La conversion de saint Paul. Nicolas Bernard Lepicie, 1767. Huile sur toile (Wikimedia).

10. Paul, le chantre de la grâce infinie de Dieu

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 21 mars 2022

Cette série s’inspire de l’invitation pressante faite par le pape François à tous les baptisés : devenir des disciples missionnaires de l’Évangile de Jésus Christ. Dans ce texte, l’auteur s’attarde sur le récit que Paul fait lui-même de sa conversion et les conséquences qu’il en déduit.

Sur la route de Damas, Paul a fait une découverte absolument impensable pour le pharisien qu’il était devenu, à l’école de Gamaliel. Les Actes racontent l’événement qui conduit le persécuteur des chrétiens à entrer lui-même dans la nouvelle Voie et à devenir l’apôtre des païens, alors qu’il fait route vers Damas.

Le récit est connu (Actes 9). Mais Paul lui-même en fait un autre, dans sa lettre aux Galates. Il écrit à une jeune communauté vivant en plein trouble à cause des allégations de certains judéo-chrétiens de Jérusalem, venus les visiter. Alors que Paul ne demande rien d’autre aux nouveaux baptisés que la foi en Jésus, Christ et Sauveur, ces derniers prônent, comme préalable au baptême, la fidélité à tous les préceptes et rituels de la Loi mosaïque. Paul s’emporte contre eux et commence par rendre personnellement compte de ce qu’il a vécu le jour de sa rencontre avec le Seigneur :

Frères, je tiens à ce que vous le sachiez, l’Évangile que j’ai proclamé n’est pas une invention humaine. Ce n’est pas non plus d’un homme que je l’ai reçu ou appris, mais par révélation de Jésus Christ. Vous avez entendu parler du comportement que j’avais autrefois dans le judaïsme : je menais une persécution effrénée contre l’Église de Dieu, et je cherchais à la détruire. J’allais plus loin dans le judaïsme que la plupart de mes frères de race qui avaient mon âge, et, plus que les autres, je défendais avec une ardeur jalouse les traditions de mes pères. Mais Dieu m’avait mis à part dès le sein de ma mère ; dans sa grâce, il m’a appelé ; et il a trouvé bon de révéler en moi son Fils, pour que je l’annonce parmi les nations païennes. (Galates 1,11-16)

Paul est très discret sur ce qu’il a vécu ce jour-là. Il en parle comme d’une grâce ou un don gratuit reçu de Dieu qui a jugé bon de révéler en lui son Fils, pour qu’il l’annonce parmi les nations païennes et ce, malgré la persécution effrénée qu’il menait contre l’Église. Cette expérience spirituelle est comme une plongée dans l’amour divin où il se découvre aimé tel qu’il est gratuitement, sauvé et « lavé de ses péchés ». Cette rencontre le fait entrer dans un acte de foi ou une adhésion totale à Jésus le Christ et le Seigneur. La transformation est totale : lui le persécuteur intransigeant devient l’apôtre entièrement donné à celui qu’il combattait. Cette expérience personnelle lui permet de comprendre que l’appartenance ethnique ou religieuse n’a pas d’importance aux yeux de Dieu. Seul son amour ou sa grâce peut sauver l’être humain et le sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve parfois et lui ouvrir les chemins du plein accomplissement de soi. Au cœur de sa conversion au Christ Jésus, Paul a pris conscience qu’il a été « sauvé par grâce » ; seul l’amour divin pouvait être assez fort pour le tirer hors du bourbier de mort dans lequel il sombrait peu-à-peu.

Cette découverte est pour lui capitale. Dans toutes ses lettres, particulièrement celle aux Galates, puis aux Romains, il le rappelle : seul l’amour de Dieu révélé en Jésus peut nous sauver, nous faire vivre et accéder à cette vie nouvelle à laquelle tous nous aspirons d’une manière ou d’une autre. Ce que l’on nomme le salut ou le but de notre existence ou la plénitude de vie est donné dans le « oui » qui nous ouvre – dans l’adhésion croyante – à l’amour gratuit de Dieu qui nous propose de participer à sa propre vie ou sa « gloire ». Paul va défendre sa position et se tourner d’autant plus souvent vers les païens, que de nombreuses communautés juives le rejettent, parfois violemment, et que certains judéo-chrétiens lui dénient toute légitimité. Même Pierre, venu à Antioche, adopte une attitude ambigüe que Paul dénonce avec force :

Mais quand Pierre est venu à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, parce qu’il était dans son tort. En effet, avant l’arrivée de quelques personnes de l’entorage de Jacques, Pierre prenait ses repas avec les fidèles d’origine païenne. Mais après leur arrivée, il prit l’habitude de se retirer et de se tenir à l’écart, par crainte de ceux qui étaient d’origine juive. Tous les autres fidèles d’origine juive jouèrent la même comédie que lui, si bien que Barnabé lui-même se laissa entraîner dans ce jeu. Mais quand je vis que ceux-ci ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre devant tout le monde : « Si toi qui es juif, tu vis à la manière des païens et non des Juifs, pourquoi obliges-tu les païens à suivre les coutumes juives? » Nous, nous sommes des Juifs de naissance, et non pas de ces pécheurs d’origine païenne. Cependant, nous avons reconnu que ce n’est pas en pratiquant la loi de Moïse que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ ; c’est pourquoi nous avons cru, nous aussi, au Christ Jésus pour devenir des justes par la foi au Christ, et non par la pratique de la Loi. […]

Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. Il n’est pas question pour moi de rejeter la grâce de Dieu. En effet, si c’était par la Loi qu’on devient juste, alors le Christ serait mort pour rien. (Galates 2,11-16. 20-21)

La foi profonde de Paul apparaît ici en pleine lumière. Il a expérimenté, dans sa propre vie, la puissance de l’amour révélé en Jésus. Il sait que seul cet amour, accueilli dans la foi, est en mesure de donner sens à une existence humaine, et il veut le faire savoir à toutes les personnes qui viennent l’écouter. Aucune loi religieuse – si belle soit-elle –, aucune pratique cultuelle ne sont en mesure de sauver l’être humain par elles-mêmes. L’amour de Dieu ne s’achète pas. Seule sa grâce, à l’œuvre dans le monde, peut ouvrir les cœurs et les transfigurer. Telle est la Bonne Nouvelle qu’il cherche à transmettre à tous ses interlocuteurs sans distinction de rang social ou d’appartenance ethnique.

C’est le message qu’il confie aux différentes églises qu’il a fondées autrefois et à celles d’aujourd’hui. L’espérance est possible parce que l’amour de Dieu est grâce. En lui, toute vie humaine peut trouver son sens. Les plus petits ou laissés-pour-compte, celles et ceux qui ne sont rien aux yeux du monde entendront le message et y adhèreront dans la joie d’une dignité retrouvée. Oui, toute personne humaine a du prix aux yeux de Dieu, parce qu’en lui tout est amour et grâce. Cela ne vaut-il pas la peine d’être proclamé haut et fort?

Conséquence? Pas besoin d’être parfait pour se présenter devant Dieu. Il accueille celui ou celle qui vient à lui, là où il en est et tel qu’il est. Son amour fait le reste dès qu’il trouve la porte d’un cœur ouverte. En suis-je bien conscient?

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

Caravane

La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.