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Florilège en jaune
Marie-Claude Lalonde | 10 décembre 2018
Mais que le droit jaillisse comme une source ; la justice, comme un torrent qui ne tarit jamais ! (Amos 5,24)
Qui exploite le faible insulte Dieu qui l’a fait ; qui a pitié du misérable l’honore. (Proverbes 14,31)
Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. (…) Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. (Luc 16,19 – 20,25)
Soyez juges pour le faible et l’orphelin, rendez justice au malheureux et à l’indigent; libérez le faible et le pauvre, délivrez-les de la main des coupables. (Psaume 82,3-4)
Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. (Luc 14,13-14)
Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. (Actes 20,35)
À ces mots Jésus lui dit : « Une seule chose te fait encore défaut : vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. » (Luc 18,22)
Ces derniers temps, la télé nous crache au visage de grandes, et parfois violentes, manifestations qui ont lieu en France. Le but premier des manifestants était d’exprimer leur mécontentement face aux taxes sur le carburant. D’autres réclamations ont rapidement suivi : zéro itinérants, abolition des hausses de taxes, la fin de l’austérité, et j’en passe. Ceux qu’on appelle désormais les « gilets jaunes » font penser au mouvement Occupons Montréal d’il y a quelques années. Ce ne sont pas les biens nantis qui se retrouvent dans les rues, mais ceux qui peinent. Au fond, les gilets jaunes demandent plus de justice sociale, moins de pauvreté.
Des préoccupations qui sont somme toute bien chrétiennes. Le prophète Amos cherche la justice comme une force qui ne s’épuise jamais. Ne lui en déplaise, la justice des hommes parfois s’épuise faute de moyens ou pire de volonté. Lorsque nous laissons les victimes d’injustice et de pauvreté en plan, nous participons en quelque sorte au problème en ne leur permettant pas d’améliorer leur sort.
En ce temps de l’Avent et de Noël, le cœur est à la réjouissance sauf que la pauvreté ne prend pas de vacances des fêtes. Au contraire, cette période festive met en lumière l’écart, sans cesse grandissant, entre les pauvres et les riches comme nous le voyons dans la parabole de Lazare et du riche. L’un s’enrichit et festoie, l’autre s’enfonce dans la misère sous le regard indifférent du premier. Les inégalités sociales nous cirent « en pleine face » alors que nous en sommes à prévoir cadeaux et menus élaborés pour les fêtes.
Au lieu de trouver ces victimes d’inégalités dérangeantes, pouvons-nous poser sur eux un regard neuf? Essayer de voir qui sont-ils pour nous dans le sens biblique, évangélique. Nous pourrions élaborer bien des réponses, mais ils sont, à n’en pas douter, notre prochain, le mien comme le vôtre.
Si l’achat de nombreux présents allège notre portefeuille, le partage, en revanche, allège le cœur. Il y a, sans conteste, beaucoup de joie à donner. En fait, la joie est même multipliée par deux : la joie de celui qui reçoit et la joie de celui qui donne! Nous avons tous vécu, un jour ou l’autre, une expérience de partage qui a eu un impact sur nous. En clair, ça nous a fait du bien. En plus du partage de biens et d’argent, pourquoi ne pas partager aussi un peu d’humanité? Cela peut être aussi simple que de sourire à quelqu’un qui semble abattu ou à une personne âgée, c’est regarder la caissière au supermarché plutôt que son téléphone, c’est souhaiter une bonne journée à nos collègues, partager un je t’aime avec nos proches.
Au lieu de voir des « fatigants » qui collectent de l’argent dans le temps des fêtes, voyons des gens qui, par leurs valeurs et leur humanité, désirent aider leur prochain. Puis, au lieu de désespérer de voir – encore – l’itinérant qui tient la porte du métro en espérant quelques pièces, voyons là une occasion de partager quelques sous ou ne serait-ce qu’un sourire et un « merci, bonne journée ». Essayons de voir non pas notre trésor en banque, mais celui du ciel qui appelle dès aujourd’hui à nous solidariser avec les pauvres, les esseulés, les oubliés du système, avec ceux qui, comme le dit si bien notre pape François, sont dans les périphéries, et ce, quelle qu’en soit la raison.
Bon temps de l’Avent et joyeux Noël.
Marie-Claude Lalonde est directrice nationale de l’Aide à l’Église en détresse (AÉD Canada).