Manifestation contre les mesures sanitaires en Suisse (Kajetan Sumila / Unsplash)
Le vois-tu ?
Marie-Claude Lalonde | 19 avril 2021
Le même jour, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé. Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. (…) Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux. Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. (Luc 24,13-16.28-31)
Au moment où sévit la « troisième vague » de Covid-19 et après avoir quelque peu goûté à la liberté, nous nous retrouvons avec de nouvelles restrictions. Bien franchement, qui n’en a pas assez? Certains sont résignés et acceptent les mesures de la Santé publique, d’autres trichent un peu afin d’éviter la déprime, puis il y a les autres. Ceux qui ne respectent rien. Ce sont eux qui montent aux barricades pour défendre leur liberté, mais ce sont également eux qui privent la population de sa liberté parce qu’à force de ne pas faire attention, on perpétue la chaine des infections ce qui cause inexorablement un resserrement des consignes et la perte de liberté de l’ensemble de la population.
Il est difficile de concevoir qu’au nom de la liberté, on prive les autres de leur liberté ! C’est pourtant bel et bien ce qui se passe. Ceux-là sont comme les disciples d’Emmaüs, déçus que Jésus n’ait pas délivré Israël. Ils restent plongés dans leur déception ; mais une telle déception, complètement centrée sur soi, empêche de voir autre chose, de voir plus loin. Une telle égocentricité les empêche de reconnaître que la liberté des autres a la même valeur que leur propre liberté. Plus encore, se centrer uniquement sur soi, rend aveugle. On ne voit plus l’autre pourtant créé à l’image du Christ. Le Christ est la vie et tous ceux qui ont perdu un être cher dans cette pandémie savent combien la vie est précieuse.
Respecter les mesures sanitaires est une manière de prendre soin de son prochain dont la vie justement dépend peut-être de ce respect.
D’un autre côté, une majorité, et c’est tant mieux, bien que déçue n’est pas « empêché de reconnaitre » le bien-fondé de l’effort collectif. Ces personnes, au lieu d’être centrées sur elles-mêmes, veillent sur leur prochain. Nous pourrions dire qu’ils ont les yeux fixés sur la lumière et non dans la noirceur. Ils sont capables de reconnaître que la vie des autres a autant de prix que la leur et qu’il est de leur devoir d’en faire autant pour les protéger que pour se protéger.
Il est triste qu’à l’aube d’une solution qui passe vraisemblablement par la vaccination, les désinformateurs s’échinent à transmettre de l’information qui ne tient à rien sinon qu’à la force de persuasion du porteur du message. Encore là, par embrigadement, il ne leur est plus possible de voir le bien commun. Nous le savons, des ouvriers, des propriétaires de commerce, des universitaires, et même des scientifiques, se font embrigader ou en embrigadent d’autres. Ils font partie de nos amis, de nos familles ou de nos collègues de travail.
Heureusement, dans notre société pourtant très individualiste, il y en a encore qui voient le bien commun surtout en temps de pandémie, mais aussi en temps de réchauffements climatiques, de pauvreté et d’itinérance… Autant de gens qui s’engagent auprès des autres pour leur assurer une meilleure santé, une dignité ou une planète pérenne. Ils voient, et reconnaissent – même sans le nommer – le Christ dans chaque personne rencontrée. Ils le reconnaissent et croient « ceux du groupe » qui annoncent qu’il faut le chercher le vivant !
Parmi eux, les travailleurs de l’ombre, que nous ne voyons peut-être pas, mais qui sont à pied d’œuvre, parfois au péril de leur propre vie, pour endiguer l’épidémie. Les heures de travail sont longues, le danger d’infection bien réel. Ils se retrouvent épuisés, en isolement ou carrément malades. Le meilleur moyen de les appuyer ne serait-il pas de respecter les restrictions pour qu’ils puissent retrouver, eux aussi, une vie normale?
Marie-Claude Lalonde est directrice nationale de l’Aide à l’Église en détresse (AÉD Canada).