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Coups de coeurs
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chronique du 10 février 2009
 

Toucher l'intouchable    

     L’Évangile selon saint Marc commence en lion. Ce grand félin est d’ailleurs le symbole de l’évangéliste. Après une brève mention du baptême par Jean et du séjour au désert, Marc lance Jésus dans le feu de l’action. La Bonne Nouvelle commence à se déployer sur le terrain par une succession rapide d’actes de libération : exorcisme, guérison et purification d’un lépreux. À deux reprises Jésus doit fuir les foules qui le cherchent. Le comportement surprend et mérite un peu d’explication.

Une législation sévère

      Alors que Jésus parcourt la Galilée, un lépreux accourt vers lui. Étonnant, car les lépreux étaient mis en quarantaine, jusqu’à ce que la mort survienne, car la véritable lèpre ne connaissait pas de guérison. La législation sur la lèpre était très sévère comme l’atteste le livre du Lévitique qui consacre deux chapitres à cette maladie. L’un énumère les différents types de lèpre (chapitre 13), tandis que l’autre détaille les rites de purification en cas de guérison (chapitre 14). La plupart des maladies cutanées, allant de la simple gerçure à d’autres plus sérieuses comme le psoriasis ou l’eczéma, sont classées dans la catégorie de la lèpre. La lèpre englobe aussi les moisissures apparaissant sur les murs en crépi des maisons ainsi que l’usure prématurée des vêtements due sans doute à des champignons ou à des mites. Le prêtre joue un rôle prépondérant. C’est lui qu’on doit appeler, et non le médecin, le couturier ou le constructeur, pour reconnaître l’existence de la lèpre. Tous ces problèmes trouvent aujourd’hui leur explication et sont, tout compte fait, assez banals. Mais il n’en était pas ainsi dans l’Antiquité biblique.

      La lèpre en tant que telle existait bel et bien. On connaît le cas des Égyptiens (Exode 9, 8-12), de Myriam la sœur de Moïse (Nombres 12, 10-15), de Naaman le Syrien (2 Rois 5), du roi Ozias (2 Chroniques 26, 19-32), et des lépreux dont parlent les évangiles. Cette maladie infectieuse et contagieuse, causée par le bacille de Hansen, était la plus redoutable des maladies. Cela explique l’exclusion du malade pour éviter la contagion. Le vocabulaire utilisé en dit long sur la gravité de la maladie. Le mot hébreu nèga’ que l’on utilise pour désigner la lèpre signifie d’abord « coup »; et le verbe naga’ se traduit par « frapper, donner un coup ». On dira donc qu’une personne est « frappée » de lèpre. On fera même le lien entre le péché et la lèpre, celle-ci étant le châtiment divin par excellence.

      Étant donné que les gens de la Bible avaient une conception religieuse du monde, avec sa séparation entre le sacré et le profane, ils considéraient que toutes situations les mettaient en relation avec Dieu ou menaçaient cette relation. La maladie faisait partie de ces menaces, car il y avait un lien entre la santé et la sainteté. Parmi les maladies, la lèpre jouissait d’un statut particulier, car on la considérait comme une impureté, en ce sens qu’elle était un obstacle empêchant la personne de s’approcher du sacré. On comprend alors pourquoi le rôle du prêtre, le maître du sacré, est si important. C’est lui qui, en reconnaissant la présence de la lèpre, déclare la personne impure, ou inapte à participer au culte. S’il y a guérison, il en fera la constatation et procédera alors à la purification du lépreux, en suivant un rituel précis, pour le réintégrer dans la communauté et lui faire recouvrer sa capacité de rendre un culte à Dieu.

L'audace de la foi et la compassion divine

      Revenons maintenant à la démarche de notre lépreux. Ce lépreux transgresse donc l’interdiction de s’approcher des hommes et vient se prosterner devant Jésus, comme on le fait devant Dieu, et le supplie de le guérir. Jésus ne se dérobe pas et touche l’intouchable. Il est ému de compassion. Quelques manuscrits notent plutôt qu’il fut rempli de colère; il est difficile de savoir si c’est contre la démarche du lépreux ou contre la maladie.

      La compassion de Jésus, c’est la miséricorde divine qui envahit tout son être jusque dans les profondeurs de ses entrailles. La supplication du lépreux laisse place à la liberté de Jésus. Si tu le veux, tu peux… La miséricorde oriente la liberté de Jésus, comme elle est la disposition intérieure qui pousse Dieu à se tourner vers l’homme pour le libérer de ses esclavages. Voici que Jésus rétablit le lépreux dans sa dignité et son intégrité physique, lui qui était exclu de toute relation avec les hommes et inapte à rendre un culte à Dieu, car il était considéré comme un pécheur.

      Comme les autres guérisons, celle du lépreux témoigne de l’irruption des temps messianiques. Mais pourquoi Jésus, avec une certaine rudesse, interdit-il au lépreux de faire connaître la nouvelle de sa guérison? L’évangéliste a un message important à communiquer à ses lecteurs. Le lépreux a lui aussi touché l’intouchable, c’est-à-dire le mystère de la divinité de Jésus. Il ne lui appartient pas de s’en faire le héraut alors que Jésus exerce la mission reçue du Père avec humilité comme un serviteur obéissant. Jésus ne veut pas que la révélation de son identité lui échappe avant l’ultime témoignage du don de sa vie et de la victoire sur la mort. Même si une force puissante émane de lui, manifestation de sa communion avec le Père, Jésus ne veut pas être réduit à un rôle de thaumaturge. Il veut plutôt qu’on le suive à cause de l’Évangile, qui seul est capable de transformer et renouveler en profondeur l’être humain.

Chronique précédente :
L'au-delà : qu'en dit Jésus ?