(Sylvain Campeau)
Historicité et genre littéraire du livre de Judith 2/3
Catherine Vialle | 28 août 2017
Le livre de Judith se présente à la manière d’un livre historique : on y donne des dates précises (1,1.13 ; 3,10, etc.), des lieux tels que Ninive et Ecbatane (1,1), Damas (1,7), Jérusalem (4,2) et il est fait mention de personnages historiques tel Nabuchodonosor. Cependant, pour plusieurs raisons il n’est pas possible de tenir le livre de Judith pour un livre historique. Ainsi Nabuchodonosor est présenté comme le roi de Ninive alors que sa capitale est Babylone. C’est lui qui assiège et vainc Jérusalem en 587 av. J.-C. Il n’a pas pu régner sur Ninive puisque la ville est détruite en 612 av. J-C, soit sept ou huit ans avant qu’il ne devienne roi. À l’époque de Nabuchodonosor, un roi règne sur le Royaume de Juda, un certain Sédécias. Or, l’histoire de Judith semble se dérouler durant la période post-exilique, à une époque où il n’y a plus de roi (4,3.6 ; 5,18-19). Les historiens n’ont retrouvé aucune trace d’un roi des Mèdes nommé Arphaxad et la ville d’Ecbatane a été conquise par Cyrus le Grand en 554 av. J-C et non par Nabuchodonosor. La ville de Béthulie n’est mentionnée nulle part ailleurs dans la Bible et l’on n’en a retrouvé aucune trace, ni dans les écrits anciens, ni parmi les vestiges archéologiques. Notons qu’un des premiers à remettre en question l’historicité de Judith fut Martin Luther qui le considéra comme un poème et une fiction allégorique.
La plupart des commentateurs voient dans le livre de Judith un écrit à tendance didactique, un roman ou une nouvelle théologique. Autrement dit, son but serait d’enseigner le lecteur ou l’auditoire.
De nombreuses traditions bibliques y sont reprises et commentées ou librement adaptées : ainsi en est-il du meurtre de Siséra par Yaël en Jg 4,17-24, du combat de David contre Goliath (1 S 17), du viol de Dina par Sichem (Gn 34) ou du récit de l’Exode (Ex 1–15). Le parallèle est particulièrement frappant entre le récit de Judith et le texte de 1 M 7,39-50, où Judas Maccabée, agissant comme Judith au nom du Temple de Jérusalem, met en déroute l’armée ennemie après avoir tué Nikanor dont il tranche la tête qu’il suspend à la vue de tous à l’extérieur de l’enceinte de Jérusalem.
Par ailleurs, le récit qui met aux prises d’une part, Nabuchodonosor, caractérisé comme l’ennemi archétypique d’Israël et de son Dieu, et d’autre part, Judith, la juive, représentante d’Israël et agissant au nom de Dieu, comporte des traits apocalyptiques. L’ironie y joue également un grand rôle.
Catherine Vialle est professeur à l’Université catholique de Lille (France).