chronique du 17 septembre 2010
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Tenir deux lampes alluméesOn me demande souvent d’expliquer la démarche que je fais, à savoir de lire la Bible à la lumière de l’actualité, ou encore de lire l’actualité à la lumière de la Bible. Je vous propose ce mois-ci une réflexion sur les deux lampes qui éclairent mon sentier : l’analyse sociale et la méditation de la Bible. Le shabbat est le jour où l’on chôme de toute activité pour se consacrer à la joie et à la paix du foyer. Moïse, inspiré par la sagesse divine, en a fait un pilier de la foi, car son peuple avait connu l’esclavage et le travail forcé en Égypte. Sur la terre nouvelle, tous et toutes auraient droit au repos. « Souviens-toi du jour de shabbat pour le consacrer. Tu travailleras six jours : fais tout ton ouvrage. Le septième jour, shabbat pour Adonaï, ton Élohim, tu ne feras aucun ouvrage, toi, ton fils, ta fille, ton serviteur, ta servante, ta bête, ton métèque qui est en tes portes. » (Exode 20, 8-10) Aussi, le vendredi soir, la femme allume-t-elle deux lampes quelques minutes avant le coucher du soleil et elle bénit Dieu et sa famille. Une religion libératriceJe tâche pour ma part de toujours tenir allumées ces deux lampes, enraciné dans la foi de mes ancêtres. Comme au temps de Moïse, l’esclavage des hommes et des femmes est au centre des préoccupations de notre Dieu. Sur le Sinaï, au moment de donner à Moïse les dix paroles, le Seigneur se définit ainsi : « Moi-même, Adonaï, ton Élohim qui t’ai fait sortir de la terre d’Égypte, de la maison des serfs. » À l’époque de l’Exode, les dieux se portaient garants de l’ordre établi. Le pharaon ou le roi était divinisé, considéré fils de dieu, et il avait droit de vie ou de mort sur toute la population qui lui était asservie. La religion, les prêtres et les temples servaient à garder les populations dans la servitude et l’acceptation de leur condition d’esclaves. Le Dieu d’Israël apparaît alors comme le Dieu qui libère les esclaves. Le rabbin Paul de Tarse, chef de police du Sanctuaire de Jérusalem, après avoir viré son capot de bord et adhéré à Jésus de Nazareth, écrira avec indignation aux Galates insensés : « Le messie nous a libérés pour la liberté, donc tenez ferme et ne vous enfermez pas de nouveau sous le joug de l’esclavage. » (Galates 5,1) Le journal déchiffré et analyséC’est ainsi que j’ai besoin d’une lampe pour discerner dans les ténèbres de notre monde les situations qui oppriment et aliènent les gens. La lecture du journal, l’attention aux nouvelles avec un œil critique et des oreilles attentives est pour moi une véritable passion : comprendre le monde et ses conflits, discerner les intérêts cachés, démasquer les mensonges, ouvrir les yeux du cœur, s’indigner et refuser les injustices. C’est Luc qui met ces mots dans la bouche de Jésus : « Le souffle d’Adonaï est sur moi; il m’a messié pour annoncer le message aux pauvres, pour proclamer aux captifs : Libération!, aux aveugles : Voyez!, pour renvoyer libres les opprimés, et proclamer une année d’accueil par Adonaï. » Qui sont ces gens à qui s’adresse Jésus? Seulement durant une semaine de septembre, dans un seul journal, je repère les évènements suivants :
Tout ceci est sans compter ce que les journaux ne disent pas ou occultent carrément, par exemple les cas de viols massifs et systématiques commis par les forces belligérantes en République démocratique du Congo où la guerre a fait 5 millions de morts sans que les médias n’en fassent une nouvelle. Ou encore le massacre de 72 jeunes latinos qui traversaient le Mexique pour entrer aux États-Unis; entre personnes disparues et assassinées, on compte plus de 60 000 morts dans ce pays de l’Alena durant les dix dernières années. Ou la grève de la faim de 31 prisonniers politiques autochtones au Chili dont les revendications historiques tombent sous la loi antiterroriste de Pinochet et qui sont considérés comme « terroristes » par le gouvernement. Voilà la véritable litanie qui doit inspirer nos actions et nos prières. Comment y rester indifférents alors que nous prétendons être catholiques, c'est-à-dire universels, et que nous affirmons croire en un Dieu Parent de l’humanité en Adam. C’est ici que l’annonce aux pauvres se vit aujourd’hui. Centrés sur les drames qui affligent les peuples, les familles, les gens d’ici et d’ailleurs, nous laissons monter la prière fervente et révolutionnaire d’une jeune Palestinienne du Ier siècle : « Mon souffle exalte pour Élohim, mon sauveur, parce qu’il a regardé l’humilité de sa servante. Il disperse les orgueilleux en l’intelligence de leur cœur. Il fait descendre les puissants des trônes, mais il relève les humbles. Il remplit de bien les affamés; et les riches, il les renvoie, vides. » Jésus a su nommer et dénoncer le péché du monde de son temps; l’exploitation de la paysannerie, la marginalisation des femmes et des enfants. Il a initié un mouvement de pauvres, de va-nu-pieds sans voix qui ont cru qu’avec lui, un autre monde devenait possible et à qui il a communiqué son Souffle. Il leur a parlé d’un royaume qui serait selon le cœur du Dieu qu’il appelait Abba, Papa. Dans ce royaume se réaliseraient les promesses que Marie, sa mère, invoquait dans sa prière. Jésus a expliqué les Écritures, il les a commentées de façon traditionnelle et toujours nouvelle, en pleine fidélité à l’esprit de Moïse, mais en dénonçant l’hypocrisie de ceux qui siégeaient sur le trône de Moïse, les scribes et les pharisiens. Aujourd’hui plus que jamais, nous, croyantes et croyants en Jésus, avons besoin de lire l’actualité en prophètes, avec une parole lumineuse et tranchante, sans acrimonie et sans peur. Nous avons dans notre Bible un trésor de prophéties, d’ancêtres dans la foi qui se sont affrontés aux défis de leurs temps avec courage et en y laissant souvent leur peau. Lire la Bible à partir des évènements actuels ne nécessite pas une recette; cela suppose un engagement de toute la vie au service de la justice sociale, une indignation fulgurante devant les injustices, une passion pour construire un monde neuf, une confiance inébranlable que cela est possible avec l’aide d’En-Haut. Nous avons un grand défi à relever en Occident, où le christianisme s’est acoquiné avec un système capitaliste injuste, prédateur, guerrier et destructeur de l’humanité et menace pour la survie de la vie sur terre. Nous voudrions vivre notre foi douillette dans un milieu qui dilapide les richesses de l’humanité au profit d’une petite minorité d’humains que nous sommes. Il est urgent de nous remettre à la lecture de la Bible et d’y puiser un Souffle nouveau, une Inspiration, un Dynamisme prophétique qui redonnera à notre foi sa vigueur et sa pertinence pour notre monde. Entrons solidairement dans la grande marche initiée par Jésus de Nazareth avec les humiliées, les affamées et les éplorées de ce monde. Ainsi, tous les peuples pourront enfin célébrer le grand shabbat de la paix et de la joie universelles et la lumière du shabbat illuminera notre terre.
Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal. Chronique
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