INTERBIBLE
Une source d'eau vive
la lampe de ma vie bible et culture coups de coeurau fémininjustice socialeRencontres de foi
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
La lampe de ma vie
  image
Imprimer

chronique du 9 décembre 2011

 

Pour Job, le malheur est-il un don de Dieu?

Job et son épouse

Job reçoit la visite de trois amis
Gerard Seghers (1591-1651)
Huile sur toile, 192 x 242 cm
Galerie nationale, Prague

Question« Nous acceptons le bonheur comme un don de Dieu. Et le malheur, pourquoi ne l'accepterions-nous pas aussi? » (Job 2, 10) Je ne me retrouve pas dans cette citation. C'est comme si Job voulait nous dire que le malheur est un don de Dieu au même titre que le bonheur... Pouvez-vous m'éclairer? (Bonaventure Sambou)

RéponseSi nous lisons ce verset du livre de Job en l’isolant de son contexte, nous risquons d’en faire une interprétation qui a de quoi faire frémir. Pris isolément, ce verset semble une invitation à accueillir les malheurs comme des dons de Dieu. Nous arrivons alors à l’image d’un Dieu qui serait à l’origine des situations souffrantes de notre vie. Une telle vision des choses est inacceptable aux yeux de plusieurs... et avec raison.

     En effet, quand nous replaçons ce verset dans son contexte, nous arrivons à une autre ligne d’interprétation. Examinons ce qu’est ce contexte. Cette parole de Job en Jb 2,10 est une réponse à son épouse. Au verset précédent, au v. 9, l’épouse de Job lui dit : « Vas-tu persister dans ton intégrité? Maudis Dieu et meurs! »

     Si la femme de Job parle ainsi, c’est que Job vient d’être touché par plusieurs malheurs graves : ses enfants viennent tous de mourir dans un accident, ses troupeaux ont été volés et, comble de malheur, sa santé est gravement compromise. Job est désormais atteint d’une forme de lèpre qui couvre tout son corps. Devant cette accumulation de catastrophes, la femme de Job est révoltée. Elle souhaiterait que son mari réagisse comme elle et qu’il s’en prenne à Dieu. Elle considère que la piété exceptionnelle de Job aurait dû le protéger contre de tels malheurs. Elle estime que le Seigneur aurait dû le récompenser en lui évitant d’avoir à vivre de telles choses. Pour elle, Dieu aurait dû être redevable à Job pour ses gestes de piété et lui épargner de telles misères. Alors puisque Dieu a été aussi ingrat, Job devrait réagir, selon elle, en le maudissant.

     Pour Job, les paroles de son épouse sont de la pure folie. En Jb 2,10, il commence par dire à sa femme : « Tu parles comme une folle! ». C’est là une affirmation importante. Dans le courant de Sagesse auquel appartient le livre de Job, l’idéal poursuivi est de découvrir la véritable Sagesse. Or, dans ce courant théologique, on estimait que « la sagesse commence avec la crainte du Seigneur ». C’est une affirmation qui revient à de multiples reprises dans les écrits sapientiaux (par exemple en Pr 9,10). Or, dans ce courant de sagesse, avoir la crainte du Seigneur, ça signifie être en relation juste avec YHWH, vivre fidèlement en alliance avec lui, miser sur lui. Ici, l’épouse de Job a plutôt invité son mari à se distancer de Dieu, à Le renier pourrait-on dire, à quitter la relation de confiance avec Lui. C’est donc tout le contraire de l’idéal poursuivi par les sages et c’est pourquoi Job peut dire que son discours est celui d’une folle.

     D’après l’épouse de Job, la meilleure manière de gérer la souffrance pour un croyant, c’est de rompre avec son Dieu, c’est de quitter sa position de croyant. Pourquoi? Parce que la présence de la souffrance témoigne, selon elle, que ce Dieu n’a pas livré la marchandise, ce Dieu n’a pas su garder la souffrance loin de la personne qui comptait pourtant sur Lui.

     De son côté, Job refuse de se rallier à la position proposée par sa femme. Pour lui, rompre avec Dieu, se révolter contre Lui, couper les ponts avec Lui, ce n’est certainement pas la façon adéquate pour un croyant de faire face à la souffrance. D’après Job, ce n’est pas la bonne façon de gérer les difficultés de la vie. Au chapitre 2 du livre, Job n’est pas encore arrivé à la pleine maturité de la foi, mais il a déjà une attitude qui lui permettra de cheminer : c’est précisément qu’il ne coupe jamais les ponts avec Dieu. Quelles que soient les difficultés qu’il rencontrera, il demeurera en dialogue avec Lui... même s’il ne comprend pas tout dans la manière d’agir de Dieu. Et c’est cela qui lui permettra d’évoluer dans son cheminement humain et dans sa vie spirituelle. Une des grandes leçons du livre de Job, c’est de montrer que la meilleure façon de supporter et de traverser la souffrance, c’est précisément de demeurer en relation avec Dieu, de garder le dialogue ouvert avec Lui. Et la menace que représente ici l’épouse de Job, c’est celle de la fermeture à Dieu, c’est celle de la révolte et de la rupture de relation avec Lui. Mais heureusement, c’est une option que Job a rejetée dès le départ. Job demeure ouvert à Dieu. Même si sa relation à Dieu passe par de profondes crises, cette ouverture constante lui permettra de traverser toutes les tempêtes, toutes les noirceurs.

Accepter le malheur

     Revenons maintenant aux propos de Job : « Nous acceptons le bonheur comme un don de Dieu. Et le malheur, pourquoi ne l’accepterions-nous pas aussi? » Quand Job dit cela, il n’est pas en train de confesser que les malheurs viennent de Dieu et qu’il faut les accepter avec soumission. Il entend plutôt dire que le surgissement des malheurs dans une vie n’est pas une raison pour se révolter contre Dieu et pour couper les ponts avec Lui.

     Au terme du livre, en Jb 42,3, après avoir fait une mystérieuse expérience de rencontre de Dieu au sein de la tempête, Job dit ceci : « Qui est celui qui dénigre la providence sans y rien connaître? Eh oui! J’ai abordé, sans le savoir, des mystères qui me confondent. » Et préalablement, il avait avoué ceci à Dieu : « Je ne fais pas le poids, que te répliquerai-je? Je mets la main sur ma bouche. » (40, 4). Ce qu’exprime Job, c’est que la sagesse et le savoir des humains sont bien peu de choses en comparaison de la sagesse et du savoir de Dieu. Avec leur compréhension limitée des choses, les humains peuvent estimer que les malheurs et les souffrances sont dépourvus de sens. Et parce que ces choses sont incompréhensibles pour eux, il peut leur sembler révoltant que Dieu ne les supprime pas immédiatement de l’aventure humaine. Mais le livre de Job invite à la prudence dans nos raisonnements et nos conclusions. Ce n’est pas parce que nous ne comprenons pas le sens de la présence du mal et de la souffrance dans notre vie que nous sommes justifiés de nous révolter contre Dieu.

     Au terme de son cheminement, le personnage de Job ne comprend pas tout, loin de là. Mais il ne peut pas partager les conceptions de son épouse. Non! Ses malheurs et ses souffrances ne sont pas des punitions que Dieu lui inflige. La présence de la souffrance dans sa vie et la présence du mal autour de lui sont des mystères qu’il ne comprend pas, mais Job en est arrivé à croire que ces réalités ont certainement un sens dans le plan de Dieu. Ce plan demeure un mystère pour lui, mais il croit désormais que Dieu, lui, sait quoi faire avec tout cela. Et les lecteurs du livre de Job sont invités à accueillir cette conception.

     Les auteurs du livre de Job invitent à résister à la perception simpliste qui consisterait à voir les malheurs et les souffrances comme des punitions de Dieu. Ou encore, à voir la présence du mal dans le monde comme une incapacité de la part de Dieu à y mettre un terme. Les auteurs du livre de Job convient plutôt à ne pas perdre confiance en Dieu et en la bonté du projet qu’il est en train de réaliser, et ce, même si l’on ne comprend pas pourquoi il laisse du mal faire son œuvre dans le monde et dans notre vie. L’enseignement du livre de Job a bien sûr à être complété par la révélation apportée par l’événement Jésus Christ. Mais ceci étant dit, ce livre de l’Ancien Testament est déjà une magnifique profession de foi. Je dirais même qu’il est une puissante invitation à faire confiance à ce Dieu différent de nous, même lorsqu’il adopte des manières de gérer le monde que nous ne comprenons pas pleinement.

Michel Proulx

Chronique précédente :
Le divorce à la lumière de la Bible

 

 

| Accueil | SOURCE (index) | La lampe de ma vie (index) | Vous avez des questions? |

www.interbible.org