Paul prêchant à Athènes. Peter F. Rothermel (1817-1895). Huile sur toile (Pinterest).
Le voyage continue, dans la force de l’Esprit
Roland Bugnon, CSSP | 23 novembre 2020
Paul et ses compagnons quittent Philippes et la jeune communauté qu’ils ont mise en place. Ils reprennent la route de l’ouest, s’arrêtent à Thessalonique (Ac 17). Une nouvelle communauté va naître, à laquelle, plus tard, vers 50 ou 51, Paul écrira ses premières lettres qui sont aussi les premiers écrits du Nouveau Testament.
Il rencontre à nouveau l’hostilité d’une partie des Juifs de la synagogue. Pour éviter qu’ils s’en prennent à sa vie, les frères l’invitent à quitter la ville. Avec Silas et Timothée, il se rend à Bérée (17,1-14), mais la haine que Paul a suscitée contre lui le poursuit et le pousse à continuer sa marche en direction d’Athènes. Luc cherche certainement à montrer que cette opposition permanente a quelque chose de similaire à celle qui a conduit Jésus jusqu’à la croix. La force dont il fait preuve dans ces circonstances ne vient pas de lui, mais de l’Esprit qui s’est saisi de lui et qui est devenu sa force. Il en est bien conscient lorsqu’il écrit aux Philippiens : Je peux tout en celui qui me donne la force (Ph 4,13). Pour traverser l’hostilité répétée de ses frères juifs, il sait qu’il avait besoin du soutien divin. Déjà mûrissent en son cœur les paroles qu’il écrira plus tard dans sa lettre aux Romains : Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? […] Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur (Rm 8,31b.39b). Son propre vécu, avec ses joies et ses échecs, devient pour lui le lieu d’approfondissement de la Parole reçue et l’œuvre de Dieu en lui.
Des frères de Bérée accompagnent Paul jusqu’à Athènes, haut-lieu de la culture antique. Une nouvelle étape commence au contact d’un milieu culturel très riche qui n’hésite pas à multiplier les lieux de culte rendu aux différentes divinités. En parcourant la cité, Paul découvre même un temple dédié au dieu inconnu. Athènes est une cité très religieuse, avec une population avide de philosophie et curieuse de connaître les sagesses venues d’ailleurs. Dans la synagogue où il se rend, ses paroles enflammées suscitent la curiosité et certains l’invitent à venir s’expliquer devant l’Aréopage. La situation est nouvelle. Le voilà confronté à un milieu exclusivement païen, amateur de beaux discours. Il sait, qu’en ce lieu, l’argumentation juive, à partir des Écritures, ne signifie rien. Il commence par évoquer ce qu’il a vu à Athènes, une grande religiosité et même un culte au dieu inconnu. Utilisant même des citations de poètes grecs, il se présente comme le témoin du dieu créateur et origine de tout ce qui existe.
Mais, quand il en vient à parler de Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts, l’auditoire réagit fortement. La plupart ironisent sur l’idée de résurrection des morts, se désintéressent de lui et s’en vont, à l’exception de quelques personnes qui s’attachent à lui (voir Ac 17,16-34). La prédication de Paul n’est pas un échec à proprement parler, mais l’oblige à repenser son action. Il se rend alors à Corinthe, grande ville commerçante et populaire. Il s’installe d’abord en milieu juif et, pour assurer sa subsistance, reprend son travail de fabriquant de tentes. C’est là qu’il fait la connaissance d’Aquilas et de sa femme Priscille, juifs expulsés de Rome par l’empereur Claude, qui exercent le même métier que lui. Ce couple, avec lequel il va vivre, participera bientôt activement à sa mission.
Fidèle à ses habitudes, il fréquente la synagogue chaque sabbat et annonce la venue du Messie en Jésus Christ. À nouveau, une partie de l’assemblée réagit violemment à l’annonce d’un messie crucifié. Paul comprend alors que le Seigneur l’attend ailleurs. Quittant la synagogue, il alla chez un certain Titius Justus, qui adorait le Dieu unique ; sa maison était tout à côté de la synagogue. Or Crispus, chef de synagogue, crut au Seigneur, avec toute sa maison. Beaucoup de Corinthiens, apprenant cela, devenaient croyants et se faisaient baptiser. Une nuit, le Seigneur dit à Paul dans une vision : « Sois sans crainte : parle, ne garde pas le silence. Je suis avec toi, et personne ne s’en prendra à toi pour te maltraiter, car dans cette ville j’ai pour moi un peuple nombreux (Ac 18,7-10).
Corinthe fut certainement pour Paul le lieu de l’approfondissement de sa mission. Rejeté par le monde juif qui l’accuse de trahison, traité avec mépris par le milieu intellectuel grec qui ne voit en lui qu’un radoteur, il s’oriente résolument vers le monde de petits artisans, et d’esclaves au milieu desquels il vit et il y trouve ce peuple nombreux dont le Seigneur lui a parlé en songe. L’évangile de Dieu qui lui a été confié devient parole de vie pour les plus petits, les pauvres, les miséreux. Durant ce séjour mûrit l’enseignement qu’il mettra plus tard par écrit dans sa première lettre aux Corinthiens : Alors que les Juifs réclament des signes miraculeux, et que les Grecs recherchent une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient Juifs ou Grecs, ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes (1 Co 1,22-25).
Paul ne renie pas son héritage hébraïque, pas plus qu’il ne montre de mépris pour la sagesse humaine. Au travers de son expérience, il comprend que le crucifié du Golgotha est le cœur du message de Dieu adressé aux hommes et que ce message révélé en Jésus le crucifié, ira toujours à l’encontre de la pensée humaine et restera à jamais « scandale pour le Juif » et « folie pour le Païen ». Nous sommes ramenés en plein 21e siècle. Beaucoup sont prêts à donner une grande valeur au message évangélique, mais combien sont prêts à admettre que la croix soit langage de Dieu à l’humanité?
Je comprends, Seigneur, que la route de Paul est plus ou moins la route que tout disciple doit suivre au long de sa vie. Être à l’écoute de ta parole et la vivre chaque jour n’est pas facile. Aux joies profondes succèdent souvent les peines et les nuits obscures ; les réussites les plus belles ne suppriment pas les possibles échecs et, à l’enthousiasme des premiers jours, succèdent immanquablement les pesanteurs de l’âge ou de l’habitude. Porter sa croix et te suivre, c’est cela Seigneur? Accepter d’assumer sa propre existence avec tout ce qu’elle comporte… Seigneur, sans toi, je n’y parviens pas, je sombre dans la nuit. Donne-moi ton Esprit de force et de lumière! Alors mes pas me conduiront jusqu’au bout du chemin où tu m’attends.
Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique.