Jésus et les enfants. Carl Heinrich Bloch, circa 1800. Huile sur cuivre. Musée national du Danemark, Copenhague (Wikimedia).
Un évangile ecclésial 6/6
Julienne Côté | 19 octobre 2020
Découvrir Matthieu : une série de six articles où Julienne Côté propose quelques clés de lecture pour mieux apprécier cet évangile « ecclésial ». Elle propose également d’en faire une lecture continue, un exercice qui permet d’apprécier le travail littéraire de l’évangéliste, la progression du drame qui culmine, on le sait, dans l’événement de la mort-résurrection de Jésus.
Le disciple écoute et comprend la Parole de Dieu ; mais le disciple qui se livre à Jésus Christ, lors du baptême, ne vit pas le mystère seulement au fond de son cœur. C’est dans un milieu de vie, de relations qu’il vit le lien au Seigneur. C’est dans une communauté de foi. Mais l’être-en-Église se développe comment? Comment vit-on les relations en Église, notamment en situation de conflit?
Le Seigneur de la communauté
L’être-en-Église se construit en vivant et en disant Jésus. Il s’ébauche à partir du Christ et de son enseignement, se constitue au sein de l’Église qui vit de la présence du Ressuscité (18,2.20). Que de fois les disciples, auxquels se superposent les croyants de la communauté chrétienne de Matthieu, une communauté formée de judéo-chrétiens, que de fois donc, ils prient leur Seigneur! « Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier » (8,2) ; « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit : dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri » (8,8) ; « Seigneur, au secours! nous périssons » (8,25); « Vraiment, tu es Fils de Dieu! » (8,29) ; « Aie pitié de nous, Seigneur, fils de David » (9,27-28).
Une charte de vie fraternelle
Cette communauté célèbre liturgiquement son Seigneur. Elle se soucie également de la vie fraternelle. Le chapitre 18 renferme une charte de la vie en commun. Le désir d’être grand, le plus grand dans la sphère familiale ou sociale, habite l’être humain. Que ce désir soit avoué ou inavoué, il est là. Or, Jésus propose que le croyant s’identifie aux petits comme lui-même le fait : « Celui-là donc qui se fera petit comme cet enfant, voilà le plus grand dans le Royaume des cieux. Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même. » (18,4)
Dans cette charte, il y a aussi des sentences redoutables concernant la correction fraternelle : « Si ton frère vient à pécher, va, reprends-le... » (18,15-18). Ces versets sont forgés par l’expérience de la vie : qui n’a pas observé qu’avec le péché vient souvent l’aveuglement de celui qui a péché? Qui n’a pas vu que si la communauté se résigne à laisser faire, elle se met en péril?
Enfin, la finale du chapitre, par le biais de la parabole du débiteur impitoyable (vv. 21-35), porte sur le pardon. Savoir pardonner du fond du cœur, voilà ce à quoi travaille tout croyant qui sait et croit qu’il a été lui-même objet de pardon.
Ce chapitre 18 décrit donc ce qui constitue le fondement d’une communauté, ce qui en assure le lien. Chez Jésus il y a toujours eu liaison de la parole et de l’acte. Les communautés chrétiennes vont-elles, aujourd’hui, assurer sa présence et vivre de l’esprit communiqué?
Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.
Source : Feuillet biblique no 1482, p. 2.