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Bible et culture
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chronique du 25 juin 2004
 

Jésus, l'homme avant l'Église
Ou la réalisation d'un fantasme chrétien

Qui, un jour n'a pas souhaité rencontrer directement Jésus de Nazareth, lui poser les questions qui nous habitent et obtenir des réponses? C'est justement ce voyage imaginaire que nous propose Gertrude Giroux dans son roman Jésus, l'homme avant l'Église.
 

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Gertrude Giroux
Jésus l'homme avant l'Église
Montréal, Carte Blanche, 1998.

Le récit

     Cinq personnes contemporaines, Jonathan, Maxime, Emmanuelle et Natacha remontent le temps pour interroger directement Jésus et son entourage. Ils posent des questions en fonction d'une compréhension occidentale et chrétienne de la fin du XXe et début du XXIe siècle. Ces voyageurs temporels confrontent leurs préconceptions et leurs certitudes aux témoignages des acteurs évangéliques: Jésus, Marie, les disciples, Marie-Madeleine, etc. Il s'agit d'une enquête journalistique qui explore une culture étrangère et un lointain passé. Ce voyage réserve ainsi bien des surprises à nos voyageuses et voyageurs qui ne s'attendaient guère à découvrir un univers aussi inattendu que déroutant.

     Par les entrevues, un dialogue se noue favorisant ainsi une appropriation de la réalité «historique» de Jésus. Citons-en un exemple :

Natacha. Justement Jésus, tu présentes ton Évangile en termes de « Règne » et de « Royaume » de Dieu. Je ne comprends pas tellement ces expressions qui semblent signifiantes pour les gens de ton milieu et de ton époque mais qui s'avèrent étrangères à notre culture moderne. Pourrais-tu définir «Le Règne de Dieu comme tu le perçois, en donner une idée claire?

Jésus. Le Règne de Dieu, c'est bien le thème central de mon Évangile, mais je ne puis vous en donner une définition, ni une idée claire, ni une explication. Il s'agit d'une espérance, d'une expérience et d'une dynamique impossibles à renfermer dans des mots mais que j'évoque par des images familières ou des paraboles &endash; une forme de discours courant en milieu juif que j'utilise largement pour renvoyer les auditeurs à eux-mêmes. […] Voilà le Règne que j'annonce, le Règne de Dieu avec ses fils et ses filles rassemblés dans une grande famille heureuse, un Règne où il n'y aura ni exploiteurs ni exploités, ni oppresseurs, ni opprimés. (p. 129s)

Appréciation

     Gertrude Giroux s'est donnée comme objectif de vulgariser les résultats de la recherche historique et exégétique concernant Jésus de Nazareth. Y parvient-elle? La réponse ne peut qu'être qu'affirmative. Elle montre la distance considérable, à tous les plans, entre nous et l'homme de Nazareth. En soi, illustrer cet écart culturel et religieux constitue l'un des attraits majeurs du roman.

     L'autre but visé par Gertrude Giroux réside dans l'acquisition de connaissances sur la Palestine du premier siècle de notre ère, à la lumière des travaux exégétiques. Par sa brillante vulgarisation, les principales conclusions des études récentes sur Jésus de Nazareth deviennent accessibles à des non-spécialistes. Cela représente déjà une réussite exceptionnelle.

     La facture du roman favorise l'intégration des connaissances au coeur d'un cheminement spirituel. La première partie examine la vie, le message et le contexte socio-religieux de Jésus de Nazareth. Elle se structure autour de plusieurs thématiques abordées par les personnages, comme par exemple : Noël sous l'étoile de Bethleem, Bon pratiquant ou chambardeur de lois ou le manifeste du Royaume.

   De plus, les personnages féminins, par leur questionnement sur le rôle des femmes tant dans la société palestinienne que dans le mouvement-Jésus, suscitent l'intérêt de la lectrice et du lecteur toujours aux prises avec des problématiques institutionnelles contemporaines.

     Quant à la seconde section, celle-ci traite davantage de la compréhension postpascale, de la formation des évangiles et des premières communautés chrétiennes. Par exemple, cette partie examine le discours des évangiles sur Jésus ou sur l'expérience pascale qui approfondissent davantage le portrait du christianisme naissant. Cela permet d'établir des ponts avec notre propre expérience subjective.

     La présentation de Gertrude Giroux initie à d'autres niveaux de lecture des récits évangéliques et des écrits néotestamentaires. Elle illustre avec beaucoup de clarté la genèse du Second Testament. Pas à pas, elle explique les grandes étapes de sa confection : la tradition orale issue des communautés, la formation de la source Q puis le processus de rédaction des évangiles proprement dit. En bref, Gertrude Giroux réussit avec brio, à démystifier l'origine des sources chrétiennes.

Conclusion

     Le roman de Gertrude Giroux représente l'une des tentatives les mieux réussies, les plus intéressantes et certainement les plus originales de vulgarisation sur Jésus de Nazareth. Malgré son style pouvant comporter quelquefois des lourdeurs et des dialogues apparaissant peu probables et anachroniques à certains moments, Jésus, l'homme avant l'Église, demeure un livre indispensable à toute chrétienne et chrétien se questionnant sur l'homme de Nazareth et sur les premières communautés.

     Bien que le roman se veut essentiellement une vulgarisation, il nous fait entrer dans une expérience spirituelle fondamentale s'incarnant au cœur de notre propre existence relationnelle avec les autres, le monde, Dieu. Gertrude Giroux nous centre sur l'expérience inhérente au christianisme : celle, à la suite de Jésus de Nazareth, de poursuivre la construction du Règne de justice sociale, d'égalité et de dignité. C'est à cette invitation que nous convie Jésus, l'homme avant l'Église.

Patrice Perreault
Bibliste, Granby

 

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Regard sur les personnages féminins de La Passion du Christ