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Au féminin
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chronique du 20 janvier 2006
 

L’Annonciation (Luc 1, 26-38)
 

L'Annonciation

L’Annonciation
1448-50
Fra Filippo Lippi
Fresque sur bois, 68 x 152 cm
Galerie nationale (Londres)

 

Ce texte (Luc 1 26-38) d'une richesse inépuisable dont chaque mot est un trésor court le risque de l’épuisement à force d’être lu et proclamé. L’Annonciation aurait-elle encore quelque chose à nous annoncer?

     Le lectionnaire de l’Église catholique au Québec ouvre une brèche par la cohabitation inattendue du texte de l'Annonciation avec celui de 2 Samuel 7. Retournons en - 1000, à l’époque où se situe l’histoire racontée en second livre de Samuel.

À Jérusalem, capitale royale rayonnante un grand roi veut construire une maison pour abriter l'arche de Dieu, celle qui rend Dieu visible sur terre. Beau projet, généreux.

Mais Dieu envoie le prophète lui parler. Il lui parle par la parole prophétique, c'est-à-dire une parole qui voit plus loin, qui ouvre à l'à-venir.

Il lui dit en substance: David, toi qui es maintenant un grand, que j'accompagne depuis tes premiers pas, tu n'es pourtant pas prêt à me construire une maison; toi qui parles en roi, tu es pourtant un serviteur.

Toi tu veux me faire une maison pour abriter ce qui me rend visible, mais ce n'est pas la maison que je veux.
Quand tu seras prêt, naîtra de tes entrailles celui qui bâtira une maison en mon nom. Celui pour qui je ne serai pas seulement le Dieu au nom indicible, mais pour qui je serai père. Celui qui ne sera plus un serviteur, mais un fils pour moi.

     Quelques 900 ans et 28 générations plus tard, à entendre Matthieu,

Le successeur de David, celui qui est aimé de Dieu, Salomon, est mort depuis longtemps.
La maison de Dieu qu'il a construite a été détruite en 587 puis péniblement reconstruite par ceux qui sont revenus d'exil puis profanée, fortifiée, assiégée, convoitée, menacée, il y a peu par César lui-même.
Elle est encore en cours de reconstruction en ce temps, et on l'appelle Temple d'Hérode.

Qu'est donc devenue au fil du temps et des générations la promesse faite à David par Dieu: Ta maison subsistera à jamais, ma fidélité ne s'écartera pas de celui qui naîtra de tes entrailles, je serai un père pour lui, il sera un fils pour moi?

     C'est dans ces jours que Dieu envoie son messager, Gabriel, celui dont le nom signifie Force de Dieu, l'un des deux anges qui portent un nom dans la Bible (l'autre étant Michel).

     Messager qui parle au nom de Dieu, qui annonce la fin d'un monde en Daniel 8 et 9, et la naissance d'un nouveau monde en Luc 1 à travers la venue de Jean le Baptiste et Jésus.

     Dieu l'envoie en Galilée, région du nord de la Palestine méprisée par les gens du sud, de la Judée, de Jérusalem, parce que c'est une région multiculturelle, colonisée, décolonisée, recolonisée, avec de grands brassages de population.

     Il l'envoie à Nazareth, une ville dont nous ne savons même pas si elle a existé. Elle n'est mentionnée dans aucune source avant 135 de l'ère chrétienne.

     Dieu envoie ainsi Gabriel au cœur du monde méprisé, méconnu, invisible et il l'envoie chez une jeune fille.

     Le mot vierge désigne aussi bien une femme qui n'a jamais eu de rapports avec un homme qu'une femme mariée qui n'a pas encore eu d'enfants. On parle dans ce cas de jeune femme. C'est cette expression qui, dans un autre texte grandement prophétique, en Esaïe 7,14, est traduite par parthenos dans la LXX. Ce mot va peu à peu restreindre son champ de signification pour ne plus porter que le sens de « vierge ». Dans le Premier Testament la référence à la virginité indique toujours que quelque chose de complètement nouveau va arriver, que Dieu va faire de la terre de désolation des humains une terre vierge qu'il va féconder pour que la vie reprenne.

     Quels que soient les questionnements ou les convictions des croyants concernant la virginité de Marie, ce que dit avec force le texte de Luc c’est que Dieu repart avec les humains dans une relation vierge qui rend possible tous les enfantements.

     Qu'il repart dans une relation vierge au cœur d'une terre méprisée et méconnue et à travers le corps d'une femme. Que c'est une jeune femme, un être à peine plus considéré qu'un objet, qui va devenir la maison qui va l'accueillir.

     Et cette jeune femme s'appelle Marie ou Mariam, ou Meriem ou Myriam, et elle est descendante de cette Myriam qui a permis la survie du petit Moïse sauvé des eaux.

     Et elle est donnée en mariage à Ioseph, descendant de ce Joseph qui a permis la survie de sa famille en Égypte.

     Et ce Ioseph est de la maison de David, de la lignée de ce David qui, tout roi qu'il était, n'a pas pu construire de maison à Dieu.

     C'est à cet homme, lourd d'un passé fertile de promesses mais stérile aujourd'hui, qu'il est donné de devenir le compagnon d'une jeune femme vierge de possibles, qui se laisse féconder par le Souffle Créateur pour devenir maison de Dieu. Que d'enfantements dans ce passage!

Dieu envoie Force de Dieu, il l'envoie à l'humanité méprisée, oubliée, invisible, à la racaille du monde.
Dieu envoie Force de Dieu, et le Souffle Créateur féconde ce qui semblait effondré, relèvement de ce qui aux yeux des humains est définitivement décadent.

Dieu envoie Force de Dieu, et rappelle qu'il n'oublie jamais aucune de ses promesses.

Force de Dieu qui fait se rencontrer la maison épuisée et la maison vierge pour qu'advienne la maison du Dieu Vivant.

Force de Dieu qui fait se rencontrer le masculin et le féminin pour enfanter un monde nouveau.

Force de Dieu qui donne un souffle nouveau à la communauté. Année après année en proclamant cette fécondation, la communauté croyante proclame du fond de son épuisement et du fond de ses entrailles que Dieu, par son souffle, peut la rendre vierge, prête à ne pas se contenter de maisons à la gloire de Dieu mais à se faire maison pour le Fils du Vivant, comme la femme au service du Dieu de la Vie accueille en elle l'enfant.

Véronique Isenmann

Chronique précédente :
Une histoire d'eau

 

 

 

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