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Bible et culture
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chronique du 10 avril 2009
 

Comment la culture médiatique influence-t-elle notre rapport à la Bible ?

La dernière tentation du Christ   Da Vinci Code   La passion du Christ

QuestionDepuis déjà quelques décennies, des films et des romans à succès suscitent la controverse : La dernière tentation du Christ de Martin Scorsese en 1988, la trilogie L’homme qui devint Dieu, de Gérald Messadié, la Passion du Christ de Mel Gibson, le Code Da Vinci de Dan Brown… Cela influence-t-il notre rapport à la Bible?

RéponseDe façon générale, oui. Ces événements ont beaucoup influencé la perception qu’ont les gens de la Bible. Ils s’intéressent aux dernières découvertes archéologiques et à des œuvres comme celles que vous nommez parce qu’elles sont intrigantes. Ils se demandent : « Est-ce possible que l’Église nous ait menti? Jésus était-il marié et on nous l’a caché? » Les 60 dernières années ont donné lieu à un grand nombre de recherches et découvertes relatives à ce qu’on appelle les évangiles apocryphes – ceux qui ne sont pas admis dans le Nouveau Testament, comme les évangiles de Judas, Thomas, Marie et Philippe. Le grand public est au fait de leur existence, notamment grâce à des œuvres comme celles de Dan Brown.

     Quand on lit le Code Da Vinci, justement, cela semble presque scientifique et historique. Presque… Je me souviens d’un passage où un personnage, Teabing, cite supposément l’évangile de Philippe à partir du manuscrit en araméen, la langue que Jésus parlait. Le problème est que cet évangile a été écrit en copte, une ancienne langue égyptienne, et non en araméen! Il en va de même pour les évangiles de Marie et de Thomas. Alors, si Dan Brown veut affirmer qu’il a fait des recherches pour son livre, eh bien, sa recherche a été très mal menée – il aurait dû savoir que l’évangile de Philippe est écrit en copte.

     Cela devient encore plus  problématique lorsqu’il s’agit d’interpréter des éléments liés à la personne de Jésus de Nazareth. Le Code Da Vinci soutenait que Jésus et Marie-Madeleine auraient eu une relation amoureuse, d’après un passage de l’évangile de Philippe, cité ainsi par Dan Brown au chapitre 58 : Et le Sauveur avait pour compagne Marie Madeleine. Elle était la préférée du Christ, qui l’embrassait souvent sur la bouche. Plus loin, il cite aussi un extrait de l’évangile de Marie, qui met celle-ci en dialogue avec les autres disciples, lesquels se rendent compte avec frustration qu’elle en sait plus qu’eux sur Jésus et son message. De tels passages peuvent conduire le lecteur à la conclusion que Jésus et Marie-Madeleine était mariés, que les disciples étaient au courant, que Jésus n’était peut-être même pas le Messie – bref, que Jésus était un homme comme un autre et que cela nous a été caché.

     Brown appuyait son hypothèse sur l’évangile de Philippe, ainsi que sur les hypothèses des auteurs de l’essai La Sainte Lignée et le Saint Graal, paru en 1982. Leurs recherches ont peut-être l’air vraisemblable, mais si nous voulons être des lecteurs responsables, nous avons un devoir d’intégrité intellectuelle. Il existe assez d’information accessible pour nous permettre, sans être experts, de faire notre propre recherche, pour ne pas prendre Dan Brown à la lettre.

     Concernant l’exemple de l’évangile de Philippe, où Marie-Madeleine est dite « compagne » de Jésus, il faut savoir que le mot copte original ne désigne pas un compagnonnage entre époux – il existe un autre mot pour le définir. Le mot employé dans le manuscrit évoque le compagnonnage semblable à celui qui pouvait exister entre disciples, tout simplement. Puis, dans le cas de Jésus embrassant Marie-Madeleine sur la bouche, le manuscrit original a en réalité un trou à la place du mot « bouche »! On peut donc y suppléer le mot « bouche », mais aussi « joue » ou « front ». Par ailleurs, même si on avait la certitude que c’était le mot « bouche », cela devrait se comprendre selon le gnosticisme [1], le courant religieux dont l’évangile de Philippe est issu. Dans ce contexte, embrasser quelqu’un sur la bouche n’a pas de connotation sexuelle : cela symbolise plutôt le transfert de connaissances secrètes. C’est pour cette même raison que Marie- Madeleine est présentée comme une personne qui en sait plus que les autres disciples.

     Ce type d’information permet d’interpréter correctement un texte qui, autrement, serait compris littéralement. Il faut être prudent avec la littérature et le cinéma à sensation.

[1] Le gnosticisme est un mouvement religieux des IIe-IVe siècles de notre ère. La gnose de ce mouvement complexe se définit comme une « forme de connaissance religieuse qui a pour objet la réalité vraie et spirituelle de l’homme », révélée par un sauveur à un groupe d’initiés. Voir l’article « Gnose-gnosticisme » dans le Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, vol. 1, Cerf, 1990.

André Gagné

Source : Haute Fidélité, « Comme un livre ouvert », Volume 127, numéro 1, 2009, p. 7-9.

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Hallelujah de Leonard Cohen