Les pierres dressées de Gézer (photo : Rosario Pierri, OFM)
Le haut lieu de Gézer
Robert David | 14 mai 2018
Peu de choses restent à voir aujourd’hui sur le site de Gézer. La présence d’une série de stèles dressées constitue cependant un attrait majeur compte tenu qu’il s’agit du plus bel exemple de ce type en Israël.
Érigées à la période de Moyen Bronze (vers 1800 avant notre ère), elles semblent avoir fait partie de la vie des habitants de la ville jusqu’à l’époque du Récent Bronze (vers 1300 avant notre ère). Elles forment un alignement vertical presque parfait dans l’axe Sud-Nord. Le complexe est formé de dix monolithes d’inégales grosseurs et hauteurs, les plus grands atteignant plus de 3 m. Il en manque possiblement quelques-uns car on distingue très nettement un vide entre le deuxième et le troisième monolithe en partant de la droite (Nord). Quant à celui qui repose sur le sol (difficile à distinguer dans les broussailles), il est possible que son emplacement originel se trouvait entre les deuxième et troisième monolithes.
Au centre du complexe, du côté Ouest, on remarque la présence d’une pierre carrée creusée en son milieu (voir la photo plus bas). Sa fonction exacte n’est pas claire. Deux hypothèses retiennent l’attention : 1) un socle ayant accueilli un monolithe; 2) un bassin pour des ablutions ou pour recueillir le sang de sacrifices offerts. La première hypothèse me semble peu probable considérant que tous les autres monolithes ne reposent pas sur de tels socles.
La pierre carrée (photo : Martin Mboesch, Wikimedia Commons)
Un muret entourait le complexe, délimitant l’enceinte. On en distingue la présence à ras le sol devant les stèles à gauche et à droite du bloc central. Il rejoint ledit bloc de part et d’autre de celui-ci.
La fonction du complexe
Que sont ces stèles? Dans plusieurs textes du Proche-Orient ancien faisant référence à des conclusions d’alliances entre dirigeants et vassaux, il est question de stèles. Celles-ci étaient érigées comme témoins de l’entente intervenue entre les parties. Josué 24,26-27 se situe tout à fait dans cette foulée. Celles de Gézer avaient-elles cette fonction? Difficile à dire, mais la chose semble peu probable dans le contexte où elles se trouvent ici.
Il est par ailleurs tout à fait probable qu’il s'agisse d’un complexe cultuel semblable à ceux dont on parle dans les textes bibliques. Dans le langage technique on les appelle des masseboth, pierres dressées du système cultuel cananéen, décriées par les prophètes bibliques et par les textes du Deutéronome dont le plus fameux est : « Démolissez leurs autels, fracassez leurs stèles, réduisez en cendres leurs pieux sacrés... » (Dt 12,3).
On peut se demander pourquoi ce nombre de stèles? Je propose une hypothèse : si l’on comblait les vides entre les stèles nous arriverions à 12 stèles, chiffre correspondant au nombre des mois de l’année. Pourrait-il y avoir un lien entre les mois, les stèles et l’économie basée sur l’agriculture? Offrait-on un sacrifice à chaque mois, au nom d’une divinité chargée de veiller à la bonne production de la terre tout au long de l’année? La question mériterait d’être étudiée. Il n’y a sans doute pas de lien entre les deux, mais il est intéressant de noter que, parmi les objets retrouvés sur le site, on compte une inscription des plus intéressantes (et l’une des plus anciennes rédigée en hébreu) : le fameux calendrier de Gézer. L’inscription, dont certains proposent d’y voir un exercice d’apprentissage à l’écriture d’un jeune écolier, fut rédigée au 10e siècle avant notre ère. Elle donne le nom des mois de l’année et la production agricole associée à chacun des mois.
Robert David est professeur honoraire de l’Université de Montréal. Il a enseigné l’exégèse de l’Ancien Testament et l’hébreu biblique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de 1988 à 2015.