Élection des douze apôtres. James Tissot, 1886-1894. Aquarelle opaque et graphite sur papier vélin gris, 17 x 26,8 cm. Brooklyn Museum, New York.
Le temps de la mission 4/6
Julienne Côté | 14 septembre 2020
Découvrir Matthieu : une série de six articles où Julienne Côté propose quelques clés de lecture pour mieux apprécier cet évangile « ecclésial ». Elle propose également d’en faire une lecture continue, un exercice qui permet d’apprécier le travail littéraire de l’évangéliste, la progression du drame qui culmine, on le sait, dans l’événement de la mort-résurrection de Jésus.
Le Règne de Dieu s’est approché : Jésus enseigne, proclame l’Évangile du Royaume, guérit toute maladie et toute débilité (3,2 ; 4,17). Mais il y a un moment où le disciple qui écoute — ou encore le malade guéri — ne peut continuer d’écouter sans se prononcer. C’est l’heure du choix, l’heure de la mission. Le chapitre 10 rend compte d’un groupe qui se constitue. On y dit qu’avec autorité Jésus envoya ses disciples en mission.
Mais Jésus prend-il soin de donner des recommandations à ses disciples? Qu’est-ce qui est la racine du groupe des Douze? Quelles sont les caractéristiques de la mission?
Jésus choisit ses partenaires
À l’origine de l’envoi, il y a Jésus qui pose un regard neuf sur les gens qui viennent à lui : « Ayant vu les foules, il fut ému jusqu’aux entrailles, parce qu’elles étaient harassées et prostrées comme des brebis qui n’ont pas de berger. » (9,36) Jésus voit des brebis sans pasteurs et, du même coup, des partenaires possibles d’une alliance. Il s’agit de vocation, de collaboration. Et de part et d’autre, de prise de position. Pierre, au nom des autres, proclamera Jésus, Messie, et Judas, plus tard, se prononcera aussi.
La mission de l’Église vient de Jésus lui-même qui se consacre à former ses disciples pour qu’ils agissent selon leur vocation. Désormais, ils ont les mêmes pouvoirs que le Maître, ils poursuivent les mêmes fins. Grâce à son pouvoir et à sa parole (10,1), ils forment corps avec lui. Établis sous un même régime d’identité, ils ont comme mission de réussir à être ce qu’est le Maître.
Jésus associe les Douze à la mission reçue du Père. On peut noter que l’évangéliste Matthieu ne s’attarde toutefois pas à ce que les disciples doivent dire, mais il accentue ce qui a trait à leur comportement. Que nous dit-il alors, sinon que le Royaume qui s’est approché de nous en Jésus se reflète dans un nouveau style de vie? Un style de sobriété, de modestie, de pauvreté (vv. 26-33). Un style où il y a le partage et la compassion (vv. 40-42). Pourquoi le disciple doit-il se distinguer par la gratuité et la disponibilité? Pourquoi doit-il être prêt à tout donner, sans penser à recevoir quoi que ce soit en échange? Pourquoi, sinon que le disciple de Jésus est objet de l’amour gratuit de Dieu qui se met librement à la disposition de tous sans réserve ni condition.
Certes, la mission rencontre toujours contradictions et refus, violences et mépris (10,16-25 ; chap. 11-12). La puissance de l’Évangile n’apparaît-elle pas alors avec plus de clarté?
Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.
Source : Feuillet biblique no 1480, p. 2.