chronique du 31 janvier
2006
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Quelle autorité! Selon ce que rapporte lévangéliste Marc, la première intervention publique de Jésus a eu de leffet. Les juifs réunis pour loffice du sabbat dans la synagogue de Capharnaüm nen reviennent pas. Ils nont jamais vu, parmi leurs experts, un maître enseigner avec une autorité comparable : On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes (Marc 1, 22). En outre, Jésus pose un geste de puissance éloquent : il libère un homme de lemprise aliénante des forces du mal. Les témoins sont soufflés : Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent (Mc 1, 27). Cette scène inaugurale haute en couleur actualise le programme daction de Jésus, tel quil lénonce au sortir de sa retraite au désert : Les temps sont accomplis, le règne de Dieu sest approché (Mc 1, 15). Jésus enseigne, tant par la parole que par le geste, que Dieu ne peut pas se rendre plus proche de son peuple comme de tout être humain. Il surpasse les commentateurs autorisés de la Torah, ces scribes qui se donnent de lautorité en sappuyant sur les enseignements de leurs prédécesseurs. En revanche, Jésus ne fait référence à personne dautre. Serait-on alors disposé à lui reconnaître une autorité comparable à celle dont est revêtue la Loi que Dieu a donnée à Moïse? Quelle est donc cette autorité qui émane de Jésus? Commençons par la langue. Le mot exousia, que lon traduit par autorité, désigne le pouvoir et la liberté que possède quelquun pour agir, doù son autorité. Le mot provient du verbe impersonnel exestin qui veut dire « il est permis ». Cest la seule forme conjuguée qui subsiste du verbe exeimi. Or ce verbe est composé de la préposition « ex » et du verbe « être »; il signifie quelque chose qui sort de lêtre dune personne. Lautorité (exousia) de Jésus vient du fait quil dit ce qui jaillit de son être le plus profond; lequel est « branché » ou en pleine communion avec Dieu. Jésus peut bien parler autrement que les scribes, ce que constatent les auditeurs. Dailleurs, Marc nous ayant annoncé dès le début quil allait nous présenter la Bonne Nouvelle de Jésus, le Fils de Dieu, le lecteur ne doit pas sétonner quil y ait des sources divines dans la parole et lagir de Jésus. Jésus dit dans un langage neuf ce que Dieu na jamais cessé de révéler de lui-même et de son projet de salut pour les êtres humains. Cest ce projet de salut qui devient réalité pour lhomme possédé par un esprit mauvais. Dans la synagogue de Capharnaüm, Jésus engage une lutte à finir contre les forces du mal qui aliènent lêtre humain, le prennent en otage et lempêchent de se réaliser pleinement. Jésus vient redonner sa liberté à lhomme possédé, afin quil puisse répondre à sa vocation de personne créée à limage de Dieu et vivre une riche existence au service de la vie et de lamour. Lautorité de Jésus nest pas étrangère à ce trait de la culture moderne : « La parole de quelquun gagne en autorité dans la mesure où elle est authentique et sincère, dans la mesure où elle correspond à une expérience. Paul VI avait raison de déclarer que lhomme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ( ) ou sil écoute les maîtres, cest parce quils sont des témoins. Il importe donc quil y ait cohérence entre les paroles et les actions, entre le discours et la pratique*» . Lautorité de Jésus lui vient certes de lexpérience de sa communion damour avec Dieu, ce qui en fait le témoin authentique du Père. Mais son autorité lui vient aussi de sa connaissance de lâme humaine, dont il partage personnellement toutes les dimensions, faisant ainsi de lui un témoin de ce qui habite le cur de lhomme.
____________________________________ * AEQ, Annoncer l'Évangile dans la culture actuelle du Québec,
Montréal, Fides, 1999, page 34.
Yves Guillemette, ptre
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