(image © Good Shepherd International Foundation)
Le règne de Dieu et le changement systémique
Renaude Grégoire | 13 mars 2023
Jésus appelle ses disciples à le suivre en vue de leur faire comprendre que le règne de Dieu est tout proche. Le règne de Dieu n’a rien à voir avec la manière des puissants et des héritiers d’empire. Au contraire, il est pour celles et ceux que ces puissants et ces empires exploitent, écrasent et même tuent. L’Évangile de Matthieu le résume en ces quelques mots : « Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres… » (Matthieu 11,5). Le règne de Dieu s’adresse aux sans avoir, sans pouvoir, sans avenir.
Lorsque Jésus interpelle les autorités de son temps, il les invite à changer le système qui oppresse tout en leur montrant les interprétations étroites qu’ils font de la loi et du Dieu en qui ils croient. Il dénonce leurs attitudes et leur demande de s’attaquer aux causes, eux qui en ignorent même les symptômes. Il montre par ses paroles et ses gestes que le règne de Dieu a les pauvres pour priorité.
En fait la réponse à l’appel de Jésus d’améliorer la vie des gens les plus exclus et appauvris doit se situer dans la dynamique du changement systémique. Aujourd’hui, les organisations de foi peuvent évaluer leurs actions se situant dans la ligne du règne de Dieu à la lumière des principes du changement systémique.
La commission internationale de la promotion du changement systémique de la famille de Saint-Vincent-de-Paul a réfléchi et publié d’excellents documents sur le changement systémique [1]. Elle propose divers critères : la participation des personnes dont la situation doit changer, l’impact social positif, la pérennité, l’effet multiplicateur, l’innovation et la co-responsabilité.
Parmi les divers exemples d’engagement de chrétiens pour un changement de système dans un milieu, celui-ci me tient particulièrement à cœur : Maisha : une vie nouvelle hors des mines (voir la vidéo plus bas).
En 2010, trois religieuses du Bon-Pasteur arrivent dans une région minière de la République démocratique du Congo. Aller chercher quelques pépites d’or est le seul moyen d’avoir des revenus pour cette population et cela depuis plusieurs générations. Les religieuses vont vite s’intéresser aux conditions de vie avec la participation des familles avec qui elles entrent en contact. Pauvreté, faim, analphabétisme, absence d’infrastructure de base, environnement toxique et eau polluée ainsi que l’absence de perspective d’avenir sont le lot quotidien du milieu de vie dans lequel elles s’insèrent.
Peu à peu, des petits jardins voient le jour, permettant aux familles de se nourrir et d’avoir un peu d’argent avec la vente de ce que produit la terre. Outre l’impact de cette coopérative et la pérennité qu’elle créée, une école puis plus tard une clinique voient le jour. Des programmes spécifiques pour les enfants sont instaurés. La dignité des personnes prend de plus en plus racine dans les initiatives des gens du village. Rien ne se fait sans que cela soit décidé et réalisé par les gens eux-mêmes. Peu à peu, les activités minières artisanales deviennent chose du passé.
Ce qui s’est fait à Kolwezi peut être reproduit ailleurs. La collaboration extérieure d’institutions et de certaines expertises a été bénéfique car elle n’a pas pris le pas sur la participation des gens du milieu. Ce qui se passe à Kolwezi ne fera jamais la manchette des journaux. Mais cela s’inscrit dans la ligne du règne de Dieu.
Renaude Grégoire est engagée dans des réseaux de justice sociale depuis une vingtaine d’années. Elle collabore à divers projets de justice sociale, de paix et de protection de l’environnement.
[1] Pour en savoir plus sur le changement systémique, lire le Manuel du changement systémique (CIFV, 2017).