Le reniement de Pierre. Rembrandt, 1660. Huile sur toile, 154 x 169 cm. Rijksmuseum Amsterdam (Wikimedia).

1. Les disciples, face à la mort de Jésus

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 19 avril 2021

Nouvelle série qui s’inspire de l’invitation pressante faite par le pape François à tous les baptisés : devenir des disciples missionnaires de l’Évangile de Jésus Christ. Dans ce premier article, l’auteur rappelle le choc des disciples devant l’exécution de leur maître avant de découvrir qu’il est toujours vivant.

À l’heure où je commence cette nouvelle série de méditations, nous sommes la veille de la célébration des Rameaux qui inaugure le temps de la semaine sainte. Dans le récit de la passion et de la mort de Jésus, lu ce dimanche, Marc n’est pas tendre avec les disciples, lorsqu’il évoque l’arrestation du rabbi. En Marc 14,50, il résume la situation : « Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous. » Voilà bien la triste réalité. Judas l’a trahi ; Pierre va bientôt s’effondrer devant une servante de Caïphe. Lorsque la troupe envoyée se saisit de Jésus, tous ses proches s’enfuient, vaincus par la peur. Ils vont s’enfermer dans la chambre haute qui leur servait de lieu de rendez-vous, livrés à eux-mêmes face à un avenir inconnu, entièrement défaits et démunis, craignant d’avoir à subir le même sort que leur maître. Comme on peut l’imaginer, leur cœur retentit de toutes ces questions qui n’ont pas de réponse. Pourquoi une telle horreur? Pourquoi n’a-t-il rien fait pour se défendre ou retourner la foule en sa faveur? Pourquoi Dieu n’est-il pas intervenu? Il ne faut pas s’en cacher, l’événement qu’ils ont vécu est atroce et leur impuissance totale. Ils ne peuvent pas revenir en arrière et certains, parmi eux, attendent la fin du sabbat pour quitter Jérusalem et retrouver leur village natal. Leur espérance est morte. Il ne leur reste d’autre avenir que ce retour à leurs anciennes occupations.

Ce qui survient le lendemain du sabbat suscite encore plus de questions… Les récits des évangélistes sont multiples et différents les uns des autres. Tous commencent par raconter que des femmes vont au tombeau de bon matin pour achever la toilette mortuaire du défunt. Mais en chemin, elles se posent la même question : Qui nous roulera la grosse pierre qui ferme l’entrée de la chambre funéraire? Cette interrogation résume le problème fondamental, l’impossible espoir face au triomphe de la mort de l’être aimé. Mais au moment où elles arrivent dans le jardin funéraire, tout se bouscule. Le tombeau est ouvert et elles ne retrouvent que les linges qui enveloppaient le corps du défunt. Marc parle d’un jeune homme vêtu de blanc qui leur dit :

Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : « Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit. » (Mc 16,6-7)

Le choc est immense ; elles ne comprennent rien et s’enfuient sans oser parler de ce qu’elles viennent de vivre. Le récit aurait pu s’en tenir à ces mots qui ouvrent les esprits sur un événement indicible. Par souci pédagogique ou pour satisfaire la curiosité des lecteurs désireux d’en savoir un peu plus, un ultime rédacteur de l’évangile de Marc éprouve le besoin d’y ajouter quelques précisions évoquées dans les autres évangiles :

Ressuscité le matin, le premier jour de la semaine, Jésus apparut d’abord à Marie Madeleine… Celle-ci partit annoncer la nouvelle à ceux qui, ayant vécu avec lui, s’affligeaient et pleuraient. …ils refusèrent de croire. Après cela, il se manifesta sous un autre aspect à deux d’entre eux qui étaient en chemin pour aller à la campagne. Ceux-ci revinrent l’annoncer aux autres, qui ne les crurent pas non plus. Enfin, il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant qu’ils étaient à table : il leur reprocha leur manque de foi et la dureté de leurs cœurs parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient contemplé ressuscité. (Mc 16,9-20)

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la foi en Jésus ressuscité ne va pas de soi et que les disciples n’ont pu croire en cet événement qu’à partir du moment où ils font personnellement l’expérience de la rencontre avec le Ressuscité. Alors tout s’éclaire en eux ; la paix et la joie inondent leurs cœurs meurtris. Ils comprennent le sens de ce qu’ils ont vécu avec Jésus et les paroles qu’ils ont entendues auprès de lui. Le sens de ce qu’ils ont à faire désormais s’impose à eux et se retrouve dans les derniers versets de l’évangile de Marc :

Puis il leur dit : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé » […] Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu.

Les disciples sont désormais les témoins de Jésus ressuscité avec une mission bien précise : annoncer l’Évangile ou la Bonne Nouvelle au monde entier. Luc en fixera le point de départ 40 jours plus tard, durant des célébrations de la Pentecôte juive. Après avoir reçu l’Esprit Saint en eux, Pierre et les autres apôtres se retrouveront dans la cour du Temple en train de dire à la foule des pèlerins :

Hommes d’Israël, écoutez les paroles que voici. Il s agit de Jésus le Nazaréen, homme que Dieu a accrédité auprès de vous en accomplissant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes.Cet homme, livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l’avez supprimé en le clouant sur le bois par la main des impies. Mais Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n’était pas possible qu’elle le retienne en son pouvoir. » (Ac 2,22-24) 

Que disent ces textes qui parlent de Jésus ressuscité? Ils témoignent d’une même réalité : toutes les personnes qui ont vécu, d’une manière ou d’une autre, la rencontre avec lui, ont vu leur vie transformée. Ils étaient complètement perdus, transis de peur et d’angoisse, craignant de subir le même sort que leur rabbi. Et brusquement, ils n’ont plus peur, sortent au grand jour, annoncent que le crucifié du Golgotha est bien le Messie annoncé par les prophètes et qu’en lui, Dieu s’est révélé à l’ensemble de l’humanité, comme un Dieu de tendresse et d’amour, proche des plus petits, soucieux de la brebis perdue et sensible à toute détresse, désireux de voir chacune et chacun faire activement partie de ses enfants.

Pour répondre à son amour et devenir son enfant, il suffit d’une chose : prendre le chemin balisé par Jésus, le chemin du don de soi et de l’amour vécu jusqu’au bout. Pierre, Jacques, Jean, Marie-Madeleine, et plus tard Paul, Barnabé, Luc, Silas et bien d’autres sont tellement saisis par leur découverte qu’ils ne peuvent pas ne pas en parler autour d’eux. Leur parole suscite la curiosité et l’adhésion de nouveaux disciples. Au sein du judaïsme ambiant, une communauté nouvelle se greffe autour de la personne du Ressuscité et de sa Parole. L’Église est née et commence les premiers pas qui lui permettront de s’édifier progressivement jusqu’à aujourd’hui.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

Caravane

La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.