Le Seigneur des paraboles, Jorge Cocco Santángelo, 2017 (avec la permission de l’artiste).
L’inouï du Royaume de Dieu 5/6
Julienne Côté | 5 octobre 2020
Découvrir Matthieu : une série de six articles où Julienne Côté propose quelques clés de lecture pour mieux apprécier cet évangile « ecclésial ». Elle propose également d’en faire une lecture continue, un exercice qui permet d’apprécier le travail littéraire de l’évangéliste, la progression du drame qui culmine, on le sait, dans l’événement de la mort-résurrection de Jésus.
Les foules suivent Jésus, stupéfaites. Des adversaires posent des questions, étalent leurs doutes. Les disciples, en tant que groupe constitué par Jésus, ont pour mission de vivre comme le Christ lui-même et d’annoncer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu inauguré par les gestes et les paroles du Maître. Mais cette réalité du Règne de Dieu est difficile à communiquer dans un langage direct. C’est le langage des symboles, des images, qui convient le mieux pour dire l’inouï du salut, et Jésus l’utilise largement.
Le chapitre 13 illustre ce moyen de faire naître la vérité entre les humains. Il contient sept paraboles dont quatre sont propres à Matthieu. Ces paraboles exigent un effort de discernement et nous conduisent peu à peu à la confession de foi de Pierre (16,13-20). Qu’est le Royaume des cieux? S’adresse-t-il aux seuls disciples? ou à quiconque a des oreilles pour entendre (v. 9)?
Les paraboles du levain et du grain de sénevé (vv. 31-33) évoquent la force illimitée du Royaume et son étonnante efficacité. Si, aujourd’hui, nous sommes très sensibles au processus de croissance et attentifs aux moyens pour obtenir tel ou tel résultat escompté, Jésus, lui, scrute en profondeur les choses. Du côté de Dieu. C’est Dieu qui donne la croissance. Nous, nous ne pouvons produire le moindre effet, nous ne pouvons que recevoir le don du Royaume par la qualité et la fermeté de notre foi, et par l’amplitude de notre espérance et de notre charité.
Les paraboles de la bonne semence et de l’ivraie (vv. 24-30.36-43). La bonne semence requiert les soins attentifs du semeur. Celui-ci sait l’action de l’ennemi, ne s’inquiète pas trop de l’ivraie et attend le moment de la moisson, contrairement aux disciples qui polarisent leur attention sur l’ivraie. L’heure favorable dépend de celui qui oriente les humains et les événements. Dieu n’est pas pris au dépourvu. L’explication et le dénouement du récit, oui, sont imprégnés de certitude : la bonne semence produit une riche moisson malgré le foisonnement de l’ivraie.
À la différence du bon grain et de l’ivraie où un délai est consenti en faveur du bon grain, la parabole du filet (vv. 47-50) présente des gestes qui suivent leur cours, sans détermination de temps, jusqu’au moment où on retire le filet sur le rivage. Là, quelque chose de définitif se joue. Le jugement survient comme un éclair. Les paraboles du trésor et de la perle (vv. 44.45-46) font ressortir l’imprévu et l’inouï du Royaume des cieux qui est un don. Ceux et celles qui en sont bénéficiaires éclatent de joie. Cette joie qui est le signe du Royaume.
Ceux et celles qui entendent ces paraboles ont à les comprendre, en risquant une connivence avec le Maître et Seigneur qui parle.
Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.
Source : Feuillet biblique no 1481, p. 2.