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chronique du 21 septembre 2012
 

Le prophète volant (2 Rois 2, 1-15)

Le prophète Élie sur un char de feu

Le prophète Élie sur un char de feu
vitrail de la cathédrale des Saints Michel et Gudule, baie 3, Bruxelles (Belgique)

Les récits décrivant la vie du prophète Élie sont remplis d’événements extraordinaires et insolites. Mais aucun n’égale son enlèvement au ciel, car Élie ne peut mourir comme tout le monde. Allez lire ce récit (2 Rois 2,1-15).

     Le livre des Rois décrit qu’au lieu de mourir, Élie est emporté au ciel sur un char de feu. Pour bien comprendre ce récit, il faut connaître la façon dont les hommes et les femmes de la Bible se représentaient le monde qui les entoure. Pour eux, la terre est plate et soutenue par de gros piliers. C’est le lieu de vie des humains. En haut, dans le ciel, se trouvent les eaux, les luminaires, mais surtout Dieu et sa cour divine. Sous la terre, est situé le lieu de la mort : le shéol.

     Dans notre récit, Élie est enlevé de la terre, le lieu de vie des humains, vers le ciel, le lieu de Dieu. On surnommait Élie « l’homme de Dieu ». Il était tellement rempli de Dieu qu’il a été enlevé vers lui à la fin de sa vie.

     Cet enlèvement a lieu au cours d’une tempête. Les tempêtes sont des circonstances classiques des manifestations de Dieu (voir Isaïe 29,6; Jérémie 23,29; 25,32; Ezéchiel 1,4; Nahoum 1,3, etc.) De même, le feu associé au char et aux chevaux symbolise la puissance du Seigneur.

La transmission de la mission

     L’un des éléments importants du récit est le manteau d’Élie. C’est l’instrument dont il se sert pour séparer les eaux, comme le bâton pour Moïse, au moment du passage de la mer des Joncs (Exode 14,16.22) et du passage du fleuve Jourdain (Josuée 3,13-17). Le lecteur comprend qu’Élie possède des pouvoirs semblables à ceux donnés par Dieu à Moïse. Ce manteau deviendra le symbole de la transmission de sa mission et de ses pouvoirs à Élisée qui, à son tour, séparera les eaux. Il est le signe que l’esprit de Dieu est avec lui, comme il l’a été avec Élie.

     Lorsqu’Élie est enlevé au ciel, Élisée déchire ses vêtements. C’est un geste normal de deuil et il apparaît ailleurs dans la Bible (voir Genèse 37,34; 44,13; Josuée 7,6). Élisée est ensuite prêt à revêtir le manteau d’Élie et à continuer l’action prophétique de son maître. Les vêtements, en particulier le manteau, représentent la personne même de celui qui les porte. À l’époque biblique, on ne connaît pas la diversité vestimentaire qui est la nôtre aujourd’hui. De plus, chaque morceau est unique puisqu’il est confectionné à la main. Tel vêtement représente donc telle personne.

     Ce récit est centré sur la transmission de la mission prophétique d’Élie à Élisée. Les chapitres suivants raconteront les diverses actions d’Élisée qui resteront dans la ligne de celles de son maître.

Autres ascensions

     Élie n’est pas le seul personnage biblique à être enlevé au ciel. Le premier est Hénok, personnage situé entre Adam et Noé, dans la généalogie du livre de la Genèse. « Hénok vécut en tout trois cent soixante-cinq ans. Ayant suivi les voies du Dieu, il disparut car Dieu l’avait enlevé. » (Genèse 5,23-24) Cet enlèvement d’Hénok restera un thème important dans l’apocalyptique juive.

     On connaît aussi l’ascension de Jésus ressuscité, telle que décrite par l’évangile de Luc (24,51[1]. Hénok, Élie et Jésus font donc partie d’un club assez sélect!
Tout comme l’enlèvement d’Hénok, celui d’Élie sera la source de développements apocalyptiques. On s’attend à ce qu’il revienne sur terre pour annoncer la fin des temps. Les légendes juives sont fort nombreuses à propos d’Élie et se retrouvent dans la Aggadah, une collection de textes rabbiniques. Dans ces textes, on voit que les rabbins ont inventé de nouvelles aventures extrabibliques à Élie. Elles commencent après son enlèvement et se terminent à la fin de l’histoire de l’humanité.

     La tradition chrétienne a été beaucoup inspirée par le personnage d’Élie. On retrouve son nom un peu partout dans le Nouveau Testament. L’évangile de Marc, par exemple, voit en Jean-Baptiste, la personne d’Élie qui est revenu sur terre avant la venue du Seigneur! Jean-Baptiste et Élie s’habillent de façon similaire (2 Rois 1,8 et Marc 1,6). Plus loin dans cet évangile, Jésus lui-même laisse entendre que Jean-Baptiste est Élie revenu sur terre (Marc 9,13). Les récits de la transfiguration de Jésus placent Moïse et Élie en sa compagnie, sur la montagne (Matthieu 17,1-9; Marc 9,2-9 et Luc 9,28-36). Lorsque les gens se demandent qui est Jésus, certains affirment qu’il est Élie attendu pour annoncer la fin des temps.

[1] Le récit de l’ascension de Jésus est assez insolite puisqu’il ne se trouve que dans les livres de Luc, l’évangile (24, 50-51) et les Actes des Apôtres 1, 9-11). Aucun autre évangéliste et aucune lettre de Paul n’en parlent. Curieusement, les Actes des Apôtres la situent quarante jours après la résurrection, alors que l’évangile la situe au soir de la résurrection et des apparitions. Cette différence est particulière puisque les exégètes confirment que l’auteur de l’évangile de Luc et des Actes des Apôtres est la même personne. Pourquoi Luc a-t-il situé l’ascension à deux moments différents?

Sébastien Doane

Texte complet dans :
Mais d’où vient la femme de Caïn. Les récits insolites de la Bible
Sébastien Doane, Montréal, Novalis ; Paris, Médiaspaul, 2010.

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