chronique du 15 avril 2005
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L'oecuménisme
et son fondement biblique Qu'est-ce
que l'oecuménisme? Peut-on trouver des passages bibliques qui fondent
ce mouvement d'Églises? Votre question est très précise. Mais avant d'y répondre, je me permets de faire d'abord un peu d'histoire. C'est à Stockholm en 1925, sur l'initiative de Nathan Söderblom et d'autres, que le mouvement oecuménique s'est mis en route avec la première grande conférence internationale des Églises. La seconde conférence du genre a eu lieu à Lausanne en 1927. Puis d'autres ont suivi. Et ce que l'on appelle Conseil oecuménique des Églises, basé à Genève, est l'aboutissement de plusieurs années de travail commun entre différents groupes et communautés ecclésiales. Ce conseil a fait des pas énormes sur le chemin de l'unité; ses prises de position sur les plans sociaux, éthiques et politiques ont acquis aujourd'hui une véritable audience et un prestige considérable. J'en viens maintenant à votre question. Du grec oikoumenè (maison, habitation et, par extension, terre habitée, univers), le mot oecuménisme désigne le mouvement favorable à l'unité de tous les chrétiens du monde, en vertu même de la prière instante de Jésus : « Je ne prie pas seulement pour eux (les apôtres), je prie aussi pour ceux qui, grâce à leur parole croient en moi : que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que moi je suis en toi, qu'ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m'as envoyé... » (Jn 17,20-21). Don de l'Esprit, le mouvement oecuménique marque au sein de la chrétienté une prise de conscience des divisions et des déchirements séculaires, encore tenaces hélas! et de l'extrême nécessité de travailler désormais ensemble pour l'unité et la communion entre tous les disciples du Christ. L'oecuménisme représente un vibrant appel à l'unité dans la charité, appel que le Christ lance à tous ses disciples. Il est un défi que les croyants se doivent de relever avec la grâce de Dieu; un chemin, difficile mais si riche de joie, sur lequel l'Esprit du Seigneur incite tous les chrétiens à progresser résolument. Il fait partie de la dimension missionnaire de l'Église et s'offre aux disciples du Christ comme une voie sûre et un moyen efficace pour proclamer ensemble la vérité de la Croix et faire ainsi échec au courant antichrétien qui cherche à rendre inutile le mystère de la Rédemption en détournant l'homme de toute espérance en Dieu. En lisant Jn 11,51-52, on se rend bien compte que l'urgent appel à l'unité et à la communion visible de tous les chrétiens découle de l'unité du Père et du Fils dans l'Esprit Saint et la volonté de Dieu de rassembler en son Fils Jésus ses enfants dispersés. C'est ce que l'apôtre Paul à sa manière rappellera tout particulièrement aux Corinthiens et aux Éphésiens confrontés aux divisions intestines asphyxiantes. « Moi j'appartiens Paul..., à Apollos...., à Céphas..., au Christ. Le Christ est-il divisé?... Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés? » (1 Co 1,10-13). « Un seul Seigneur, une seule foi, un seul corps et un seul Esprit, un seul Dieu et Père vivant et agissant en et par tous. » (Ep 4,4-5). Comme pour leur dire respectivement : que l'unité l'emporte sur vos divisions ! À la suite du Christ et de Paul, les papes ont souvent parlé de l'oecuménisme. Jean XXIII, Paul VI et, surtout, Jean-Paul II affirment, entre autres choses, qu'à l'instar de tout appel divin, l'engagement oecuménique exige de la conscience chrétienne, personnelle et communautaire, la conversion du coeur, « a fidélité à l'Évangile », « la priorité de la prière », au rythme de la charité fraternelle sans discrimination. Ces attitudes de base doivent cependant se concrétiser à travers le dialogue continu, le pardon et l'appréciation réciproques, la collaboration et la solidarité dans les actions concrètes visant le service des hommes et des femmes de notre temps. C'est dans ce but que sont initiés et poursuivis les dialogues théologiques interconfessionnels (catholique, orthodoxe, anglican, luthérien...), malgré les difficultés de la route. Des gestes concrets ont été posés. Les nombreuses rencontres de prière et de dialogue entre les représentants des Églises et Communautés ecclésiales d'une part, et avec, depuis 1986 à Assise, des chefs spirituels des religions musulmane, juive, bouddhiste tibétaine...d'autre part, pour la cause de la paix, de la liberté et de la justice dans le monde. Certes, au sein de la chrétienté, les obstacles d'ordre doctrinal, moral et institutionnel sont encore nombreux sur le chemin oecuménique. L'orgueil humain, la haine, l'intolérance, la méfiance, les préjugés, le dénigrement mutuel, la résistance, les scandales, les divergences dans l'interprétation de la Bible, la peur des autres et l'ignorance de ce qu'ils font... sont loin de faciliter l'engagement oecuménique. Mais, l'oecuménisme demeure un impératif dont la prière interconfessionnelle, le renouveau spirituel et la charité constituent la pierre de lance. Ce faisant, il n'est pas question de niveler ou d'uniformiser la diversité de traditions et d'expressions de la foi chrétienne. L'engagement au service de l'unité entre chrétiens n'a rien à voir avec le prosélytisme ou la tentative de « catholiciser » les non-catholiques. Pour ma part, je considère la démarche oecuménique comme une grâce à mettre en oeuvre, une nouvelle façon de travailler et de vivre en Église, de nous centrer sur Celui-là même, Jésus Christ, qui, par sa mort et sa résurrection, a brisé toutes les barrières entre les peuples pour faire de nous tous les membres de son corps, le nouveau peuple de Dieu. Je crois que la route d'une telle grâce passe par le témoignage de charité, de prière, de synergie, de partage, de service que nous avons à donner ensemble à l'interne comme à l'externe. Jean-René Kandong, prêtre
Pour aller plus loin : Jean-Paul II, L'Unité des chrétiens. Lettre encyclique Ut Unum Sint, Montréal, Médiaspaul, 1995. Berthe Gavalda, Le mouvement oecuménique, Paris, PUF (Que sais-je?), 1959. Pierre Arnold, Une Église à tous les vents. Regards d'un moine, Bruxelles, La renaissance de livre, 1985.
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