Le Capitole des États-Unis (Andy Feliciotti / Unsplash)
Qu’êtes-vous allez voir à Washington?
Mario Bard | 18 janvier 2021
Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert? un roseau agité par le vent?
Alors, qu’êtes-vous donc allés voir? un homme habillé de façon raffinée? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois.
Alors, qu’êtes-vous allés voir? un prophète? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète.
C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi.
Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui.
Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent, le royaume des Cieux subit la violence, et des violents cherchent à s’en emparer. (Matthieu 11,7-12)
Alors, qu’êtes-vous allez voir à Washington? C’est la question que j’aurais envie de poser à ceux et celles qui sont allés à Washington le 6 janvier dernier, à l’invitation du monsieur de la Maison Blanche, qui d’ailleurs, la quittera le 21 janvier prochain.
J’ajouterais : qu’êtes-vous allez adorer à Washington? Un prophète? Un nouveau messie? Un homme de justice et de droit proche des personnes pauvres, malades et marginalisées, vivant dans l’esprit de Jésus de Nazareth, le Christ ressuscité? Ou bien êtes-vous allez conquérir un lieu déjà conquis, perdu d’avance, afin de combattre pour une idole bien assise dans sa Maison-Blanche, dégustant le spectacle des images de sa HD Screen Mega Televison les derniers comptes rendus de ses vassaux encore loyaux?
Alors, qu’êtes-vous allez adorer à Washington?
Car, c’est bien d’adoration et pas simplement de vue dont on doit parler ici. La fougue violente et sans mesure déferlant sur le symbole de la démocratie étatsunienne qu’est le bâtiment du Capitole tient du sentiment religieux, de la foi et du credo : l’idole choisie pour représenter les aspirations de près de la moitié des électeurs qui se sont rendus aux urnes le trois novembre dernier, Monsieur T., est tout sauf un exemple du christianisme de l’Évangile. Néron ou bien Hérode le Grand lui ressemblent bien davantage. Donc, c’est une idole au sens judéo-chrétien.
C’est pourquoi ma question est encore plus pertinente pour ceux qui, ce jour-là, portaient la croix et l’étendard.
Alors, qu’êtes-vous allez adorer à Washington?
Bien loin de l’enfant la crèche, dont la naissance est soulignée à grand frais par les riches occidentaux que nous sommes, dont nos voisins de frontière, à chaque année (et souvent loin de l’esprit de sa naissance), l’adoration du magicien de la téléréalité comme étant le sauveur de quelque chose, un nouveau messie, me trouble toujours au plus haut point. Que donne-t-il, que fait-il cet homme aux cheveux dorés et au teint orange? S’il est vrai que son administration aura su rapprocher Israël et la Jordanie sur le plan international, sur le plan national, il aura su diviser plus que jamais les étatsuniens, avec hargne, haine et grossièreté. Est-ce vraiment le rôle du Messie que nous, chrétiens du 21e siècle, attendons?
Un Messie brodé de dorures, de goûts luxueux et plus intéressé par sa personne que par ceux et celles qui l’entourent. Le Messie du 21e siècle ressemble-t-il à Elvis Gratton en quête de gloire?
Faites vos choix, messieurs, dames, faites vos choix…
Les choix de Jésus de Nazareth
Avons-nous oublié les choix que Jésus a faits? L’un d’eux est, selon nombre de spécialistes de la Parole, fondamentale dans la vision messianique que Jésus de Nazareth espère apporter pour construire le Règne de Dieu. Ce choix, il se déroule dans la synagogue de Nazareth. Jésus y proclame la Parole tirée du livre du prophète d’Isaïe.
« On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit :
(Isaïe 61,1-2) L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur.
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » (Luc 4,17-21)
Jésus ou bien Luc omettent-ils le passage sur la vengeance de Dieu qui est pourtant dans la même phrase de la fin? Offrent-ils, justement, l’annonce d’une nouvelle manière d’être? La vengeance de Dieu n’est pas mentionnée. Et, si elle existe, elle prendra pour ce Messie une nouvelle tournure.
Comme la terre fait éclore son germe, et le jardin, germer ses semences, le Seigneur Dieu fera germer la justice et la louange devant toutes les nations. (Isaïe 61,11)
Et ainsi de suite. Le programme du MAGA – Make America Great Again – manque cruellement de ces notions de justice pour les plus défavorisés de la société. Et pourtant…
Des bergers en 4 x 4?
Selon les images diffusées par les chaînes de télévision et les réseaux sociaux du monde entier, plusieurs de ces personnes, conquérants d’un après-midi tranquille de janvier, n’avaient pas l’air si fortunées. Bien sûr, c’est un jugement basé sur des images. Mais, si tel était le cas, il est encore bien plus troublant. Pourquoi?
Parce que ce sont d’abord des gens de rien, les bergers, qui sont allés vénérer l’enfant Jésus. Ce sont eux qui ont vu les premiers celui qui deviendra notre Messie. Lequel, au lieu de se retirer en Floride ou bien ailleurs, là où l’on voudra bien l’accueillir dans le luxe, a fini ses jours sur une croix, dans une souffrance horrible. Parions que les chefs de ces Églises néoconservatrices et surtout, néo-païennes, auraient été les premiers à se masser pour condamner Jésus. Pas assez… successful guys. And the power must be show with large weapons, in a manner to impress, Like God!
Les bergers, eux, n’avaient ni pick-up 4x4, ni avions nolisées, ni covoiturages. Leur cadeau à ce nouveau roi? Les bêtes qu’ils gardaient déjà dans les champs.
En terminant, j’oserai cet avertissement aux vainqueurs. Depuis plusieurs années, vous aussi avez souvent choisi le veau d’or. De plus, guerres et invasions – dont celles de l’Irak et de la Syrie – sont des exemples de votre dévotion au pouvoir et à l’hégémonie de votre nation.
Et si, comme les mages et les bergers, vous preniez le temps de revenir aux sources de l’Évangile et d’adorer celui qui pointe continuellement vers un Dieu de miséricorde, de dialogue et de paix? Celui qui entre sur le petit d’une ânesse à Jérusalem, symbole suprême du prince de la paix? Celui qui inspire une solidarité tissée d’éducation, d’accès à la santé, entre autres, et qui nous encourage à maintenir en ordre la Maison commune, pour le bien de tous et des générations futures?
Maintenant, qui allez-vous adorer pendant quatre ans, à Washington?
Mario Bard est responsable de l’information au bureau canadien de l’Aide à l’Église en détresse (AÉD Canada).