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chronique du 11 novembre 2016

 

L’origine du mal et de la violence selon la Bible 2/2

Le Jardin d'Eden et la chute de l'homme

Le Jardin d'Eden et la chute de l'homme (photo : Wikipedia)
peinture de Jan Brueghel l'Ancien et Pierre Paul Rubens, vers 1615

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En Genèse 1 et 2, l’auteur biblique dresse deux grandes fresques dans lesquelles il explique l’origine du monde et la place de l’être humain dans ce monde. Il est créé à l’image de Dieu, dans une dualité première – homme et femme –, avec pour vocation de gérer la création. Placé dans le jardin d’Eden, tout s’annonce bien, dans un premier temps, mais Dieu rappelle à l’être qu’il est limité. Il reçoit tout à disposition, mais il est placé devant un interdit : il ne doit pas manger le fruit de l’arbre de la connaissance et du mal. Tout ce que Dieu a fait est bon. Je vous propose d’explorer le récit de la chute pour approfondir la question du mal et de la violence.

Le péché originel ?

     L’homme et la femme vivent en totale harmonie dans ce jardin d’Eden, mais voilà que quelque chose va détruire cette situation.

Or le serpent était la plus astucieuse de toutes les bêtes des champs que le SEIGNEUR Dieu avait faites. Il dit à la femme : « Vraiment! Dieu vous a dit : “Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin”… » La femme répondit au serpent : « Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin, mais du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n’en mangerez pas et vous n’y toucherez pas afin de ne pas mourir.” » Le serpent dit à la femme : « Non, vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. »

La femme vit que l’arbre était bon à manger, séduisant à regarder, précieux pour agir avec clairvoyance. Elle en prit un fruit dont elle mangea, elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il en mangea. Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils surent qu’ils étaient nus. Ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des pagnes.

Or ils entendirent la voix du SEIGNEUR Dieu qui se promenait dans le jardin au souffle du jour. L’homme et la femme se cachèrent devant le SEIGNEUR Dieu au milieu des arbres du jardin. (Gn 3,1-8)

     Il est l’un des récits bibliques qui a suscité le plus de commentaires, dans l’univers chrétien, et de longues polémiques théologiques autour de ce que l’on appelle le « péché originel ». Beaucoup le considère comme une tare congénitale – si j’ose la comparaison – que chaque homme porte en lui à sa naissance et dont il ne peut être libéré que par l’eau du baptême. Augustin, évêque d’Hippône, développera largement cette doctrine dans ses écrits. Une vision très pessimiste de l’humain se développera dans le christianisme durant des siècles. Aujourd’hui, le ton a changé. On peut lire ce récit dans une autre perspective.

La question de l’origine du mal

     Si tout était bon et magnifique dans la création de Dieu, d’où vient le monde de violence et de guerre dans lequel chaque homme se trouve pris très souvent dès le début de sa vie? C’est la question que chaque religion ou culture se pose d’une manière ou d’une autre. Le récit de Gn 3 offre une réponse. Repérons les différents moments de cette explication dans le texte proposé plus haut!

L’avertissement

     D’abord vient le désir qui s’insinue dans le cœur de la femme comme un serpent et la place devant l’interdit divin : ne pas manger du fruit de la connaissance et du mal. Pourquoi cet interdit formulé davantage comme un avertissement? Exprimé dans la bouche du serpent, il devient défiance à l’égard de Dieu : « Le jour où vous en mangerez, vous ne mourrez pas, mais vous deviendrez comme des dieux… » Vous reconnaissez dans cette insinuation le rêve de la toute-puissance et l’envie irrémissible de défier une mise en garde divine qui semble vouloir priver l’être humain de toutes ses potentialités.

Le désir du pouvoir

     « Être comme des dieux »… C’est le deuxième temps qui s’amorce, la perspective d’un pouvoir ou d’une puissance sans limites. Et si c’était possible!… laisser libre cours à mes désirs les plus fous… faire ce que je veux sans personne pour me dire ce que je dois faire… Le fruit semble tellement beau, bon, désirable… la perspective est grandiose… « La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable, cet arbre, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea. » (Gn 3,6)

La malédiction de Dieu

La malédiction de Dieu
James Tissot, vers 1900
gouache sur bois, 26,3 x 18,5 cm
Jewish Museum, New York (photo : Wikipedia)

La conscience de la nudité

     Que se passe-t-il ensuite? « Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus. Ils attachèrent les unes aux autres des feuilles de figuier, et ils s’en firent des pagnes. » (Gn 3,7) En d’autres termes, dit le texte, l’homme et la femme prennent brusquement conscience de leur nudité, c’est-à-dire, de leur état de fragilité ou de vulnérabilité première. La défiance qu’ils ont montrée envers Dieu se transforme en défiance de l’un vis-à-vis de l’autre. Se découvrant vulnérables, ils se soustraient mutuellement au regard de l’autre en se revêtant de pagnes faits de feuilles de figuier. La peur et la défiance s’installent et lorsque Dieu vient les visiter, ils fuient, se cachent cherchant à se soustraire à son regard. L’autre, divin ou humain, devient une menace potentielle dont il faut se protéger.

L’introduction de la violence

     La rupture de l’interdit détruit l’harmonie originelle et introduit la violence dans les rapports humains. Dès que Dieu les soupçonne d’avoir « mangé du fruit défendu » ou rompu l’interdit, la faute est rejetée sur l’autre : L’homme répondit : « La femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé. » … La femme répondit : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé. » (Gn 3,12-13) Conséquence du mauvais choix : la femme enfantera dans la peine et vivra soumise à son mari (3,16). La belle harmonie du couple est rompue. Quant à l’homme, c’est à la sueur de son front qu’il gagnera son pain jusqu’au jour où il retournera à la poussière dont il a été tiré (3,19).

Le premier meurtre

     Tout ne s’arrête pas là. En cédant à son désir de s’approprier la toute-puissance de Dieu, le premier couple humain provoque une série de catastrophes qui s’enchaînent les unes aux autres depuis Genèse 4, avec le récit du premier meurtre – Caïn tuant son frère Abel – jusqu’au chapitre 11 qui raconte l’histoire de la tour de Babel et la confusion des langages pour que les humains vivent et grandissent dans la diversité. Une phrase résume la croissance et l’exaspération de la violence humaine, celle de Lamek : « Lamek dit à ses femmes : « Ada et Silla, entendez ma voix, épouses de Lamek, écoutez ma parole : Pour une blessure, j’ai tué un homme ; pour une meurtrissure, un enfant. Caïn sera vengé sept fois, et Lamek, soixante-dix-sept fois! » (Gn 4,23-24) Le récit biblique ajoute « Le Seigneur vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre, et que toutes les pensées de son cœur se portaient uniquement vers le mal à longueur de journée. Le Seigneur se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre ; il s’irrita en son cœur et il dit : Je vais effacer de la surface du sol les hommes que j’ai créés … car je me repens de les avoir faits. » (Gn 6,5-6) Mais Dieu finit par trouver une autre solution avec Noé. C’est le récit du Déluge. Après avoir purifié la terre de tout le mal qu’elle contenait, Dieu recrée les bases d’une humanité nouvelle – avec ses limites – celle que nous connaissons aujourd’hui. Voilà, en lignes très rapides, l’un des contenus des onze premiers chapitres de la Genèse. Ils suscitent une question inévitable dans un esprit moderne, celle qui va nous occuper maintenant.

Ces récits des origines ont-ils encore un sens ?

     Il est inutile de chercher dans ces récits, des vérités ou des « faits historiques » dans le sens moderne de ces expressions. Les écrivains bibliques écrivent en utilisant le donné culturel de leur époque et du monde qui est le leur. On ne va pas le leur reprocher. Ils n’écrivent pas pour décrire des événements dont ils auraient eu une révélation spéciale, ils utilisent des récits connus en leur donnant une perspective nouvelle qui vise à répondre aux questions fondamentales que chacun se pose. D’où vient le monde? Quelle y est la place de l’humain? Pourquoi la mort? La question de l’origine et du pourquoi de la violence en fait partie. Faut-il l’attribuer à la divinité ou bien à un destin implacable qui conduit la vie de chacun? Pendant des siècles, tout ce qu’ils ne comprennent pas, les humains l’attribuent à une forme de divinité toute-puissante. Dans la situation de violence extrême que vit le peuple d’Israël en exil, après la chute de Jérusalem et la destruction de son temple, les scribes comprennent que la violence subie est aussi liée au comportement des acteurs de la vie sociale et politique, à tout ce que les prophètes précédents n’ont cessé de dénoncer :  l’idolâtrie et la corruption des dirigeants. L’envie désordonnée de la toute-puissance est la source et la cause de toutes les violences causées ou subies. L’harmonie possible entre les hommes est mise en péril, dès lors que ce désir anarchique du « tout-posséder » ou du « tout-dominer » s’installe entre eux. Les rapports de domination dictent les comportements humains et la peur s’installe dans le cœur de ceux et celles qui en sont victimes. Tel est bien l’un des messages essentiels que cherchent à transmettre les onze premiers chapitres de la Genèse.

     Cette analyse de la violence est-elle complètement dépassée? Lorsque l’homme entend se substituer à Dieu pour organiser sa vie et un monde sans lui, que se passe-t-il? L’histoire récente apporte une réponse tragique à cette question. Ce sont les dizaines de millions de morts du nazisme et du communisme. Aujourd’hui, les idéologies ne sont plus à la mode, mais la dictature de l’argent et du tout-économique – sans aucune considération pour l’être – sont en passe de produire des effets tout aussi dévastateurs. L’appel des prophètes, qui ne cessent de mettre en garde contre le culte des idoles en tout genre, garde son actualité. Pour la Bible, la sortie de la violence n’est possible que par un retour ou un recours au Dieu de l’alliance dont l’amour est indéfectible.

     Nous verrons, dans la prochaine étape, la réponse très particulière qu’apportent les évangiles à cette question.

Roland Bugnon

Article précédent :
Ézéchiel : quand Dieu s’exile pour être avec son peuple

 

 

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