Icône de la rivière Velikaïa de Saint-Nicolas le Merveilleux, XVIe siècle. Cathédrale Saint-Séraphin de Kirov (image : domaine public).
2. L’icône de saint Nicolas le thaumaturge
Luc Castonguay | 5 décembre 2022
Selon la tradition de l’Église chrétienne, l’icône est un lieu de rencontre avec Dieu. Le concile d’Éphèse de 431 a défini l’icône comme un temple. C’est pourquoi l’icône de saint Nicolas le thaumaturge n’est pas seulement une image, mais elle manifeste réellement sa présence auprès de ceux et celles qui la vénèrent. C’est très tôt dans l’histoire de l’Église que son icône fait son apparition car « en Grèce, les actes du Septième Concile œcuménique tenu […] à Nicée au VIIIe siècle, citent l’existence d’une icône de saint Nicolas [1] ».
Histoire
Saint Nicolas, né vers 270 et mort vers 343, a été évêque de Myre en Lycie, aujourd’hui la province de Antalya de la Turquie moderne. On célèbre deux fois sa mémoire dans l’année liturgique : la saint Nicolas dite d’hiver le 6/19 décembre, anniversaire de sa mort et la saint Nicolas d’été le 9/22 mai, anniversaire de la translation de ses reliques de Myre à Bari en Italie ; la première date est celle de notre calendrier grégorien et la seconde celle du calendrier julien encore en usage dans l’Église orthodoxe [2].
Les catholiques occidentaux reconnaissent saint Nicolas comme patron des marins, des voyageurs, des tonneliers, des drapiers, des épiciers et même des filles à marier, des jeunes garçons mais surtout patron des écoliers. D’ailleurs plusieurs chansons et contes du folklore populaire pour enfants racontent les légendes de saint Nicolas : la légende de saint Nicolas [3] ou encore saint Nicolas patron des écoliers [4].
Encore aujourd’hui, dans plusieurs pays de l’occident chrétien, les européens le représentent passant de maisons en maisons pour donner des friandises et des cadeaux, pour récompenser les enfants sages les plus méritants lors de la saint Nicolas d’hiver. Sur le continent américain, il est souvent perçu comme étant l’ancêtre du personnage mythique du Père Noël, son avatar commercial.
Par contre en Russie, il est l’un des saints les plus vénérés et aimés : on le nomme Nicolas le Merveilleux, Nicolas le Juste ou encore Nicolas le Thaumaturge. Sa vie exemplaire, son empathie et sa compassion envers les souffrances physiques et morales des autres lui ont valu une vénération exceptionnelle dans toutes les branches du christianisme. On peut lire dans ses biographies historiques qu’il a accompli plusieurs miracles pendant sa vie : il aurait ressuscité des morts, guéri des malades et sauvé certains de la famine.
Plusieurs de ses icônes sont dites hagiographes, c’est-à-dire que la représentation centrale du saint est entourée de plusieurs scènes miniatures de sa vie : dans le cas de saint Nicolas, souvent ces scènes représentent les miracles les plus célèbres qu’il aurait accomplis. L’icône de Nicolas le Merveilleux présentée ici est un bel exemple de cette technique. Ce qui démontre bien que les icônes ont une vocation pastorale, celle d’enseigner par l’image.
Cette icône, peinte au XVIe siècle, a sa partie centrale presque entièrement recouverte d’argent (voir la première image, plus haut) : seuls le visage et les mains restent apparents. Mais sous ce riza ou oklad [5], l’image est entièrement peinte. Sur certaines icônes, cette protection de métal toujours richement ciselée est souvent rehaussée de pierres précieuses.
Des copies multiples
Il existe une multitude d’icônes de saint Nicolas. Même si elles nous paraissent semblables, on y décèle de réelles différences et chacune d’elles a une histoire surprenante. Aussi ce n’est pas telle ou telle icône qui est miraculeuse comme le saint lui-même représenté qui est reconnu comme un grand thaumaturge de la chrétienté et c’est par l’intercession de plusieurs de ses icônes qu’il a accompli ses prodiges.
À l’étude, on voit bien que les légendes miraculeuses qui entourent l’aura de ce saint sont nombreuses et pour n’en nommer que quelques-unes, citons celle du monastère de Saint-Nicolas à Kiev qui, en 1113, sauva la vie du prince Mstislav Vladimirovitch. Et celle de saint Nicolas Mouillé qui, « selon la légende, alors qu’ils faisaient un pèlerinage et naviguaient sur un bateau, des parents pieux ont laissé tomber leur bébé dans le Dniepr et il s’est noyé. Le couple au cœur brisé a prié avec ferveur Nicolas le Merveilleux et le matin, les prêtres de la cathédrale Sainte-Sophie de Kiev ont trouvé le bébé vivant devant l’icône de Saint-Nicolas. Depuis lors, l'image est devenue particulièrement vénérée. En référence à cet épisode, des églises ont commencé à être dédiées à « Nicolas le mouillé » à Moscou [6]. » Ou encore celle de saint Nicolas le Guerrier qui, mise en procession par des moines, repoussa et força des cavaliers ennemis à opérer un demi-tour dans la région de Belgorod. Mais comme sujet de cet article nous avons choisi sa représentation la plus commune et traditionnelle.
Saint Nicolas le Merveilleux, avec les saints Blaise de Sébaste et Nicétas le confesseur. 1526, Veliki Novgorod (photo © Galerie Tretiakov).
Pour comprendre l’icône
La façon la plus usuelle d’écrire l’icône de saint Nicolas est de le peindre de buste avec sa chape épiscopale et l’Évangile à la main. Ici, de chaque côté, dans les médaillons, le Christ lui tend l’Évangile et Marie, la Théodokos, lui présente son omophore. Cette mise en scène de l’image symbolise l’anecdote voulant que Nicolas, présent au premier concile de Nicée de 325, aurait giflé Arius, presbytre et théologien d’Alexandrie, pendant et devant l’assemblée. Pour ce geste, il aurait été mis en prison et privé de son titre d’évêque, mais le Christ et la Vierge l’auraient rétabli évêque de l’Église dans toute sa dignité puisque, par son geste, il avait protégé l’Église de l’hérésie : l’arianisme. L’iconographe a peint ici, sous le Christ et la Vierge, les saints Blaise et Nicétas, deux martyrs du IXe siècle vénérés par les Églises catholique et orthodoxe.
Saint Nicolas est représenté âgé, partiellement chauve, avec la barbe et les cheveux blanchis par le temps. Il porte ses habits épiscopaux et son omophore, chape blanche de l’évêque qui est décorée de croix. Il est vêtu de violet, mélange de rouge et de bleu. Selon le code iconographique, le bleu symbolise la divinité et le rouge l’humanité. C’est aussi la couleur liturgique de l’Avent : elle rappelle l’attente de l’avènement où Dieu s’est fait homme.
Le saint accomplit de sa main droite la benedictio græca avec une position très symbolique des doigts : l’index entièrement ouvert, le majeur légèrement courbé, le pouce croisé sur l’annulaire et l’auriculaire courbé reproduisant ainsi le monogramme IC-XC en utilisant les premières et dernières lettres des mots grecs Jésus, IHCOYC, et Christ, XPICTOC.
Il tient, dans son autre main, la Bible symbolisant sa grande connaissance des Saintes Écritures. La Bible est richement décorée de perles et de pierres rouges et bleues. Il est représenté comme un grand prélat de l’Église orthodoxe par et dans la richesse de sa gloire. Son visage est sérieux sans être trop sévère puisque l’homme a été pendant toute sa vie empreint de bonté.
Pour conclure disons que l’évêque de Myre est honoré comme un grand saint autant en Occident qu’en Orient. Il est un symbole d’œcuméniste pour toute la chrétienté. Son travail auprès des pauvres et des enfants est légendaire et son histoire tient de l’épopée.
Luc Castonguay est iconographe et étudiant à la maîtrise en théologie à l’Université Laval (Québec).
[1] Sofia moniale, Les icônes miraculeuses de Saint Nicolas le Thaumaturge de Russie, Saint-Benoît-du-Sault, Éd. Bénédictines, 2009, p. 7.
[2] Isabelle Cousturié,« Comment saint Nicolas rassemble catholiques et orthodoxes », Aleteia.
[3]
Chanson La légende de saint Nicolas.
[4]
Chanson Saint Nicolas patron des écoliers.
[5] Deux mots russes : riza signifiant robe et oklad couvert.
[6] Le saint le plus vénéré en Russie à travers les icônes des différentes époques.