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Les temps changent-ils vraiment ?
Marie-Claude Lalonde | 21 décembre 2020
Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville ; Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s’appelle Bethléem en Judée, parce qu’il était de la famille et de la descendance de David, pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte. Or, pendant qu’ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva ; elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes. (Luc 2,3-7)
La divinité de Jésus et sa descendance du roi David ne l’ont pas épargné. Il est né humblement et a été déposé dans une mangeoire à animaux. Pour lui, point de place dans la salle d’hôtes. Le Christ est né, tout possiblement comme d’autres enfants ont dû naître pendant ce recensement, dans des conditions loin d’être idéales. L’histoire biblique est muette à ce sujet, mais il est permis de croire que les époux ont trouvé cela difficile. Pourtant, c’est bien lui que nous attendons pendant l’Avent et que nous célébrons à Noël. L’Avent est normalement une espérance joyeuse de la naissance de notre sauveur, Jésus-Christ. Mais, qu’y a-t-il de normal cette année? Poser la question, c’est un peu y répondre.
Le mois de mars 2020 passera à l’histoire, et pour cause! La vie s’est arrêtée abruptement à cause d’un vilain virus, menace invisible qui plane au-dessus de nous tous. La situation a emporté avec elle son lot d’incertitudes et de craintes. Il y a eu une brisure dans nos relations humaines, tant familiales, amicales que professionnelles. Si quelques-uns se sont enrichis, un grand nombre se sont appauvris, beaucoup appauvris. La ribambelle joyeuse des enfants sur le chemin de l’école s’est interrompue. Même l’incessante circulation automobile a stoppé net. Seul bon point dans tout ça, l’environnement en a bénéficié. La terre a repris son souffle pendant que nous retenions le nôtre face à l’inconnu.
À l’image de Marie et Joseph, nous nous sommes adaptés aux circonstances tant bien que mal. Les sages de notre société (pour ne pas dire « nos ainés ») se sont vus coincés dans leur résidence, privés de toute liberté et de la présence aimante de leurs enfants et petits-enfants. Il y a eu de nombreux décès et plusieurs nous ont quittés dans la solitude la plus totale, mais pas dans l’indifférence. Tous admettent maintenant que « le système » les a laissés tomber, tout comme leurs familles leur ont été enlevées par les mesures de confinement obligées par la pandémie.
Comme la descendance de David n’a pas protégé l’Enfant-Jésus, l’apparente royauté de l’aisance matérielle n’a pas protégé ceux qui en jouissaient. Des familles ont perdu temporairement leur ou leurs sources de revenus. Pire, plusieurs ont perdu leur emploi tout simplement parce qu’ils œuvraient dans des domaines sévèrement affectés par la pandémie, notamment la restauration, l’hôtellerie et le tourisme. Nul ne sait quand ces emplois renaitront. Les enfants et adolescents bien entendu souffrent de la situation tout comme ils souffrent de l’absence – ou grande diminution – des relations sociales si importantes pour leur développement.
Les souffrances physiques et psychologiques laisseront d’énormes cicatrices dans notre société tout entière qui continue d’évoluer dans ce que nous pourrons peut-être appeler l’ère de la Covid-19. Dans de telles circonstances, à quoi bon espérer l’Emmanuel?
La naissance humble et peut-être même misérable de Jésus ne l’a pas empêché de devenir celui que nous attendons tous à Noël. La pandémie ne nous empêchera pas de faire de grandes choses, mais il faut l’avouer, ce sera plus long et plus difficile. Cela se fera à une condition, celle de nous entraider les uns les autres. Les banques alimentaires sont débordées, les refuges pour itinérants ne suffisent plus et le personnel soignant est épuisé. Et que dire des « covidiots » qui, par leurs comportements, compromettent les efforts collectifs pour mater le virus!
Rappelons-nous que Jésus n’est pas venu pour les biens nantis et les bien portants. Il est venu pour les pauvres, les malades et les pécheurs. Si nous y mettons un peu d’effort, même cette année n’y fera pas exception. Nous avons tous la possibilité d’être les mains du Christ et d’aider notre prochain et il est plus proche que jamais. En ce Noël, les organismes caritatifs et communautaires ne chômeront pas. Leur apport est véritablement d’une grande importance. Toutefois, ils ne suffiront pas à la tâche. Encore plus qu’auparavant, nous devons mettre l’épaule à la roue et repérer notre prochain. Il peut s’agir de membres de la famille, d’amis, de collègues de travail ou encore de parfaits étrangers. Voyons en chacun d’eux le Christ humble né à Bethléem digne de notre écoute et de notre soutien. Faisons cela pour que chacun d’eux puisse voir en notre visage, celui du Christ aimant.
Non, les temps ne changent pas vraiment et les difficultés se poursuivent prenant tantôt le visage d’une jeune femme qui accouche dans des circonstances difficiles ou tantôt de la famille appauvrie ou endeuillée par la pandémie. Heureusement, l’amour ne change pas non plus : c’est lui qui panse les plaies et permet d’espérer des jours meilleurs. En ce Noël particulier, accueillons Jésus qui nous arrive à travers ceux qui sont dans le besoin.
Marie-Claude Lalonde est directrice nationale de l’Aide à l’Église en détresse (AÉD Canada).