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Justice sociale
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chronique du 25 juin 2010
 

Femmes de marque « sans nom » à vendre

La Coupe du monde 2010 a rassemblé en Afrique du Sud des milliers de fans de football. Cet afflux de touristes s’accompagne malheureusement de la traite d’êtres humains. Avec plus de 500 000 visiteurs internationaux attendus en Afrique du Sud pour la Coupe du monde, on estime que des centaines de bandes criminelles sont impliquées dans la traite des personnes pour le commerce du sexe.

Non à la traite des êtres humains

     La traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle est un problème important en Afrique australe. De jeunes femmes ont été victimes de la traite en provenance de Thaïlande et de la Chine vers l'Afrique du Sud. Bien que la prostitution y soit illégale, le pays a peu de services publics destinés à aider les victimes de la traite.

     Le trafic humain est pratiqué partout dans le monde; il repose sur l’exploitation de personnes par des criminels dans le but d’en retirer un profit financier. Ceux-ci leur font miroiter de bons emplois ou des études, puis les forcent à se prostituer. Ces criminels gagnent beaucoup d’argent sur le dos surtout de jeunes filles et de femmes qui subissent des viols et d’autres violences physiques et mentales.

     De nos jours, le trafic humain représente l’une des trois activités criminelles les plus lucratives au monde, après le trafic illégal de drogues et d’armes. Les victimes sont trafiquées contre leur gré - elles sont trompées, leurrées par de fausses promesses ou encore forcées ; elles sont soumises à l’esclavage. Les trafiquants violent les droits humains fondamentaux de leurs victimes, qui sont dépourvues de leur droit de libre-circulation, d’auto-décision, de contrôle sur leur corps et esprit, de contrôle sur leur avenir.

     Selon l'Organisation des Nations Unies, chaque année environ 2,5 millions de personnes dans le monde sont victimes de la traite, pour le travail forcé et pour l’exploitation sexuelle, les plus vulnérables étant les femmes et les enfants. 

Coupe du monde de football et exploitation sexuelle – un mélange explosif

Texte biblique : Juges 11

1 Il y avait en Galaad un valeureux combattant, Jefté, le fils d'une prostituée et d'un homme appelé Galaad. 2 La femme de Galaad lui avait aussi donné des fils. Lorsqu'ils furent devenus grands, ceux-ci chassèrent Jefté en lui déclarant : « Tu n'as aucun droit sur l'héritage qui vient de notre père, car tu es le fils d'une autre femme. » 3 Alors Jefté s'enfuit loin de ses frères et s'installa dans la région de Tob. Des aventuriers se groupèrent autour de lui et le suivirent dans ses expéditions.

4 Quelque temps plus tard, les Ammonites attaquèrent les Israélites. 5 Quand les hostilités éclatèrent, les anciens de Galaad allèrent chercher Jefté dans la région de Tob. 6 « Viens prendre le commandement de nos troupes, lui dirent-ils, pour que nous puissions lutter contre les Ammonites. » 7 Mais Jefté leur répondit : « N'êtes-vous pas mes ennemis, vous qui m'avez chassé de la maison de mon père ? Pourquoi faites-vous appel à moi maintenant que vous êtes dans la détresse ? » 8 Les anciens reprirent : « Eh bien, nous nous tournons vers toi maintenant, pour que tu viennes combattre avec nous contre les Ammonites et que tu sois notre chef ainsi que celui de toute la population de Galaad. » 9 Jefté leur dit : « Si vous me ramenez avec vous pour combattre les Ammonites et que le Seigneur me les livre, je serai votre chef. »

29 L'Esprit du Seigneur s'empara de Jefté. Il parcourut la région de Galaad et le territoire de Manassé, puis il se rendit à Mispé en Galaad, pour passer dans le territoire des Ammonites. 30 Il fit cette promesse solennelle au Seigneur : « Si tu livres les Ammonites en mon pouvoir, 31 je te consacrerai et t'offrirai en sacrifice complet la première personne qui sortira de ma maison pour venir à ma rencontre, lorsque je reviendrai victorieux de chez les Ammonites. »

34 Lorsque Jefté revint chez lui à Mispa, ce fut sa fille qui sortit à sa rencontre, en dansant au rythme des tambourins. Elle était sa fille unique, il n'avait pas d'autre enfant. 35 Dès qu'il la vit, il déchira ses vêtements et s'écria : « Ah ! Ma fille, tu me plonges dans le malheur, tu es toi-même la cause de mon désespoir ! J'ai pris un engagement envers le Seigneur et je ne peux pas revenir sur ma promesse. »

Commentaire

Ça suffit

     Dans le contexte de la traite des femmes aujourd’hui, reprenons un texte de terreur qui raconte l’histoire de la fille sans nom de Jefté [1]. Le livre des Juges nous est peu connu; c’est une collection de récits sur la période qui précède l’institution d’un État organisé en terre de Canaan. Ces chroniques disparates racontent les faits d’armes de ceux qu’on nommerait aujourd’hui des seigneurs de guerre, histoires de violence, de sexualité débridée, de domination des femmes où celles-ci sont au service du chef de bande. Le patriarcat dans toute son horreur!

     Jefté, un bâtard, fils d’une prostituée, est rejeté par ses demi-frères. Devenu chef de gang armée, on sollicite son appui pour vaincre un peuple voisin qui agresse son clan. Il négocie le pouvoir et devient leur chef. Cet homme rejeté, plein de ressentiment à l’égard des siens qui l’ont exclu, a l’occasion de reprendre sa revanche. Il émerge dans l’ambiguïté : je vais combattre avec vous et si le seigneur me donne la victoire, je serai votre chef! Le divin n’est ici qu’un prétexte pour le sauveur du peuple, car, une fois vainqueur, il s’attribuera la victoire et agira comme un sot.  

     Le rédacteur nous dit que le Seigneur est avec lui pour défendre sa terre et affirme que Dieu a remis ses ennemis entre ses mains. L’ennemi est décousu, massacré, la guerre a fait son œuvre. N’est-ce pas que cette scène nous rappelle que les seigneurs de ce monde continuent de la même façon à croire que leur dieu leur donne la victoire et que leurs guerres sont saintes, faites pour défendre les femmes, la démocratie, la liberté. Des massacres beaucoup plus saisissants que ceux perpétrés par Jefté, prennent place en Colombie, en Irak, en Afghanistan, au Congo, en Palestine. In God we trust  lit-on sur le dollar de l’empire américain : ce dieu-là occulte les vrais motifs de nos guerres, la soif de pétrole ou de métaux précieux, etc.

     Ce dieu prétendu a soif de sang. Les peuples de la bible avaient l’habitude d’offrir des sacrifices humains à leurs idoles. Le message biblique s’oppose à ces pratiques et substitue des animaux aux enfants immolés. Abraham se verra empêché de poignarder Isaac, mais Jefté, lui, voudra offrir un sacrifice complet, un holocauste pour sa victoire militaire. Il ne reculera pas devant l’assassinat de sa propre fille unique, la prunelle de ses yeux, pour satisfaire et remercier son dieu. Le vœu de Jefté d’immoler une personne choisie arbitrairement dans sa famille est insensé: « Si tu livres les Ammonite en mon pouvoir, je te consacrerai et t’offrirai en sacrifice complet la première personne qui sortira de ma maison pour venir à ma rencontre. »

     Jefté est rempli de lui-même et quand sa fille vient joyeusement à la rencontre de son père, celui-ci, dans un geste de désespoir et de deuil, s’apitoie sur son propre sort : « Ah! Ma fille. Tu me plonges dans le malheur; tu es toi-même la cause de mon désespoir. » La victime doit porter le poids de ce qui lui arrive; c’est elle la responsable! Pourtant cette enfant mourra de façon prématurée; elle ne deviendra jamais une femme accomplie. Sa mort est violente et préméditée : elle mourra en holocauste, par le feu qui devra la dévorer entièrement et ce, des mains de son propre père. Elle est vierge et n’aura pas de descendants. Contrairement à Isaac, aucun ange ne viendra retenir le bras assassin.

     Beaucoup se plaignent de lire dans la bible de tels textes de violence et de terreur. Pourtant, si la mort cruelle de la fillette sans nom de Jefté a été retenue, c’est pour que les femmes continuent chaque année de pleurer son sort (v. 40) afin que de tels actes ne se reproduisent plus. Garder la mémoire pour que plus jamais… Il serait temps que les hommes se joignent à ces protestations et se solidarisent avec leurs compagnes et partenaires de vie pour mettre fin à ces sacrifices humains barbares.

     Nous pourrions écrire des récits bien aussi horribles aujourd’hui. Les femmes sont plus que jamais des trophées de guerre. Le militarisme promu par nos gouvernements mène à l’utilisation des femmes comme armes de guerre. Elles sont violées, séquestrées comme esclaves sexuelles. La traite des femmes, les ventes d’esclaves, l’industrie de la prostitution font d’elles des objets de servitude et de plaisir. Les grands rassemblements mondiaux sportifs, les jeux olympiques sont des occasions en or pour les mafias de toute espèce. Le capitalisme carbure au profit rapide et les êtres humains sont livrés en marchandise. Les Romains dominaient leurs esclaves avec du pain et des jeux. Désormais, on n’offre plus que des jeux comme opium pour endormir les esclaves et les femmes sont jetées aux lions du crime organisé par millions.

     Oui, la Bible est pleine d’histoires peu édifiantes de terreur concernant des femmes sans nom; elles sont là pour nous rappeler que malheureusement, les choses sont loin d’avoir changé. Le dieu du patriarcat est bien vivant et s’infiltre partout jusque dans nos temples. À nous d’y voir!

[1] Ce commentaire est inspiré du livre de Phyllis Trible, Texts of Terror. Literary-Feminist Readings of Biblical Narratives, Fortress Press, 1984.

Claude Lacaille

Source: Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

Chronique précédente :
À qui appartient la Terre ?

 

 

 

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