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La lampe de ma vie
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chronique du 14 mai 2010
 

Le peuple élu

QuestionPourquoi Dieu a-t-il choisi le peuple d'Israël comme son peuple élu? Il aurait très bien pu choisir un autre peuple... (Maria)

RéponseComment répondre à cette question? Il y a dans nos vies tellement de « pourquoi » qui demeurent sans réponse précise. Pourquoi telle ou telle chose m’est-elle arrivée à moi et pas à tel autre? Pourquoi la vie ou pourquoi la mort? Pourquoi suis-je un homme et pas une femme? Pourquoi suis-je né dans un pays riche et pas dans un ghetto noir d’Afrique du Sud?... Chacun peut multiplier les « pourquoi ».

Le point de départ : l’appel d’Abraham

     Ceci dit, reprenons la question! Disons tout de suite que c’est Dieu, créateur et source de toute vie, qui appelle un homme. Tout commence, dans la Bible (Gn 12), avec l’appel d’Abram ou Abraham à qui Dieu dit (Gn 12,1-3) : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom; sois une bénédiction! Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront. Par toi se béniront tous les clans de la terre. » (BJ) Au point de départ de toute l’histoire du peuple d’Israël, il y a un homme particulier qui entend une parole, au plus profond de lui-même, qui l’invite à tout quitter pour entreprendre un long voyage vers un hypothétique pays dont il ne sait rien. C’est le début d’une longue histoire dont l’unique ressort est la foi qui conduit Abraham à connaître peu à peu le Dieu qui l’appelle et faire alliance avec lui. Pour le rabbin juif qui met en forme cette histoire et l’insère dans la Thora, comme pour Paul le chrétien converti, dans la lettre aux Romains (Rm 4), Abraham est le père des croyants, le type d’homme qui avance et agit par la foi. Ce ne sont pas des qualités humaines ou ethniques particulières qui lui valurent d’être le lointain ancêtre du peuple d’Israël, mais sa sensibilité à l’appel qu’il ressent et la qualité de sa réponse.

     À ce niveau-là, je ne peux m’empêcher de penser au rôle qu’ont joué, dans l’histoire, une multitude d’hommes et de femmes qui ont été attentifs aux « signes de l’Esprit en eux » et qui ont donné à l’humanité des trésors de connaissance et de sagesse. Nous sommes tous tributaires aujourd’hui de ceux et celles qui nous ont précédés et qui ont permis à l’humanité de faire de grandes avancées en de multiples domaines. Nous sommes, en tant qu’occidentaux, les héritiers de l’Égypte ancienne, de la Grèce et la Rome antiques, ainsi que du judaïsme et du christianisme, sans compter toutes les influences multiples et diverses qui s’ajouteront au fil des siècles. Tel est l’héritage que nous avons à assumer.

Le sens de l’expression « peuple élu »

     Je crois deviner la raison de la question. L’expression « peuple élu » peut prêter à confusion. Notons d’abord que chaque fois qu’un peuple se prend pour un peuple élu – comme ce fut le cas en Allemagne, sous Hitler – on aboutit à des catastrophes et à la barbarie. Il n’y a pas de « peuples de seigneurs ». Ajoutons également que l’élection, par Dieu, du peuple d’Israël n’est pas une élection de type « miss univers » qui donne droit à toutes sortes d’avantages et de richesses. Sur ce plan-là, Israël fut un tout petit royaume, tiraillé entre les grandes puissances de l’époque, l’Égypte et les royaumes de Mésopotamie. Il a connu l’esclavage et la déportation à Babylone et ne pourra exercer sa souveraineté sur son territoire que durant de courtes périodes. Après son retour d’exil, il sera presque constamment occupé par des forces étrangères, les armées romaines étant les dernières, celles qui, après la deuxième guerre juive en 133 (ap. JC), chasseront les populations juives hors de Palestine, pour éviter tout nouveau regroupement et toute révolte. Il n’y a rien dans l’histoire d’Israël qui ait fait de lui un peuple privilégié par rapport aux autres. Bien au contraire, parmi les peuples qui l’entourent, Israël est resté des plus insignifiants.

     Alors pour quelle raison a-t-il été qualifié de « peuple élu »? J’ai parlé d’Abraham, de la parole qu’il entend et qui le met sur une route. Cette parole le conduira à faire alliance avec Dieu et à croire en la promesse qui lui est faite, celle d’être le père d’un peuple innombrable. C’est par lui, nous dit la Bible. qui se trouveront bénis tous les clans ou peuples de la terre. C’est à travers le petit peuple d’Israël, bousculé sans cesse par les aléas de l’histoire, que cette bénédiction et la parole qu’elle fera naître en son sein – la Bible – que Dieu vient au devant de l’humanité toute entière et lui propose son alliance. C’est également dans ce petit peuple, alors soumis à l’occupation romaine, que naîtra un certain Jésus de Nazareth que les chrétiens appellent Christ et Seigneur. Pourquoi? Parce qu’une jeune femme, appelée Marie, a dit « oui » et a permis à Dieu de prendre figure humaine.

     Dans le cours de l’histoire chaotique du peuple juif, une foule d’hommes et de femmes aidés par des scribes, des sages et des prophètes, ont permis à la Parole de Dieu de prendre corps. Celle-ci ne parle pas d’un peuple privilégié, mais d’un peuple à la nuque raide, toujours en train de se laisser séduire par les idoles et les cultes des nations environnantes. Elle l’appelle sans cesse à reprendre les chemins de la fidélité à une alliance que Dieu ne cesse de proposer à l’humain, qu’il soit Juif ou non. Pour mettre en œuvre son dessein d’amour, Dieu ne choisira pas l’une des civilisations les plus brillantes de l’Antiquité, mais un petit peuple soumis à la domination des autres. Ainsi, il sera clair que sa proposition n’est pas faite par la force des armes, mais par celle d’un amour sans cesse en train de se donner. Ce n’est pas Israël qui propose la Parole de Dieu, c’est Dieu qui propose sa Parole par l’intermédiaire de ce peuple sans force, mais à travers lequel il révèle son vrai visage. Voilà pourquoi on parle d’Israël comme du peuple élu. Il est le canal choisi par Dieu pour se dire, en langage d’homme – un langage qu’il faut savoir décrypter –, à l’ensemble de l’humanité.

     Dans cette perspective-là, être le peuple élu n’a rien d’un privilège que les autres n’ont pas. C’est bien plutôt une charge et une responsabilité. La petitesse du peuple d’Israël et sa fragilité manifestent clairement que son message vient de plus loin que lui et sa fidélité malgré toutes les vicissitudes de l’histoire qu’il a traversées, montrent que Dieu reste à son côté. Pour que tous les peuples de la terre tirent bénéfice de sa libre initiative, Dieu a voulu parler à travers le récit de cette histoire mouvementée ou la parole inspirée des prophètes qui sans cesse reviennent à la charge. De plus, lorsque Dieu appelle quelqu’un, il ne choisit ni le plus fort ni le plus puissant. Le plus souvent, comme pour le cas de David, c’est le petit dernier, celui que, humainement, personne n’attendait.

Jésus l’élu ou l’envoyé de Dieu, le Messie-Serviteur

     Pour les chrétiens, l’histoire du peuple d’Israël va prendre une signification nouvelle avec Jésus de Nazareth. Par sa parole et ses exemples de comportement, il révèle, de la manière la plus forte, à quoi est appelé celui que Dieu choisit pour révéler son Amour. Sur la croix, Jésus est devenu à jamais le serviteur souffrant dont parle Isaïe, celui dont la seule force est celle d’un amour qui va jusqu’à l’extrême, celle de l’amour donné et de la confiance indéfectible en la puissance de l’amour de Dieu pour l’humanité.

     Les évangélistes l’ont bien compris. Le dernier geste symbolique de Jésus, mis en valeur par Jean, est le lavement des pieds de ses disciples, au grand scandale de ces derniers. Ce geste sera explicité par Jésus lui-même (Jn 13,13-14) : « Vous m’appelez le Maître et le Seigneur et vous dites bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres. »  Voilà qui vient bousculer toutes les habitudes sociales! Et Paul, écrivant aux Galates, ajoutera ces paroles célèbres (Ga 3,27-28) : « Oui, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. – Alors il en tire les conséquences. – Il n’y a plus ni Juif, ni Grec; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre; il n’y a plus l’homme et la femme; car tous vous n’êtes plus qu’un en Jésus Christ. »

     Être choisi ou élu, au sein d’une communauté humaine, est un honneur qui est fait à la personne ou au groupe choisi. Mais ce choix ne doit jamais donner motif à l’orgueil, à la corruption ou au mépris des autres. Accepter ce choix, c’est accepter de se mettre au service des autres.

Roland Bugnon

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Justice ou miséricorde? Pardon ou punition?

 

 

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