ce personnage. Actuellement, pour gagner les cœurs, un politicien doit se comporter le moins possible comme un chef visible. En ce temps-là, au contraire, celui qui dominait devait tout faire pour se faire voir en position de force. Organiser des fêtes éblouissantes était une bonne façon d’établir son autorité. Les priorités politiques n’empêchent pas Assuérus d’être attentif aux besoins de son épouse, malgré le protocole, ou de garder souci de rendre justice aux personnes loyales. Aux yeux d’Assuérus, deux femmes se qualifient pour le statut d’épouse. Leur définition de tâche se résume à se taire et à être belle! Mais les deux épouses successives ne se laissent pas enfermer dans ces limites. La première, Vashti, refuse de parader devant les grands du royaume lors d’un banquet protocolaire. La deuxième, Esther, ose dire au roi ce qu’elle a sur le cœur. Vashti et Esther, deux épouses audacieusesVashti ose résister au désir du roi. En refusant d’étaler sa beauté devant les convives, elle couvre de honte son époux impérial. Selon les critères de l’époque, elle est déchue de son titre d’épouse et des privilèges qui y sont rattachés. Certaines revues engagées dans le féminisme présentent cette sanction royale comme la preuve du mépris de la Bible pour les femmes. C’est oublier que Vashti est un personnage secondaire qui prépare le terrain à l’héroïne. Esther va encore plus loin dans la délinquance politique. Elle prend la parole sans y être invitée par son empereur de mari. Elle met sa vie en jeu pour essayer de sauver celle de son peuple. Elle inverse le cours de l’histoire enclenchée par la parole du roi. Tout un succès pour une petite Juive orpheline qui avait su garder secrète son origine ethnique! En hébreu, le nom Esther est associé à la racine sator : cachée, secrète. La littérature hébraïque lui prête un autre nom : Hadassah, la belle… Mardochée, le juif loyalEsther s’installe au sommet du pouvoir grâce à son parent et mentor, Mardochée. Ce déporté de Jérusalem est le bon gars de l’histoire. Apprenant le décret de tuer les Juifs, il déchire ses vêtements, revêt le sac et les cendres, et parcourt la ville en se lamentant bruyamment. Mais, coup de chance, il avait autrefois déjoué un complot du personnel proche de l’Empereur. Cela lui vaut la reconnaissance éternelle du roi. Celui-ci inscrit cet acte de loyauté dans les annales de l’Empire. Cette mention écrite fait glisser le pouvoir dans les mains de Mardochée, lorsqu’une nuit d’insomnie incita le roi à relire les annales. Au lieu de subir le sort collectif des Juifs mijoté par Amane, Mardochée émet un nouveau décret qui transforme les victimes en vainqueurs sanguinaires. En contraste avec le sensible Mardochée, Amane est le méchant de service. C’est le numéro deux du royaume devant qui Mardochée refusait obstinément de s’incliner ou de s’agenouiller. Le récit le présente comme le descendant du roi amalécite Agag, un fieffé ennemi du peuple de Dieu finalement vaincu (Ex 17, 8-16; Dt 25, 17-19; 1 S 15, 33). Profitant de son statut, Amane veut régler le cas des Juifs. Ce peuple éparpillé parmi les nations ne joue pas le jeu de l’Empire. Détenteur de l’anneau du roi, Amane émet un décret qui annonce longtemps d’avance le massacre des Juifs. Sûr d’avoir mérité la reconnaissance du roi, il devra honorer au nom de son patron le Juif Mardochée. Finalement, le grand méchant est réduit à implorer bien inutilement l’aide d’Esther, une fois le décret de Mardochée lancé dans le public.
Source: Le Feuillet biblique, no 2219. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal. Chronique précédente :
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