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Archéologie
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chronique du 20 janvier 2006
 

« Les grandes eaux de Gabaon » (1)
 

Ils emmenèrent leurs hommes pour aller attaquer Ismaël.
Ils rattrapèrent celui-ci au grand étang de Gabaon.

(Jérémie 41,12)

En Amérique comme en Europe, le problème majeur relatif à l’eau concerne le degré de pollution que l’homme lui inflige! Au Proche-Orient, sa rareté est un défi de tous les jours, la rendant précieuse comme un joyau qui doit être soigneusement protégé. On comprend qu’elle soit prise si souvent comme le symbole de la vie sous toutes ses formes, physiques et spirituelles. La pluie ne tombe que de décembre à mars; il faut donc compter sur les rivières, si peu nombreuses (!), et les sources pérennes. N’oublions pas non plus que les villes, pour être défendues, doivent être construites au sommet de collines. Comme les rivières n’y coulent pas, et que les sources jaillissent à leurs pieds, il est alors nécessaire de ménager un accès à cette eau précieuse par des ouvrages à l’intérieur même des remparts. Trois types d’ouvrages sont bien connus. Le plus facile est de creuser des citernes sous les bâtiments pour y recueillir l’eau des pluies d’hiver; évidemment elles sont efficaces à condition d’être enduites d’un plâtre imperméable, ce qui n’est pas d’usage courant avant le Ve siècle avant J.-C.; si l’hiver est plutôt sec, fait non inusité, ce système perd beaucoup de sa valeur. Les deux autres types d’ouvrages consistent à creuser un puits jusqu’au niveau d’eau sous la ville, ou encore à creuser une galerie dans le ventre de la colline jusqu’à la source à son pied. Gabaon, petite ville bien connue à quelques kilomètres au nord de Jérusalem, a fait appel à ces deux systèmes, qui feront l’objet de deux chroniques, en commençant par le puits, creusé à 2,5 m du rempart.
 

partie supérieure

La partie supérieure du puits
(photo : BiblePlaces.com)

     Il surprend pour son ampleur et le gigantisme de sa réalisation. Par une percée verticale à travers le rocher, qui affleure partout dans la ville, on tâche donc d’atteindre le niveau d’eau. Deux sections de ce puits sont très facilement observables. Sa partie supérieure est de forme plutôt ronde, présentant des diamètres de 12,30 m et 10,30 m, et profonde de 10,80 m. Un escalier large de 1,5 m en spirale est ménagé le long de la paroi de ce puits rond; du côté de l’espace vide, on a conservé un muret servant de balustrade pour la protection des puiseurs d’eau. Cet escalier est taillé dans le roc, tout comme le puits.
 

premières marches

Les premières marches du puits
(photo : BiblePlaces.com)

     Rendus à la quarantième marche de l’escalier ou à 10,80 m de profondeur, nous faisons face à une technique toute autre pour le parachèvement de l’ouvrage : une galerie-escalier en spirale à travers le rocher remplace le puits rond ouvert. Pour atteindre le niveau d’eau il a fallu creuser encore sur une profondeur de 13,60 m; cette deuxième partie de l’escalier compte 39 marches, dont les onze premières sont à ciel ouvert. Ainsi l’eau peut être atteinte à 24,40 m de profondeur par un escalier en spirale de 79 marches! On a vu à éclairer la partie galerie de l’escalier par deux puits de lumière (a) percés au fond du puits rond.
 

galerie-escalier

La galerie-escalier
(photo : BiblePlaces.com)

     Au bas de cet escalier, on a creusé un réservoir en forme de « rein » pour y recueillir l’eau, mesurant 6,80 m par 3,40 m, et haut de 2,45 m. On y trouve encore de l’eau aujourd’hui.

     On évalue à environ 4000 tonnes la quantité de roches qu’on a dû creuser pour réaliser ce projet gigantesque. Justement ce gigantisme pourrait expliquer pourquoi on a terminé l’entreprise par une simple galerie; on peut y ajouter, à mon avis, que cette solution offre aussi l’avantage de garder l’eau propre dans son réservoir.

     À quel moment le puits fut-il creusé? Avec le fouilleur, le professeur J.B. Pritchard, je crois qu’il est contemporain du rempart, construit au cours du XIIe siècle avant J.-C. Il n’a pas été utilisé aussi longtemps et fréquemment que le deuxième ouvrage, dont il sera question dans notre prochaine chronique, car l’escalier est beaucoup moins usé sous les pas des puiseurs, et des signes évidents de son abandon peuvent être bien datés.

     Dans le réservoir au bas de l’escalier, deux cruches baignaient encore dans l’eau, dont la forme nous invite à les dater du VIIIe siècle. L’entrée de la galerie était bloquée par d’énormes pierres prises au rempart voisin et jetées au fond du puits rond. Puis progressivement cette partie supérieure de l’ouvrage fut complètement remplie au cours du VIIe siècle, car on y a trouvé une quantité énorme de morceaux de poterie, dont des anses de jarres inscrites mentionnant le nom de Gabaon, qui doivent être datés de ce siècle. Il est donc permis de croire que Sennachérib, roi de Ninive, détruisait la ville en 701, lors de sa campagne en Juda, bloquant le puits. Quand on restaura la ville, on abandonna complètement ce premier système d’approvisionnement en eau.

     Ce premier ouvrage nous permet dès aujourd’hui de comprendre pourquoi les Gabaonites sont caractérisés comme des « porteurs d’eau » (Jos 9,21-26); il nous permet aussi d’identifier, sans doute, le lieu du combat singulier entre les cadets de Joab et les cadets d’Abner, au temps de David, que le chroniqueur situe près de l’« étang de Gabaon » (2 S 2,13). Notre prochain article justifiera que Jérémie ait même pu s’exclamer devant les « grandes eaux » de Gabaon!

Guy Couturier, CSC

Source : Parabole xii/5 (1990).

Suite de l'article :
« Les grandes eaux de Gabaon » (2)

Article précédent :
Les vignobles de Gabaon

 

 

 

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