Le Sermon sur la montagne. Jan Brueghel l’Ancien, 1598. Huile sur cuivre, 26,7 x 36,8 cm. J. Paul Getty Museum, Los Angeles (Wikimedia).
Le Sermon sur la montagne 3/6
Julienne Côté | 31 août 2020
Découvrir Matthieu : une série de six articles où Julienne Côté propose quelques clés de lecture pour mieux apprécier cet évangile « ecclésial ». Elle propose également d’en faire une lecture continue, un exercice qui permet d’apprécier le travail littéraire de l’évangéliste, la progression du drame qui culmine, on le sait, dans l’événement de la mort-résurrection de Jésus.
Le Sermon sur la montagne est la grande charte du Royaume de justice que Jésus est venu établir. D’entrée de jeu, Jésus dit : « N’allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes ; je ne suis pas venu abroger, mais accomplir. Car en vérité je vous le déclare, avant que ne passent le ciel et la terre, pas uni, par un point sur l’i ne passera de la loi, que tout ne soit arrivé. » (5,17-18)
Cette sentence indique-t-elle la radicalisation de la Loi ancienne, avec une multitude d’exigences et d’interdits? Quelle est cette nouvelle justice par rapport à la Loi de l’Ancien Testament?
L’absolu du Sermon
Effectivement, il y a radicalisation de la Torah traditionnelle. Les antithèses (5,21-48) viennent l’appuyer. À l’autorité formelle de la Loi, à ce qui en constitue la lettre, Jésus, dans l’Évangile de Matthieu, substitue la volonté absolue de Dieu (les ablutions : 15,3-6.10-19 ; le divorce : 19,4-8 ; le serment : 5,33-37 ; la vengeance : 5,38-42). En plus, il parle comme Dieu lui-même pour proclamer la volonté de Dieu. La déclaration est souveraine : « Vous avez appris qu’il a été dit : Et moi je vous dis... » (5,21.27.33) Que signifie cette réinterprétation de la Loi? Vise-t-elle à accabler l’être humain, à l’étouffer sous des exigences trop étendues et trop difficiles?
Ce serait se tromper grandement sur Dieu et sur Jésus que d’envisager ainsi le dépassement auquel il appelle. En fait, lorsqu’il dit : vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait, Jésus situe l’exigence au niveau d’une relation entre le Créateur, qui a donné sa Loi et fait connaître ses volontés, et les humains. Et ce Créateur est son Père qui l’a envoyé établir son Royaume pour le bonheur de tous. Un pareil don appelle une réponse qui est aussi un don. Le don est présence du donateur. On ne peut prendre le don sans se rendre présent à celui qui donne, sans répondre à l’amour qui s’offre et qui appelle le disciple à l’amour, à l’abandon total et à la disponibilité.
Au centre, l’exigence de l’amour
L’obéissance radicale dont il est question dans le Sermon sur la montagne prend sa source dans l’amour de Dieu et ne peut se déployer que dans l’amour illimité, notamment celui de l’ennemi (5,43-48) et celui de l’homme et de la femme en détresse (25,31-46).
La nouvelle charte est bien une loi qui appelle à l’extrême de l’amour. Comme le Christ Jésus lui-même qui a fait la volonté de son Père jusqu’au bout. Ses actes ont toujours été au rendez-vous de ses paroles. Il n’a pas été comme le faux prophète qui dit des paroles justes mais ne fait pas, donc qui ment.
Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.
Source : Feuillet biblique no 1479, p. 2.