Judith (détails). Pedro Américo, 1880. Huile sur toile, 229 × 141,7 cm. Musée national des Beaux-Arts, Rio de Janeiro (Wikimedia).
Présentation du livre de Judith 1/3
Catherine Vialle | 16 juin 2017
Le livre de Judith fait partie des livres dits « deutérocanoniques », qui nous sont parvenus par l’intermédiaire du canon de la Bible grecque, la Septante. Il n’est donc pas reconnu comme canonique dans la tradition juive ainsi que dans les Églises issues de la Réforme. Il s’agit d’un écrit tardif, rédigé à la période hellénistique, plus précisément à l’époque hasmonéenne [1] (142-63 av. J.-C.). Le texte, en grec, est peut-être la traduction d’un original araméen ou hébreu, aujourd’hui perdu. En effet, en plus du témoignage de Jérôme de Stridon qui affirme avoir travaillé sur un original araméen, on relève de nombreux hébraïsmes qui pourraient être les indices d’une traduction très littérale.
Si peu de personnes ont lu le livre de Judith, l’image de l’héroïne coupant ou brandissant la tête ensanglantée du général ennemi Holopherne est présente dans bien des esprits tant elle a été représentée à travers les siècles [2]. Cependant, le récit biblique est en général bien peu connu. Manifestement, le meurtre du général assyrien par la séduisante veuve de Béthulie est porteur d’une symbolique si puissante qu’elle a conduit à occulter peu à peu le récit [3].
Le livre se compose de deux parties [4]. Dans la première (1–7), c’est Nabuchodonosor, roi d’Assyrie qui est à l’initiative des événements et décide de partir en campagne contre les peuples de l’ouest qui n’ont pas répondu à son appel lors d’une expédition contre un de ses ennemis, Arphaxad (1,1-12). Le narrateur décrit alors la progression inexorable de la redoutable armée assyrienne, le général Holopherne à sa tête, tuant, brûlant et forçant les populations à adorer Nabuchodonosor comme un dieu. Elle arrive en Judée et met le siège devant Béthulie, présentée comme la ville qui défend l’accès à Jérusalem et à son Temple. Privés d’eau, les habitants de Béthulie et ses dirigeants parlent de se rendre si aucun secours ne leur est parvenu dans un délai de cinq jours.
C’est alors que Judith, protagoniste de la seconde partie (8–16), entre en scène et annonce aux anciens que « le Seigneur visitera Israël par son entreprise » (8,33). Après avoir prié, Judith revêt ses plus beaux atours et, se faisant passer pour une transfuge, s’introduit dans le camp assyrien, accompagnée de sa servante. Elle séduit le général Holopherne et, profitant de son ivresse, lui coupe la tête. Les deux femmes regagnent ensuite Béthulie avec la tête d’Holopherne dans leur panier à provision. Elles sont accueillies par une explosion de joie et de louanges ; tous y voient l’œuvre de Dieu. Privée de son chef dont la tête se balance aux remparts de Béthulie, l’armée assyrienne se débande. Le récit se termine par le pillage du camp assyrien, suivi par une action de grâce généralisée et par un sommaire relatant la fin de la vie de Judith.
Au centre de l’intrigue se trouve l’action de Judith qui fait basculer le récit, amenant les habitants de Béthulie, et par conséquent de Jérusalem, de la perspective d’une défaite probable à la victoire totale sur les Assyriens.
Catherine Vialle est professeur à l’Université catholique de Lille (France).
[1] Pour une présentation détaillée, voir par ex. A.-M. Dubarle, Judith. Formes et sens des diverses traditions (AnB 24/1 et 2), Rome, 1966 ; C. A. Moore, Judith. A new translation with introduction and commentary (AB), New York, 1985 ; J. Auneau, « Le Livre de Judith », dans J. Auneau (dir.), Les psaumes et les autres écrits (PBSB AT 5), Paris 1990, 367-379,p. 371-372 ; C. Nihan, « Judith », dans T. Römer, J.-D. Macchi, C. Nihan (éd.), Introduction à l’Ancien Testament, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 623-624 ; C. Vialle, « Le Livre de Judith ou la victoire improbable », dans J.-M. Vercruysse (éd.) Le livre de Judith (Graphè,23), Arras, Artois Presses Université, 2014, p. 13-30.
[2] Pour Judith dans l’art, voir M. Stocker, Judith : Sexual Warrior : Women and Power in Western Culture, New Haven, 1998.
[3] Sur ce glissement progressif et ses évolutions dans la littérature française, voir J. Poirier, Judith. Échos d’un mythe biblique dans la littérature française (Presses universitaires de Rennes), Rennes, 2004.
[4] Sur cette structure, que l’on retrouve chez la plupart des commentateurs, voir notamment T. Craven, Artistry and Faith in the Book of Judith (SBL.DS 70), Chico (Ca), 1983, p. 53 ; 60-63.