(photos © Sony Pictures Entertainment)
Risen ou La résurrection du Christ
Sylvain Campeau | 29 mars 2021
Le film Risen est un péplum américain réalisé par Kevin Reynolds. De cette histoire biblique bien connue, on nous épargne les scènes du jugement et de la passion de Jésus et le récit commence au moment où l’on décide de mettre un terme au supplice des condamnés. La presque totalité du film se déroule donc pendant la période qui couvre le temps de la découverte du tombeau vide, des apparitions, jusqu’à l’ascension du Christ.
Comme l’explique le réalisateur, il fallait trouver un fil conducteur pour rendre cette histoire intéressante : « Nous voulions faire quelque chose de complètement différent et l’idée m’est donc venue de raconter La Résurrection du Christ sous la forme d’une enquête policière. » Le point de vue adopté est donc celui d’un Romain qui a été témoin et complice de la mort de Jésus.
Le synopsis
Clavius, un puissant tribun militaire romain, et son assistant Lucius sont chargés par Pilate de résoudre l’énigme de la disparition du corps de Jésus de Nazareth après son exécution. Dans le but de faire taire les rumeurs de la résurrection du condamné, ils doivent rapidement retrouver son corps pour éviter un soulèvement à Jérusalem. Comme il demeure introuvable, l’enquête se dirige ensuite vers les disciples qui ont suivi le maître galiléen.
Le scénario et ses sources
Comme la perspective est celle d’une enquête policière, les éléments empruntés aux évangiles sont d’abord factuels. On a évité ceux qui ont une valeur symbolique ou théologique. Par exemple, on ne mentionne pas que le voile du Temple se déchire à la mort de Jésus. Quand il est transpercé par la lance, on ne fait aucune allusion au sang et à l’eau qui coule de sa blessure (Jn 19,34).
Le scénario emprunte des éléments aux quatre évangiles. Un écriteau est placé près de la tête de Jésus indiquant le motif de sa condamnation (Mt 27,37 et parallèles). Deux brigands sont crucifiés avec lui (Mt 27,38 et parallèles). Au moment de sa mort, le ciel s’obscurcit (synoptiques) et la terre tremble (Mt 27,51). La dernière parole de Jésus en croix est celle de Jean : « C’est achevé! » (19,30). La décision de mettre un terme au supplice des condamnés vient aussi du quatrième évangile : on brise les jambes des deux larrons et on assène un coup de lance à Jésus (19,32-34). Le Golgotha est évoqué par un crâne [1] qui jonche le sol au moment où les soldats décrochent les corps pour les jeter dans la fosse commune (Mt 27,33 et parallèles). Le corps de Jésus est réclamé par Joseph d’Arimathie qui le dépose en vitesse dans un tombeau neuf (Mt 27,57-61 et parallèles). La garde du tombeau par des soldats romains est une donnée, importante dans le scénario, qui provient de Matthieu (27,62-66). On la retrouve également dans l’Évangile de Pierre, un récit apocryphe qui ajoute un détail qu’on retrouve dans le film : le tombeau est scellé à l’aide de plusieurs sceaux (33).
La suite du scénario s’écarte des évangiles. C’est par la bouche de Pilate qu’on apprend la découverte du tombeau vide [2] et c’est à partir de cet événement que commence l’enquête policière. Selon les autorités du Temple, le corps a été volé. Mais on découvre par la suite que les gardes ont été payés par les prêtres pour affirmer que les disciples ont dérobé le corps de Jésus. Cette donnée vient d’un autre écrit apocryphe : les Actes de Pilate. Comme le récit apologétique de la garde du tombeau en Matthieu, ce détail cherche à discréditer l’hypothèse du vol du corps de Jésus par ses disciples.
Quelques données discordantes
Marie-Madeleine est présentée comme une prostituée. Cette étiquette n’a aucun appui dans les évangiles où l’on dit plutôt qu’elle était possédée. Cette réputation tardive dans l’histoire de l’interprétation vient d’un amalgame de plusieurs femmes des évangiles.
Dans le film, c’est Pilate qui ordonne qu’on abrège le supplice des condamnés en leur brisant les jambes ; dans l’évangile de Jean, ce sont plutôt les Juifs qui adressent cette requête au préfet (Jn 19,31). Après la mort de Jésus, Pilate fait cette remarque à Clavius : « Cet homme semblait vouloir être sacrifié! » Cette idée ne concorde pas avec l’épisode du jardin de Gethsémani où Jésus prie en disant : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! » (Mt 26,39.42)
Le visage de Jésus est imprimé sur le linceul comme sur le suaire de Turin, une donnée étrangère aux évangiles qui relève de la piété populaire. La scène de l’ascension doit aussi être soulignée : son caractère sensationnel « détonne » avec la sobriété de nos évangiles canoniques! On pourrait continuer la liste en risquant de passer à côté d’un élément essentiel : le cheminement intérieur du tribun.
De l’incrédulité à la quête de sens
L’idée de la conversion d’un officier romain qui a été témoin de la crucifixion n’est pas nouvelle au cinéma. La tunique (The Robe, 1953) mettant en vedette Richard Burton, raconte une histoire semblable : Marcellus, un jeune tribun romain, est exilé à Jérusalem et dirige, contre sa volonté, la crucifixion de Jésus. Les évangiles nous disent que les soldats se partagent les vêtements des condamnés en les tirant au sort. Le tribun hérite de la tunique de Jésus et, marqué par cette « relique », il se convertit à la foi chrétienne.
On observe un cheminement semblable chez Clavius. Dès le début du film, sa marche dans le désert suggère cet itinéraire spirituel qui commence doucement au pied de la croix. Pendant la crucifixion, il observe plusieurs détails et réactions des personnes présentes qui refont surface quand il commence à s’intéresser à l’identité de Jésus et cherche la vérité sur ce qui s’est réellement passé le troisième jour après son ensevelissement. Après quelques jours de recherche, alors que Pilate est prêt à clore le dossier, Clavius demande une semaine de plus pour tirer l’affaire au clair. L’assurance de témoins, comme Barthélemy et Marie-Madeleine, avait sans doute attiré son attention lors des interrogatoires.
Mais son enquête le mène beaucoup plus loin qu’il ne l’aurait imaginé : tout bascule pour lui quand il surprend le groupe des onze et Marie-Madeleine réunis dans la chambre haute d’une maison de Jérusalem. Jésus est présent au milieu d’eux et à travers l’échange entre Thomas et son maître, il comprend que l’homme qu’il a vu mourir sur la croix est toujours vivant.
L’enquête officielle devient alors une quête personnelle dans laquelle plusieurs de nos contemporains et contemporaines peuvent se reconnaître. Une scène importante exprime bien l’une des intuitions du tribun en ce qui concerne le mouvement de Jésus. Quand il se retrouve, traqué par les Romains, entre Lucius et le groupe des onze, Clavius dit à son ancien équipier de les laisser s’échapper : « Le sort du monde est entre tes mains car je crois que ces hommes détiennent l’avenir de l’humanité. » Si Clavius ne devient pas un disciple missionnaire comme les apôtres, il n’est demeure pas moins transformé : « Ce que je crois, c’est que je ne serai plus jamais le même » dit-il, à la fin du film, avant de reprendre sa marche dans le désert de Judée. Sa quête n’est pas terminée et elle invite le spectateur et la spectatrice à prendre position devant le témoignage de ceux et celles qui déclarent le Christ toujours vivant.
Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.
Bande-annonce du film
[1] Golgotha signifie le lieu du crâne.
[2] Dans les évangiles, ce sont des femmes qui transmettent cette nouvelle.