(Pablo Padilla / Unsplash)
Proclamer aux captifs la libération
Marie-Claude Lalonde | 17 février 2020
Il (Jésus) vint à Nazareth où il avait été élevé. Il entra selon sa coutume le jour du sabbat dans la synagogue et il se leva pour faire la lecture. On lui donne le livre du prophète Esaïe, et en le déroulant, il trouva le passage où il était écrit :
« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur. »
Il roula le livre, le rendit au servant et s’assit ; tous dans la synagogue avaient les yeux fixés sur lui. Alors il commença à leur dire : « Aujourd’hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez. » (Luc 4,16-21)
L’Évangile de Luc est intéressant en ce qu’il nous détaille le texte lu par Jésus à la synagogue ce jour-là. Esaïe disait certainement cette parole en pensant aux captifs des conflits de son époque. De tout temps, il y a eu des conflits et il n’y a qu’à regarder ou lire les nouvelles pour en voir tout un échantillon. Là où il n’y en a pas, l’humain en crée même parfois de toutes pièces. Avec ces conflits viennent leurs lots de captifs. Qu’ils soient prisonniers de guerre ou coincés dans une enclave par les hostilités, leur dénominateur commun demeure la souffrance.
Il y a quelques semaines, quatre séminaristes nigérians ont été enlevés dans l’attaque de leur résidence au séminaire. Le motif n’en est pas très clair. En effet, au Nigeria sévit depuis les dernières années un conflit entre les éleveurs de bétail et les agriculteurs. Un groupe est musulman et l’autre chrétien. La confusion règne puisqu’il vient un temps où l’on ne sait plus si ce qui motive les actes de violence est un conflit au sujet des pâturages ou encore des religions. Heureusement, trois des séminaristes ont été relâchés, mais le quatrième a été retrouvé sans vie.
Il y a aussi les captifs d’une idéologie qu’elle soit religieuse, économique ou politique. Leur « captivité » les rend parfois inaptes à se mettre à l’écoute de l’autre et faire preuve d’empathie pour leur prochain. Il n’y a qu’à regarder les régimes communistes et les états totalitaires, les groupes sectaires ou les tenants de la croissance économique au mépris des pauvres pour en trouver quelques exemples.
Et pourtant, Jésus, à travers les mots d’Ésaïe, nous promet la libération. La captivité a plus d’un visage dans nos sociétés dites modernes et souvent à tort on assimile le captif aux barreaux de la prison. Ceux qui souffrent de dépendances à l’alcool et aux drogues ne sont-ils pas aussi des captifs ? Ils sont privés de leur liberté non pas par une personne ou un conflit, mais par quelque chose qui leur semble insurmontable. Néanmoins, leur souffrance est bien réelle.
Enfin, nous pouvons parler de toutes ces personnes, hommes, femmes, jeunes et vieux qui souffrent de maladie mentale. Ils sont vus comme des fous, au mieux comme des malades, mais jamais personne ne réalise combien ils sont emprisonnés par cette maladie qui rend leur vie difficile.
La captivité, c’est la souffrance dans toutes ses déclinaisons. Alors, si Ésaïe n’avait pas pensé à toutes ces prisons, pourquoi faisait-il cette promesse d’annoncer une bonne nouvelle aux pauvres, de libérer les captifs, de rendre la vue aux aveugles et de libérer les opprimés ? Pourquoi Jésus s’est-il arrêté sur ce texte ? Ce n’était assurément pas par hasard. Jésus avait confiance en son Père qui l’avait envoyé, tout comme Ésaïe avait confiance en Dieu. De leurs propos transpire l’espérance à la manière chrétienne. Sans l’espérance, la vie elle-même est insensée parce que, nous le savons trop bien, elle est souvent parsemée d’embuches parmi lesquelles se trouvent des captivités de tout acabit.
Comme croyants, nous portons une double espérance, celle du moment présent et celle de la vie éternelle. Il ne faut pas garder ce trésor pour nous seuls, mais le partager avec tous les captifs qui jalonnent notre route. Un mot, un sourire, une délicate attention peuvent être autant de manifestations de notre espérance chrétienne à l’égard du souffrant. C’est cette même espérance en des jours meilleurs qui nous pousse à travailler à l’amélioration ou à l’éradication des multiples prisons qui peuvent être les nôtres ou celles de notre prochain. Sans espérance, à quoi sert de travailler si fort à libérer les captifs, rendre la vue aux aveugles et soulager les opprimés ?
Jésus en reprenant ce texte voulait justement manifester cette espérance sans fin que nous annonce sa résurrection. Et, si Ésaïe n’avait pas en tête toutes nos captivités, Jésus, lui, les avait puisqu’après tout il a utilisé les paroles d’Ésaïe qui signifie « Le Seigneur sauve » ! À nous, chaque jour, de travailler à son accomplissement pour soulager et libérer les captifs de nos milieux de vie.
Marie-Claude Lalonde est directrice nationale de l’Aide à l’Église en détresse (AÉD Canada).