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Coups de coeurs
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chronique du 28 février 2006
 

Marcher humblement avec son Dieu

 

Une lampe sur mes pas, ta parole
Une lumière sur ma route

Psaume 119, 105

 

La prochaine Journée mondiale de la Jeunesse sera célébrée dans les diocèses le dimanche des Rameaux. À Montréal, ce sera le samedi 8 avril. Je vous propose une réflexion sur le thème de cette Journée, que j’ai préparée à la demande du Comité organisateur.


    Le Psaume 119 est tout entier consacré à l’éloge de la Loi divine (la Torah). Comme une pièce de musique, ses 176 versets constituent autant de variations sur ce thème. La note de la Bible de Jérusalem présente l’esprit de ce psaume dit alphabétique :

  • Les huit vers de chaque strophe commencent par l’une des 22 lettres de l’alphabet hébreu, et contiennent chacun, sauf une seule exception, le v. 122, l’un des termes qui désignent la Loi : témoignage, précepte, volonté, commandement, promesse, parole, jugement, voie. Le mot loi et ses synonymes sont à prendre ici dans le sens le plus large d’enseignement révélé, tel que l’ont transmis les prophètes. On a dans ce psaume l’un des monuments les plus caractéristiques de la piété israélite envers la Révélation divine.

    Quand on parcourt l’ensemble du psaume, on observe aisément que l’Israélite conçoit la totalité de sa vie dans un dialogue constant avec le Seigneur dont la volonté pour lui s’exprime à travers la Loi. Ainsi la Loi illumine chaque situation de sa vie, qu’elle soit heureuse ou malheureuse. La Loi sanctifie chaque circonstance de la vie et chaque circonstance de la vie est l’occasion de sanctifier Dieu.

    Dans la tradition juive, la Torah, en tant que révélation de Dieu et de sa volonté (projet de salut) pour l’homme, revêt deux formes. Dieu se révèle dans les événements de l’histoire. En racontant ses merveilles de génération en génération (Haggadah), on apprend à écouter Dieu qui parle dans les événements du passé et on peut ainsi mieux le discerner dans ceux du temps présent. Dieu révèle aussi sa volonté à travers les préceptes et les commandements (Halakhah). Ceux-ci sont donnés pour que les Israélites marchent humblement avec leur Dieu. C’est ainsi qu’on en arrivera à comparer la Torah à un joug, cette pièce de bois que l’on place sur le cou d’une bête de trait. La Torah, avec sa double dimension historique et juridique, permet donc au croyant de marcher d’un même pas avec Dieu.

La route de la vie
    Le verset du psaume utilisé comme thème de la Journée de la jeunesse réunit deux symboles : celui de la route, pour évoquer le cours de l’existence humaine; celui de la lumière, pour désigner la Torah ou la Loi divine. L’homme biblique conçoit sa vie comme un itinéraire où, éclairé et guidé par la Parole de Dieu, il avance dans la foi sur les chemins de Dieu. Le pèlerinage d’Abraham et la marche au désert des Hébreux apparaissent comme les types mêmes de l’existence du croyant. Les premiers versets du Psaume 119 expriment bien cette conception de la vie dans la foi :

Heureux, impeccables en leur voie,
ceux qui marchent dans la loi de Yahvé!
Heureux, gardant son témoignage,
ceux qui le cherchent de tout cœur,
Et qui sans commettre de mal,
marchent dans ses voies!

   Le verset qui sert de thème à la Journée de la jeunesse de cette année fait donc voir que la Parole de Dieu est la lumière qui guide les pas du croyant et donne de l’assurance à sa marche sur les routes de la vie. Notre verset se présente avec deux membres parallèles complémentaires.

    Dans le premier membre, la Parole de Dieu est comparée à une lampe. C’est la lampe fabriquée par les mains du potier, que l’on garde allumée en permanence pour éclairer la maison, que l’on garde avec soi durant la nuit, ou que l’on dépose sur les murs du Temple chaque soir durant la fête des Tentes. D’elle-même la lampe ne peut éclairer; il lui faut de l’huile pour alimenter la mèche. La lampe de la Parole peut remplir sa fonction si le croyant offre à Dieu l’huile de sa vie pour que celle-ci en soit illuminée. Le croyant peut alors transporter la lampe de la Loi partout où il va. En intégrant ses préceptes, il peut alors avancer sur la route de la vie sans craindre de trébucher sur les obstacles du mal. Cette image de la lampe sera reprise par Jésus dans Matthieu 5, 14-16.

   Dans le second membre, la Parole de Dieu est comparée à la lumière sur la route. Le mot hébreu ‘ôr désigne ici la pleine lumière du jour, comme la lumière du soleil. De même que le soleil brille pour tous et partout, ainsi la Loi qui, venant de Dieu, illumine tout être humain et éclaire sa route à travers toutes les situations de la vie. Si la lampe évoquait un objet fabriqué par l’homme et peut-être les traditions humaines dans la Loi, la lumière du jour présente la Loi comme le don de Dieu.

Marcher à la suite de Jésus
    On retrouve la double symbolique de la route et de la lumière pour définir le type de relation entre le disciple et Jésus. Le disciple est appelé à marcher à la suite de Jésus qui se présente lui-même comme la lumière du monde : Moi je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais aura la lumière de la vie (Jean 8, 12).

   La réalité de la Loi n’est pas évacuée de l’enseignement de Jésus. Il n’est pas nécessaire de développer longuement l’affirmation de Jésus à l’effet qu’il vient accomplir la Loi et non pas l’abolir (Matthieu 5, 17). Jésus évolue dans un milieu religieux et social centré sur la pratique de la Loi. Ses critiques à l’égard de la Loi visent l’interprétation parfois accablante qu’en font les scribes et les docteurs de la Loi. Jésus ne saurait rejeter la Loi en tant que médiatrice de la révélation de Dieu à son peuple. Il y ajoutera les Prophètes et les Psaumes comme témoins de la tradition vivante : les prophètes qui actualisent les exigences de la Loi et les psaumes qui en sont l’expression priante.

   Au scribe qui lui demande quel est le premier commandement de toute la Loi (Marc 12, 28-31; Luc 10, 25-28), Jésus répond par le double commandement de l’amour de Dieu et du prochain : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit (Deutéronome 6, 5) et Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lévitique 19, 18). Dans la version de Matthieu (22, 34-40), Jésus précisera qu’à ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes.

   Lors de la Cène, la veille de sa mort, Jésus donne à ses disciples un commandement nouveau : Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres (Jean 13, 34-35). En l’intégrant dans leur esprit et leur cœur et en le pratiquant, les disciples feront mémoire de Jésus qui a donné librement sa vie dans un ultime acte d’amour pour le Père et l’humanité.

    La manière de marcher à la suite de Jésus ressuscité, c’est de pratiquer le double commandement de l’amour. L’amour même de Jésus est la lumière qui guide nos pas et éclaire notre route. Telle est la Loi nouvelle qui doit être inscrite au plus profond de notre cœur. Elle est l’éducatrice et la formatrice de notre vie. Cette Loi nouvelle, nous la célébrons à chaque eucharistie qui et le sacrement de la vie de Jésus donnée par amour. En communiant au Corps du Christ, nous nous engageons à faire mémoire de son amour dans nos gestes quotidiens, dans nos occupations, dans nos relations interpersonnelles.

   Jésus ne cache pas que le chemin qu’il nous invite à parcourir derrière lui sera exigeant. Il nous demande même d’y penser avant de nous y engager. Mais qui peut prétendre que la vie n’est pas une aventure exigeante? Le Fils de Dieu, en prenant la condition humaine, a dû en faire l’apprentissage. Il est en mesure de nous guider dans notre propre apprentissage. Ce qu’il veut nous enseigner, c’est le don de soi, la générosité de l’amour, le dépassement, le service d’autrui en mémoire de lui. Tels sont les rayons de sa lumière qui éclairent la route de notre vie.

Yves Guillemette, ptre
Directeur du Centre biblique et du Site InterBible
Curé de la Paroisse Saint-Léon de Westmount
Président de la Société catholique de la Bible

 

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Quelle autorité!