Rahab à la fenêtre. © Ans Taylor Art. Huile sur lin, 40,6 x 61 cm (courtoisie de l’artiste).
1. Rahab, la prostituée de Jéricho
Martin Bellerose | 18 avril 2022
Le personnage de Rahab apparaît dans un épisode du livre de Josué et sera cité par la suite dans l’Ancien et le Nouveau Testament à quelques reprises. Le présent texte et les trois qui suivront dans le cadre de cette chronique porteront sur ce personnage. Ici, nous allons au récit fondamental présenté au chapitre 2 du Livre de Josué et à partir duquel des passages subséquents de la Bible forgeront leur point de vue sur celle qu’on appelle aussi : la prostituée de Jéricho.
Qui est Rahab?
Rahab est une prostituée de la ville de Jéricho chez laquelle deux espions hébreux envoyés par Josué sont venus trouver refuge. L’histoire ne dit pas pourquoi ils sont venus frapper à la porte de Rahab. Pour y consommer la spécialité de la maison? C’est probable. Parce que la maison est située dans le rempart de la ville? Cela est aussi plausible, ou parce qu’on considère qu’en entrant dans une telle demeure on risque de confondre ceux qui auraient pu croire avoir reconnu des Hébreux suspects dans la ville? Enfin, plusieurs explications sont possibles, mais ce qui est important ici, est qu’ils s’y sont retrouvés.
Lorsque les soldats du roi allèrent chez Rahab à la poursuite des espions, ils lui dirent : « Fais sortir les hommes qui sont venus vers toi – ceux qui sont entrés dans ta maison– car c’est pour explorer tout le pays qu’ils sont venus. » La prostituée avait caché les hommes sur son toit et dit aux soldats qu’elle ne savait pas d’où ils venaient et qu’ils étaient reparti ; elle leur dit aussi de se dépêcher avant qu’ils ferment les portes de la ville pour partir à leur poursuite.
Elle les a volontairement induits en erreur pour protéger les espions, elle a risqué sa vie pour eux. La foi de Rahab fait que pour elle il n’y a aucun doute, le Dieu unique a donné ce pays aux Hébreux. Elle dira aux espions :
Car nous avons entendu dire que le Seigneur a asséché devant vous les eaux de la mer des Joncs lors de votre sortie d’Égypte et ce que vous avez fait aux deux rois des Amorites, au-delà du Jourdain, Sihôn et Og, que vous avez voués par interdit. Nous l’avons entendu, et notre courage a fondu ; chacun a le souffle coupé devant vous, car le Seigneur, votre Dieu, est Dieu là-haut dans les cieux et ici-bas sur la terre. (Josué 2,10-11)
Rahab fit une sorte de pacte avec les espions, elle ne divulguerait à personne ce qu’elle sait de leur entreprise. Pour leur part, les espions veilleront à préserver la vie des personnes de sa famille lorsqu’ils prendront la ville. À cet effet, les deux hommes dirent à la femme « quand nous entrerons dans le pays, tu attacheras ce cordon de fil écarlate à la fenêtre par laquelle tu nous as fait descendre » (Josué 2,18).
Les engagements pris furent tenus de part et d’autre. « Les jeunes gens qui avaient espionné y entrèrent et firent sortir Rahab, son père, sa mère, ses frères et tout ce qui était à elle ; ils firent sortir tous ceux de son clan et ils les installèrent en dehors du camp d’Israël. » (Josué 6,23). Rahab a ensuite vécu au milieu d’Israël, parce qu’elle avait accueilli les messagers que Josué avait envoyés pour espionner Jéricho, et ce, au risque de sa propre vie.
Sa foi et son action hospitalière
L’action radicalement hospitalière de Rahab l’a amené à faire partie du peuple d’Israël. Elle y sera reconnue aussi pour sa foi car elle a cru au Seigneur Dieu d’Israël, elle a vu qui Il est, sa grandeur et sa puissance, elle a vu comment Il a libéré son peuple de l’esclavage et a fait vaincre son peuple contre ses ennemis. Elle a choisi, par une décision délibérée, d’adhéré au Dieu d’Israël. Rahab a aussi contribué à l’édification de peuple d’Israël en terre promise. N’oublions pas que Rahab, la prostituée de Jéricho, une « étrangère » vivant au milieu du peuple d’Israël, qui a accueilli les espions envoyés par Josué venus se réfugier chez elle deviendra l’arrière-arrière-grand-mère de nul autre que le roi David lui-même, symbole par excellence du peuple d’Israël. Par le fait même, elle est aussi ancêtre de Jésus.
On a pu voir dans l’hospitalité de Rahab une réciprocité, son geste héroïque aura très certainement poussé le peuple à adopter une attitude de reconnaissance à son égard. Celle qui était auparavant reconnue comme la prostituée de Jéricho a été accueillie et on lui a offert l’hospitalité en lui permettant de vivre au milieu du peuple d’Israël et d’y fonder une famille avec Salmon. Certains diront que tout laisse croire qu’il s’agissait d’une hospitalité intéressée, mais n’est-il pas dans la nature de l’action hospitalière de susciter une réponse hospitalière car lorsqu’on accueille quelqu’un, il est lui-même appelé à accueillir son hôtesse dans « ce qu’elle est » sans quoi ne refuserait-il pas, lui-même, d’être accueilli, rejetant du coup son hôtesse?
Martin Bellerose est professeur à l’Institut d’étude et de recherche théologique en interculturalité, migration et mission.